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La Déploration sur le trespas de Messire Florimond Robertet : une déploration ?

IV- Clément Marot : vers une consolation évangélique et personnelle

3/ La Déploration sur le trespas de Messire Florimond Robertet : une déploration ?

La Déploration de Florimond Robertet revient sur la façon d’aborder personnellement la mort

d’un proche et sur la façon d’en rendre compte d’un point de vue littéraire184. En 1527, Marot est

poète du roi et surtout converti aux idées évangéliques. Il compose sa première grande déploration funèbre à l’occasion de la mort du Trésorier Robertet, qui fut aussi protecteur des poètes et de la cause évangélique. Marot y met en scène le cortège funèbre de l’illustre homme

184 Cette partie reprend et développe notre article « Les Plaintes de la Déploration de Florimond Robertet ou les apories de la poésie funèbre », L’Esprit Créateur, 57-2, 2017, à paraître.

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d’État et représente l’échange entre Françoyse Republique, qui se lamente de cette perte, et la Mort, qui contre toute attente se fait la voix de la raison et de la foi en expliquant combien son œuvre est salutaire, dictée par l’amour du genre humain, car elle lui permet d’accéder au repos de l’au-delà. Ce discours nouveau de la Mort semble totalement remettre en question la pratique et les topoï de la déploration funèbre telle qu’elle s’est codifiée avec les Rhétoriqueurs : nous nous efforcerons donc de mesurer exactement la part du renouveau mais aussi les limites auxquelles Clément Marot est confronté.

De la mort de l’ami à la consolation du croyant

Comme dans le rondeau « Aux Amys, & Sœurs de feu Claude Perreal, Lyonnois », le rejet de

la rhétorique de cour au profit de celle du cœur se retrouve au début de la Déploration de Florimond

Robertet. En effet le poète explique qu’il choisit de « tremper [sa plume] en ancre d’amertume »

moins par obligation liée au service de François Ier que par amitié pour le défunt :

Ainsi le fault, & quand ne le fauldroit, Mon cueur (helas) encores le vouldroit : Et quand mon cueur ne le vouldroit encores, Outre son vueil contrainct y seroit ores Par l’aiguillon d’une mort, qui le poinct : Que dis je mort ? D’une mort n’est ce point : Ains d’une amour : car quand chascun mourroit Sans vraye Amour, plaindre on ne le pourroit : Mais quand la Mort a faict son malefice, Amour adonc use de son office,

Faisant porter aux vrays Amys le dueil, Non point ung dueil de fainctes larmes d’œil Non point un dueil de drap noir annuel Mais ung dueil tainct d’ennuy perpetuel : Non point ung dueil, qui dehors apparoist,

Mais qui au cueur (sans apparence) croist. (v. 6-22)

Les similitudes entre le début de la Déploration de Florimond Robertet et le rondeau XXIX sont

nombreuses. L’expression de la nécessité de l’écriture (« ainsi le fault », v. 7, ou « outre son vueil

contrainct y seroit », v. 10) reprend les mêmes termes185 et, surtout, elle s’appuie sur la même

justification : la « vraye amour » (v. 14) portée au défunt par de « vrays Amys186 » (v. 17), et non,

comme on pourrait s’y attendre pour Florimond Robertet, l’éminence de sa position à la cour de

François Ier. De même, on apprend plus loin dans le poème que si le roi a ordonné une si grande

185 Ce début est d’ailleurs un exemple remarquable du lieu a causa dicendi : la cause qui contraint à parler (ce

qui vaut souvent excuse, dans un contexte général d’insinuatio). Chez Fabri, c’est le premier point de toute

lettre : « La cause est qui nous meult ou contraint à escripre à aultruy, en luy voulant signifier notre volunté. » (op. cit., p. 199).

