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Les défis que posent l’émergence des droits fondamentaux liés au devoir de

Chapitre 2 La constitutionnalisation du droit du travail

2.4 Quelques défis pour l’acteur syndical découlant de la constitutionnalisation des rapports

2.4.2 Les défis que posent l’émergence des droits fondamentaux liés au devoir de

Morin (2006a), à l’instar de Brunelle (2001, 2002, 2007a et b) et de Legault (2005, 2006) parle de

droits collectifs et individuels261 et il se questionnait sur les limites à poser entre ces droits : « Où est la

frontière? Une telle frontière doit-elle s’imposer? ». Quoi qu’il en soit, le devoir syndical de représentation se fait nettement plus exigeant pour le syndicat, entendu que ces concepts d’égalité, d’équité, de discrimination et d’accommodement peuvent remettre en question les assises institutionnelles du mouvement syndical. Nos interrogations portent sur les questions suivantes : (1) quelle sera l’incidence du droit à l’égalité sur les enjeux et les objectifs de l’acteur syndical? Il est maintenant acquis par les différentes instances judiciaires ou quasi-judiciaires (dont la Commission des relations du travail) qu’en matière de discrimination les syndicats ne peuvent plus s’en tenir qu’au devoir de représentation, au sens classique du terme. En effet, ils ont eux aussi le devoir d’accommoder. (2) Les syndicats ne doivent-ils pas réconcilier les droits du groupe de salariés qu’ils représentent avec ceux d’un employé (ou d’un sous-groupe) donné? Et cela, même si les revendications fondées sur la Charte entrent en conflit avec les normes générales négociées dans la convention collective (Brunelle, 2001).

L’analyse préliminaire de la jurisprudence émanant de la Cour suprême a démontré que quatre jugements ont particulièrement contribué à modifier le comportement de l’acteur syndical en matière de discrimination. Il s’agit des décisions Renaud (1992), Meiorin (1999), Parry Sound (2003) et Morin (2004)262. Pour l’acteur syndical, cela se traduit par différentes logiques d’action afin de s’approprier la

261À l’instar de plusieurs auteurs, nous préférons nuancer ici l’opposition entre droits collectifs et droits individuels, puisque certains droits fondamentaux s’exercent collectivement, pendant que des droits du travail peuvent s’exercer individuellement. Nous y reviendrons plus en détail ultérieurement. Le lecteur peut également se référer au texte de Veilleux (2004) pour une typologie des droits individuels.

262 Central Okanagan School District No.23 c. Renaud (1992) 2 R.C.S, ci-après nommé l’arrêt Renaud.

Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU [1999] 3R.S.C.3 ci-après

nommé l’arrêt Meiorin et Parry Sound (District), conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324 (2003) 2RCS157 2003 CSC 42, ci-après nommé l’arrêt Parry Sound. Québec (Procureur

général) c. Québec (Tribunal des droits de la personne), 2004 CSC 40 (CanLII), [2004] 2 RCS 223, ci-après

norme d’égalité. Les travailleurs sont dorénavant assujettis à la notion d’équité en emploi. En conséquence, la représentation collective prend une nouvelle orientation, puisque deux conceptions de l’égalité peuvent alors s’entrechoquer : d‘abord, celle appartenant à la sphère des droits et libertés, laquelle vise une égalité réelle et pouvant comporter une obligation d’accommodement, puis celle reliée à la sphère du travail, suivant laquelle chaque travailleur doit être traité de manière identique (Legault, 2006 : 114-115). Or, nous croyons que les effets sur l’action syndicale des différents recours relatifs aux droits fondamentaux seront changeants et s’articuleront en fonction de maintes variables, notamment des formes de discrimination subies, du degré d’ouverture de l’environnement (pression des pairs et idéologie), du degré de négation ou résignation de l’environnement humain (délégués, victimes, membres, famille, etc.), du degré d’appartenance à un nouveau collectif, de l’impact de la discrimination et des différentes pratiques de gestion, de l’interaction entre les différents paliers de l’organisation syndicale, de la conception de l’égalité, de la volonté d’adaptation aux nouvelles assises du droit du travail et finalement des ressources disponibles.

À l’instar de Vallée et Gesualdi-Fecteau (2007 : 153), nous croyons que le processus de constitutionnalisation ne serait pas nécessairement une menace pour les syndicats, mais s’inscrirait plutôt dans une certaine continuité historique du droit du travail (incluant le droit des rapports collectifs). Dans les faits toutefois, malgré le principe d’égalité, la norme prohibant la discrimination n’a pas un effet homogène, car elle doit être mobilisée et mise en œuvre par les différents acteurs. Les salariés n’y ont pas nécessairement un même accès, que ce soit en raison du contexte, d’un manque de connaissance, ou de ressources. De même, si les droits fondamentaux reliés à la réalité des entreprises, des employeurs, des salariés et des organisations syndicales se modifient, le droit des rapports collectifs est indéniablement atteint.

Legault (2006 : 97-128) démontre que même si dans la société en général le mouvement syndical n’adhère pas à la thèse de l’égalité présumée, lorsque vient le temps de prendre en

Renaud – que l’obligation d’accommodement s’applique aussi aux syndicats, dans le respect de l’identité et la

dignité de chaque salarié. Puis, avec l’arrêt Meiorin, celle-ci a décrété que, peu importe le type de discrimination, l’obligation d’accommodement raisonnable ne peut plus être contournée, puisque la contrainte excessive devient la norme. Par la suite, dans le jugement Parry Sound, reconnaissant qu’une convention collective ne peut aller à l’encontre des lois d’ordre public, la Cour suprême établit que l’arbitre de grief a plein pouvoir pour entendre une plainte contestant un congédiement discriminatoire. Finalement, avec l’arrêt Morin, la Cour suprême reconnaîtra que si la discrimination émane d’une clause négociée par les parties, des recours, autres que l’arbitrage de griefs, pourraient être considérés.

considération la régie interne des syndicats locaux, la notion d’égalité formelle prévaut. Celle-ci se définit par l’égalité de traitement et par l’égalité des chances. En pratique, cela signifie que tous les membres sont égaux, donc ils doivent être traités de la même manière. Cette façon de concevoir l’égalité s’oppose à une définition de l’égalité plus substantielle qui tend vers une égalité de résultat et le droit à la différence. Cette notion d’équité (égalité de fait) met à l’épreuve la croyance en une démocratie basée sur la majorité en vertu de la similitude des intérêts de classe, puisqu’elle entraîne des revendications individuelles (ou par un groupe de personnes minoritaires) (Legault, 2006 : 98).

Dans un contexte de déclin du secteur industriel, de telles demandes peuvent bouleverser l’ordre social relatif à « l’attribution des places et mettre à dure épreuve la solidarité du collectif syndical » (Legault, 2006 : 117). Cette confrontation entre deux conceptions de l’égalité découle d’une décision législative de faire de l’égalité d’accès à l’emploi une égalité de résultats plutôt qu’une égalité des chances (ou de traitement). Legault constate que cette différence entre les concepts d’égalité (résultats vs. chances) remet en cause deux importants postulats syndicaux : l’égalité formelle de tous les membres et le monopole de représentation (2006 : 117). Puisque les accommodements demandés et mis en place sont perçus comme des « traitements de faveur », le fait de privilégier l’embauche de femmes pourrait alors être caractérisé comme de la discrimination à rebours, ou des quotas à l’américaine (Legault, 2006 : 113-114). Dans les milieux syndiqués, « on insiste encore sur la lettre de la Charte québécoise soit l’interdiction de distinguer et d’exclure autant que de préférer les membres d’un groupe cible » (Legault, 2006 : 114).

Dans le cas de la norme d’égalité, la négociation de clauses « orphelin »263 nous apparaît

spécialement éclairante pour illustrer les effets pervers d’une action purement défensive. Prenons l’exemple des jeunes enseignants de l’élémentaire et du secondaire pour illustrer cette notion. L’entente, survenue le 3 juillet 1997 entre la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et le Ministère de l’Éducation, a modifié la clause 6-4.01 paragraphe D de leur convention collective comme suit : « Malgré ce qui précède, l’expérience acquise en 1982-1983 et 1996-1997 ne permet aucun avancement d’échelon ». Le gel d’échelon tel qu’introduit dans cette convention collective résultait