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pompe funèbre pour Robertet, c’est moins par convention que comme témoignage de reconnaissance, « d’amour », pour un service dévoué :

Monstrant au doid, combien d’amour desservent

De leurs Seigneurs les Servans, qui bien servent. (v. 111-112)

Pour le poète, à la douleur intérieure du « cueur » (v. 22) s’oppose celle, toute conventionnelle, réglée chronologiquement par un « drap noir annuel » (v. 19) et faite « de fainctes larmes d’œil » (v. 18). La contrainte ressentie par l’écrivain qui s’apprête à faire une déploration funèbre – de

même que la rime entre « dueil » et « larmes d’œil » – sont des topoï qui se retrouvent chez

Lemaire, au début de La Couronne Margaritique :

[...] force m’est briser mon doux estude, Laisser escrits de noble claritude, Pour la plonger es profondes tenebres De cas divers, violents et funebres, Pleins d’infortune, accumulez de deuil, Lardez de pleurs, farcis de larmes d’œil187 ?

Lemaire confronte la nécessité de la déploration funèbre à ses travaux de recherche historique,

tels les Illustrations ; il met en balance deux types d’écrits attendus de la part d’un poète de cour (et

on a vu comment finalement il parvenait, au moyen de l’architecture virtuose de la couronne, à réaliser conjointement ces deux tâches). Marot en revanche oppose la contrainte de la déploration funèbre à toute activité de poète de cour et, ce faisant, déplace le lieu de cette contrainte : de professionnelle, courtisane, elle devient personnelle. L’intertexte lemairien rend plus évident ce déplacement à l’orée de la première grande déploration marotique. Le poète quercinois entend

donc développer dans la Déploration de Florimond Robertet l’opposition entre conventions auliques

de la déploration funèbre et expression sincère de la douleur (et de la foi), le tout dans le but de relativiser le deuil : comment ce programme est-il réalisé dans le poème ?

Dans son mouvement allant du planctus de « Françoyse Republique » à l’argumentation de la

Mort incitant non seulement à cesser de l’invectiver, mais aussi à se réjouir de son œuvre, le poème vise à alléger le deuil, à montrer que la mort est bénéfique et semble ainsi, si l’on cherche

une qualification rhétorique pour la Déploration de Florimond Robertet, procéder à une consolation.

C’est sensiblement la même dispositio que l’on retrouve dans la Complaincte et epytaphe du feu roy

Charles d’Octovien de Saint-Gelais188 : après que « France » ait rappelé les hauts faits du défunt, et invité à la lamentation (relayée par les pleurs de « tous etatz », qui laissent bientôt place à une invective contre la mort), « Voix divine » prend la parole pour narrer la canonisation du défunt,

187La Couronne Margaritique, op. cit.,p. 15. On retrouve par exemple cette rime dans l’épître « Dudit Cretin au nom des Dames de Paris au Roy Charles Huystiesme », Œuvres poétiques, op. cit., p. 218, v. 61-62.

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assurer l’assemblée sur son bonheur céleste et ainsi les conforter, dans un mouvement topique –

exploitant les motifs déjà étudiés chez Lemaire et Cretin – du planctus à la consolatio. Mais différents

aspects de la déploration de Marot vont à l’encontre de cette dispositio d’ensemble d’un poème

tendu vers une consolation triomphale.

Le discours encadrant de l’auteur, passés les premiers vers d’expression du « cueur » cités ci-dessus, raconte la pompe funèbre de Florimond Robertet, à Blois. On a vu que ces récits étaient la prérogative du chroniqueur officiel de cour, même si ces derniers, tels Lemaire, s’efforçaient de composer autour, ou à côté, un poème rendant aussi hommage, d’une autre façon, à la grandeur

du défunt. Dans la première partie du discours encadrant, se manifestent donc les deux éthè du

poète : l’ami et protégé d’une part, le courtisan au service de François Ier d’autre part. On ne

reviendra pas sur l’expression de l’« amour » dès le début du poème, en revanche, l’attachement personnel du poète à Robertet, maître et protecteur, se décèle dans les vers suivants :

C’est celle Plume, où modernes espritz

(Soubz ses patrons) leur sçavoir ont appris [...]. Celluy, qui fut la toute ronde Sphere,

Par où guettoys ma fortune prospere. (v. 139-140 et 163-164)