263

Bien qu’aucune définition ne fasse l’unanimité lorsqu’il s’agit de définir de ce qu’est une clause « orphelin », voici celle utilisée par la CDPDJ : le terme clause « orphelin » désigne « toute clause discriminatoire fondée sur la

date d’embauche qui a pour effet […] de ne plus fonder la politique salariale sur des critères communs à l’ensemble du personnel » (rédigé par Coutu). Nous y reviendrons ultérieurement afin de mieux cerner les effets de

d’une revendication gouvernementale afin que les syndicats du secteur public et parapublic participent soi-disant à l’assainissement des finances de l’État. Bien que cette clause n’ait pas fait l’objet de grief, elle a néanmoins provoqué un mouvement d’opposition qui a remis en question l’unité syndicale au sein de la CSQ264.

Certains jeunes enseignants ont alors formé une association parallèle, l’Association de Défense des Jeunes Enseignants du Québec (ADJEQ), association qui a ensuite porté le litige devant la CDPDJ. La Commission a par la suite défendu la cause devant le TDPQ, puisqu’à son avis « l’adoption de cette clause a un effet discriminatoire disproportionné sur les plus jeunes enseignantes et enseignants constituant ainsi de la discrimination indirecte fondée sur l’âge ». Cette cause265 a été entendue

jusqu’en Cour suprême, puisque tant l’employeur (l’État) que le syndicat (CSQ) contestaient la compétence du TDPQ. La Cour suprême a finalement retourné la cause devant le TDPQ, lui reconnaissant pleine autorité pour entendre cette cause. Il y a finalement eu un règlement hors-cour entre le syndicat et le gouvernement, règlement entériné par la CDPDJ mais sans l’accord des jeunes enseignants. En fait, ce règlement prévoyait un montant d’argent réservé à l’usage exclusif des jeunes enseignants dans le cadre de leur fonction. Cette enveloppe globale de 22 millions de dollars « était destinée spécifiquement au financement de mesures liées à la formation, au perfectionnement, au financement de projets de nature pédagogique ou d’acquisition d’outils pédagogiques ainsi qu’au mentorat, le tout, à l’initiative et au bénéfice des enseignantes et des enseignants admissibles. Les outils pédagogiques acquis pour une enseignante ou un enseignant admissible dans le cadre de l’entente demeureront la propriété de la commission scolaire.266 ». Il n’a donc pas permis une réelle

réparation économique envers les plaignants. Soulignons, que le TDPQ n’a pas dans un premier temps avalisé ce règlement. Une telle affaire pourrait être appropriée pour l’étude des effets de la mise en œuvre de la norme d’égalité en milieu de travail syndiqué, puisque plusieurs acteurs syndicaux et différentes institutions ont été impliqués, mais compte tenu de sa complexité et de son particularisme, ce cas pourrait faire l’objet d’une thèse en soi et ne sera pas abordé dans le présent ouvrage.

264 La scission créant la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) fût notamment alimentée par ce genre de décision. http://www.lafae.qc.ca/la-fae/historique/ consulté en avril 2014

265 Voir Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Procureur général du Québec (2004) 2 R.C.S. 185 ci- après appelé l’arrêt Morin, du nom d’un des plaignants.

266 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Québec (Procureur général), 2007 QCTDP 2, par 18.

Nonobstant ce qui précède, il faut mentionner que différentes études267 démontrent également que lorsque les résultats des négociations dans le cadre de réorganisations ont pour effet d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble du personnel, la participation ou la position du syndicat sera plus favorable et proactive, alors que les membres en bénéficiant seront plus réceptifs aux changements. Concernant l’action syndicale en lien avec la mise en œuvre de la norme d’égalité, nous avons aussi constaté la présence d’actions couronnées de succès, que nous vous présentons ultérieurement (section 4.2.1), sous le vocable de promotion.

Cela étant dit, on peut observer que l’avènement des équipes semi-autonomes, de l’impartition et du télétravail modifie l’organisation du travail,et que le rapport à l’entreprise et au syndicat évolue nécessairement. Ainsi, en ce qui a trait aux travailleurs sous-traitants ou ceux œuvrant de l’extérieur du bureau, on dénote un moindre sentiment d’appartenance, tandis que chez les travailleurs œuvrant au sein d’équipes autonomes ou semi-autonomes, on peut remarquer une plus forte mobilisation. Cette façon de faire change dorénavant le rapport à l’autre. La confrontation fonctionne moins bien et la loyauté s’affaiblit. Il en est ainsi d’une part parce que l’employeur met en place des stratégies afin d’augmenter la motivation et la mobilisation (rémunération variable, avantages sociaux à la carte, horaires flexibles, etc.). Cette mobilisation vient aussi avec le développement de la participation et du partenariat qui renforce le sentiment d’appartenance et qui pourrait redéfinir la notion de subordination (Jalette, dans Jalette et Trudeau, 2011 : 5). D’autre part, on observe ces changements parce que les nouvelles catégories de travailleurs dits atypiques, découlant des diverses négociations en réaction à l’impartition et au télétravail, font que les travailleurs se retrouvent isolés et ne développent pas la même allégeance, tant envers l’employeur qu’envers le syndicat (voire vis-à-vis leurs collègues de travail et l’emploi en soi).

Par conséquent, la logique de la représentativité syndicale est mise à mal dans son acception institutionnaliste, tant par le poids des traditions que par les antécédents de confrontation (Gagnon, 1998). La liberté syndicale, qui conjugue organisation et action collective, est pour sa part remise en

267 Notamment celles de Lapointe et Bélanger (1996) ainsi que toutes celles produites par l’équipe de recherche (mémoires de maîtrise) de Jalette depuis 2004. Il faut interpréter le terme « réorganisation » comme toute modification permettant d’améliorer les conditions économiques de l’entreprise ou de l’organisme. Dans l’entreprise privée, il s’agit souvent dans un premier temps de réorganisation des postes de travail ou de l’organisation du travail ayant pour but de réduire les coûts de production. Dans le secteur public ou parapublic, la réduction des coûts passe habituellement par la réduction de la masse salariale.

cause sous deux aspects: premièrement, dans son volet organisationnel par la notion de salarié qui restreint l’accès à la représentation collective (la difficulté à s’organiser) et deuxièmement, dans ses modalités d’action, en raison notamment de l’inefficacité de la grève – alléguée par certains auteurs - comme moyen de pression (Brunelle et Verge, 2003). Du reste, comme nous l’avons présenté au chapitre précédent, il apparait que, dans le contexte actuel de crise économique, tant la précarité que le sentiment d’impuissance sont exacerbés (Blackett et Sheppard, 2003).

À l’évidence, les choix d’actions syndicales stratégiques ne sont pas les mêmes pour tous (Frege & Kelly, 2004 : 12). En effet, la liberté d’action de l’acteur syndical, tout comme les contraintes pouvant la grever, vont dépendre du contexte. En fait, il serait aussi juste d’invoquer que les contraintes d’accommodement raisonnable et les règles d’accès à l’égalité se confrontent au devoir de juste représentation tel que défini par le Code du travail (art.47.2 et suivants). Néanmoins, l’acteur syndical disposera toujours d’une marge de manœuvre lui permettant d’exploiter les opportunités se présentant à lui (Weil, 1994, Gagné, 2004). Selon plusieurs auteurs268, cela est fortuit, car il en irait non pas seulement du maintien, mais également de l’avenir du mouvement syndical269.

Même si l’initiative de trouver des solutions d’accommodement repose toujours dans un premier temps sur l’employeur, les syndicats sont concernés de multiples façons (représenter et défendre leurs membres, collaborer aux solutions, participer à l’élaboration d’un compromis acceptable et non-discriminatoire) (Gauthier, 2008 : 9). Dans les faits, cela se traduit dans les milieux de travail par certains succès. Ainsi, les mesures d’accommodement en cas de grossesse, de handicap (si la notion d’ancienneté n’intervient pas) ou d’antécédents judiciaires (notamment l’alcool au volant) ne suscitent à peu près plus de résistance. Il en va autrement lorsqu’il est question d’accommodement pour des motifs religieux ou culturels, cette corde étant beaucoup plus sensible. Selon Gauthier (2008 : 4), « Il y a un choc des valeurs […], parce que la société québécoise devient laïque et que le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes y prédomine ». De plus, certaines sources de tension proviennent de la difficulté de l’agrégation de la reconnaissance des intérêts communs de la main- d’œuvre minoritaire au sein des syndicats locaux, surtout en présence de programmes d’accès à