Defaux, dans ses notes, explique que la « ronde Sphere » fait référence aux représentations traditionnelles de la fortune, juchée sur un globe, pour en refléter le caractère toujours incertain. Marot voyait dans la protection de Robertet son bien à venir. Defaux ajoute que le jeune poète devait d’autant plus compter sur l’influence de Robertet pour asseoir sa position de poète de cour que ce dernier avait, semble-t-il, été le protecteur de son père Jean Marot (ce que suggère en effet

la « Ballade de Maistre Jehan Marot presentée à Monsieur le Tresorier Robertet189 »). Comme

dans les déplorations de Lemaire en particulier, mais aussi des Rhétoriqueurs en général, Marot s’inclut parmi les proches du défunt endeuillés afin de justifier sa présence aux pompes funèbres et sa prise de plume (on a aussi vu en quoi cette inclusion fondait le discours d’exhortation dans le cadre d’une consolation). Néanmoins, les précisions biographiques, même ténues, qui l’attachent à Robertet, ainsi que l’insistance liminaire sur la « vraye amour » qu’il lui porte sont une première entorse à cette inclusion dans la masse des simples « manans » ou courtisans, et rappellent l’attitude de Cretin envers son ami Byssipat. Ce contexte conventionnel est néanmoins

rappelé dans l’excusatio finale, topique selon la manière des Rhétoriqueurs, où le poète se présente

comme le simple et maladroit scribe d’événements vus ou entendus :

Tel fut conduyt dedans Blois la Conté L’ordre funèbre, ainsi qu’on m’a compté. Si l’ay comprins succinct en cest Ouvrage

Faict en faveur de maint noble courage. (v. 548-552)

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Ce topos du pur scribe se retrouve chez Cretin et Lemaire, respectivement dans la Déploration sur le trespas de feu Okergan190 et La Plainte du Désiré191. Il est frappant de constater qu’au début de la Déploration de Florimond Robertet, le poète est, comme il se doit, témoin et participant du cortège

funèbre (« En celluy lieu mortel / Je vy la Mort hydeuse», v. 42-43). Il écoute ensuite les discours

de Françoyse Republique et de la Mort, puis il suit le cortège jusqu’à Blois (du moins n’a-t-on

aucune indication selon laquelle il l’aurait quitté). Or, à la fin de la Déploration, les événements ne

lui sont plus que rapportés. Ce décalage inhabituel semble révélateur d’une rupture entre le poète et le reste du cortège après le discours de la Mort : lui seul entend, comprend – et surtout croit – les arguments évangéliques selon lesquels il faut se réjouir de l’œuvre de celle-ci. Les autres en effet font la sourde oreille et continuent de pleurer :

Quand Mort preschoit ces choses, ou pareilles, Ceulx qui avoient les plus grandes Oreilles, N’en desiroient entendre motz quelconques. Parquoy se teut, et feit marcher adoncques Son chariot en grand triumphe, & gloire, Et le deffunct mener à Bloys sur Loyre : Où les Manans, pour le corps reposer,

Preparoient Tumbe, & pleurs pour l’arroser. (v. 453-460)

La Mort prêche dans un désert où ne se trouvent que le poète et, espère-t-il, son lecteur – du moins ceux qui sont capables de recevoir et d’accepter ce message. Dans ce passage, le motif du « triomphe » de la Mort, sur son char, peut aussi bien renvoyer à l’iconographie médiévale qu’à sa nouvelle « gloire » acquise grâce au renouveau de la pensée chrétienne et à l’évangélisme. Cette

ambivalence trouve notamment son origine dans Le Triomphe de la Mort de Pétrarque192 : la mort

hideuse n’éteint pas l’éclat de Laure et suscite même sa joie d’être libérée des peines de la vie commune. Mais alors que le poète italien fait de la renommée le moyen de triompher de la mort, alors que Laure se réjouit autant d’être immortelle grâce au poète que d’être soulagée de ses angoisses terrestres par une mort particulièrement douce, Marot appuie ce renversement d’une

190 « Musique lors, la dame tresdolente, / Non congnoissant du dueil ma part, / Pour ce qu’estions dessoubz ung arbre a part, / Hastivement me feit venir vers elle, / Et quant congneu mon couraige et bon zele, / Me commanda estre prest et pourveu / D’enregistrer tout ce que j’avoye veu. » (Cretin, Œuvres poétiques, op. cit., p. 67, v. 224-230.)

191 « Et pource que je tenoye encores en ma main la rude plume laquelle en recente memoire tellement quellement avoit descript le trespas du feu tresbon prince bourbonnois, et son exaltation au temple d’honneur et de vertu, ilz jugerent de primeface, par sentence unanime, que ceste seconde matiere funebre de plein droit m’estoit devolue comme a tenu : et me chargerent de ce pesant faiz, non egal a ma possibilité. » (Lemaire, La Plainte du Désiré, op. cit., p. 91.) Avant Cretin et Lemaire, Chastelain avait illustré ce topos à la fin de sa Déprécation pour Pierre de Brézé et Molinet dans sa Complainte sur la mort madame d’Ostrisse. 192 Pétrarque, Les Triomphes, Genève, Droz, 2012. Une traduction française des Trionfi, par le valet de chambre du roi Simon Bourgouin, avait circulé (sous forme manuscrite) autour de 1500 : c’est dire la popularité de cet auteur, avant même que le goût de François Ier n’en accroisse la diffusion.

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mort haïe à une mort enviée non pas sur l’argument de la renommée mais sur celui de la foi. Ainsi, sa démonstration s’adresse à tout croyant, et pas seulement à ceux qui sont dignes de mémoire. Encore faut-il que le lecteur soit un vrai croyant... À lui de choisir son image, les pleurs ou la consolation (d’un point de vue rhétorique), les ténèbres ou la foi (d’un point de vue idéologique). Dès lors que le poème ne semble pas écrit pour la gloire du défunt et que les arguments d’une éventuelle consolation ne touchent que le poète en tant que témoin ou représentant d’une certaine disposition spirituelle, on est en droit de questionner l’enjeu réel du poème : profession de foi évangélique ou mise à l’épreuve de la déploration traditionnelle (à travers la réécriture de Saint-Gelais notamment) ? Peut-on encore parler de « déploration » pour qualifier ce texte de combat ?

Des travaux ont déjà montré combien Marot s’affranchissait des codes traditionnels de représentation de la mort au profit d’une vision évangélique, aussi nous nous appuierons sur une

synthèse des études déjà menées par Christine Martineau-Génieys et Claude Blum193, que nous

discuterons à plusieurs reprises. Les deux auteurs s’accordent pour faire de la Déploration de

Florimond Robertet un pivot quant à la représentation de la mort, la pensée religieuse qui s’y attache et son écriture : avant ce poème, des déplorations funèbres exubérantes, sinon païennes, du moins en inadéquation avec les représentations chrétiennes de la mort ; après, une mort intériorisée dans le respect de la foi et le dédain de la Grande Rhétorique. Nos études préliminaires de certains textes de Lemaire ou de Cretin montrent que certains thèmes ou certaines inquiétudes exprimés par Marot étaient déjà présents chez ses prédécesseurs immédiats, tel que la part rhétorique de la consolation ou la place accordée à la foi dans le discours courtisan. On sera donc sensible à l’effet de posture du nouveau poète du roi confronté à un genre difficile, très codifié par ses aïeux, appartenant à un style élevé qu’il ne pratique guère. Cela nous

conduira à nuancer fortement l’impact de la Déploration de Florimond Robertet sur l’évolution de la

déploration funèbre des Rhétoriqueurs à Marot et nous invitera, ensuite, à examiner plus

attentivement ses déplorations ultérieures (l’Eglogue sur le trespas de ma dame Louise de Savoye et la

Complainte de Guillaume Preudhomme), afin d’y trouver des réponses aux questions explicitement et implicitement soulevées par ce premier effort de Marot dans le grand genre.

La critique d’une tradition Selon Blum :

C’est en 1527 que Marot a consacré la belle et longue Déploration de messire Florimond Robertet à retracer l’histoire de la représentation de la mort. Son projet semble y être de montrer

193Le thème de la Mort, op. cit., p. 439-483 et La Représentation de la mort dans la littérature de la Renaissance, op. cit., p. 161-175.

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les contradictions auxquelles celle-ci est arrivée et d’esquisser les conditions de son évolution possible. Ce poème est une prise de conscience et une élucidation194.

Revenons donc sur cette « histoire » thématique et poétique que retrace Marot pour mettre au jour les contradictions qu’il entend manifester à son lecteur, avant d’examiner si « élucidation » il

y a dans la Déploration de Florimond Robertet.

La première partie du poème reprend les images traditionnelles de la mort : « hydeuse », sur un char, « fiere » et munie d’un redoutable « dard ». Marot se livre à une véritable hypotypose qui

rappelle la minutie du Triomphe de la mort de Brueghel :

Je vy la Mort hydeuse, & redoubtée Dessus ung Char en triomphe montée, Dessoubz ses pieds aiant ung corps humain Mort à l’envers, & ung Dard en la main De boys mortel, de plumes empenné

D’ung vieil Corbeau, de qui le chant dampné Predit tout mal : & fut trempé le fer

En eaue de Styx fleuve triste d’Enfer. La Mort en lieu de Sceptre venerable Tenoit en main ce Dard espoventable, Qui en maintz lieux estoit tainct, & taché

Du sang de cil, qu’elle avoit submarché. (v. 43-54)

Toute tournée vers la douleur, commente Blum195, la Mort est centrée sur elle-même et ne s’ouvre

pas sur l’espérance et la Rédemption grâce au Christ. Cette représentation de la mort appartient,

on l’a vu, aux Rhétoriqueurs du XVe siècle et est déjà obsolète au moment où Marot s’en prend à

elle : Cretin, dans son Invective contre la mort, en montre avant lui les limites dans un contexte

chrétien. D’une autre façon, Les trois contes intitulez de Cupido et d’Atropos de Lemaire se moquent

aussi des attributs traditionnels d’Amour et de la Mort : ces deux divinités échangent en effet par inadvertance leur arc, le premier tuant les jeunes gens et la seconde rendant amoureux les

vieillards196. C’est dire tout ce que la représentation de la Mort sur son char et avec ses dards

contient de stéréotypes, dont les poètes se sont emparés pour les dénoncer bien avant Marot. Au

sortir de son Adolescence (la Déploration de Florimond Robertet figure en tête des « autres Œuvres

faictes par ledit Marot depuis leage de sa dicte Adolescence »), Marot se réfère à une tradition lointaine déjà critiquée comme pour faire le point sur le genre de la déploration funèbre et aisément mettre en scène son autorité. La nouveauté apportée par le poète quercinois réside donc moins dans cette critique que dans la pensée évangélique qu’il applique à la déploration funèbre.

194Ibid., p. 161.

195Ibid., p. 164-165.

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La déploration de Françoyse République est typique de la Grande Rhétorique, faisant l’éloge du trépassé, s’adressant tour à tour aux vivants et invectivant la Mort. « France », dans la Complaincte et epytaphe du feu roy Charles de Saint-Gelais, procède ainsi à l’éloge du défunt et à sa lamentation, même si c’est l’assemblée (peuple et nobles officiers) qui relaye sa parole et prend en charge l’invective. Or le discours de Françoyse République n’est pas celui du peuple – représenté par « le bon hommeau Labeur » (v. 98) – mais celui du pouvoir, sphère au sein de laquelle le populaire Marot compose et dont il remet précisément en question les conventions. Ainsi les lieux de son discours sont-ils ostensiblement canoniques. L’invective contre la Mort, « vieille effacée, infecte, Image immunde, / craincte de gens, pensement soucieux » (v. 213-214) est précédée par la description de l’assemblée en deuil :

France & la fleur de ses Princes ensemble Le corps au Temple en grand dueil ont mené. Lors France triste à Hécuba ressemble, Quand ses Enfans à l’entour d’elle assemble Pour lamenter Hector son filz aisné. Quiconques fut Hector aux armes né, Robertet fut nostre Hector en sagesse :

Pallas aussi luy en feit grand largesse. (v. 197-204)

Les allitérations en [f] et en [r] appartiennent pleinement à la rhétorique encomiastique de la

complainte197, de même que la comparaison avec un épisode de la légende de Troie, si bien

documentée par Lemaire. La France est associée à la figure d’Hécube, alors que le discours