268 Hyman (1997), Touraine et coll.(1984), Dunlop (1983), Frost (2000), Lévesque & Murray (2003), Weil (1994).

269 Soit en tant que promoteur du collectif, dans la défense et la promotion des intérêts de ses membres, puis comme agent de transformation sociale, par l’entremise d’actions citoyennes (Murray et Verge, 1999).

l’égalité (PAE) (Legault, 2006 : 99-102)270. Selon Legault, les discussions étant à peine entamées et le succès des PAE étant bien mitigé, il faudra à nouveau dépoussiérer et élargir le débat sur ces différents enjeux relatifs à l’équité. Bref, comme le résumait Legault, la diversification de la main-d’œuvre pose des défis qui devront s’inscrire dans un débat sur la légitimité et les enjeux éthiques de l’action syndicale (Legault, 2006 : 120). Quels choix présentent alors cette constitutionnalisation des rapports collectifs sur l’agir syndical en regard de la négociation et de l’administration de la convention collective?

Nous savons que depuis l’arrêt Health Services271, la négociation collective est reconnue

comme un droit fondamental. Toutefois, il apparait qu’au Canada anglais, cet arrêt aurait une portée plus limitée, puisque la décision rendue ne concerne que la Charte canadienne. En principe, il en est autrement du Québec, puisque la Charte québécoise englobe tant les rapports entre les particuliers que ceux avec l’État (Coutu et coll., 2013 : 186). Par ailleurs, la Cour reconnaît que « la négociation collective permet au travailleur de parvenir à une forme de démocratie et de veiller à la primauté du droit en milieu de travail » (par.85). Toutefois, ce droit aurait une « portée restreinte » selon Coutu et coll. (2013 : 171), « en ce sens (a) qu’il protège le processus de négociation mais non les résultat spécifiques; (b) qu’il garantit la participation à un processus général de négociation collective, mais non un droit de revendiquer un régime particulier de relations de travail; (c) qu’il n’englobe pas tous les aspects du processus de négociation collective, mais seulement les "entraves substantielles" grevant ce processus ». Cela étant, il faut reconnaître que cette obligation de négocier collectivement et de bonne foi, étant dorénavant de nature constitutionnelle, devrait renforcer la démocratie au travail, « puisque les travailleurs acquièrent voix au chapitre pour l’établissement des règles qui régissent un aspect majeur de leur vie » (Coutu et coll., 2013 : 219, citant la Cour suprême dans l’arrêt Health

Services par. 86).

270 En fait, le gouvernement prévoyait que ces programmes d’accès à l’égalité (PAE) ou d’égalité en emploi (PEE) seraient une réponse adéquate à la discrimination systémique des femmes sur le marché du travail, s’inspirant en cela du mouvement des noirs américains (Legault, 2006 : 99-100). Les PAE ou PEE sont en fait des programmes de redressement temporaires permettant d’augmenter la représentation de groupes minoritaires et de diminuer la prétendue ségrégation en emploi, en favorisant quatre groupes cibles (Legault, 2006 : 100). Legault (2006 : 102) constate que la réaction patronale fût de contester cette ingérence gouvernementale. Toutefois la Cour suprême a mis fin aux velléités de contestation juridique des employeurs avec l’arrêt Action travail des femmes c. la

Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada, (1987) 1 RCS 1114, tandis que le milieu syndical semblait de

prime abord bien disposé à l’égard du principe de l’équité en emploi (Legault, 2006 : 102). Le problème est survenu lorsque le gouvernement n’a pas imposé le paritarisme dans la gestion des PAE et des PPE, répondant en cela à une opposition formelle des employeurs.

271Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27 (CanLII), [2007] 2 RCS 391 ci-après nommé Health Services

On considère dans la littérature272 que la norme négociée est le résultat d’un rapport de force,

d’un apprentissage des acteurs ainsi que d’un construit social. Puisque les acteurs doivent continuer à vivre ensemble, quelle sera la conciliation possible entre le droit des rapports collectifs et les droits de la personne? Blackett et Sheppard (2003 : 455) « envisagent la possibilité, controversée, mais réelle que l’un des principes fondamentaux puisse, dans les faits, faire obstacle à la reconnaissance effective de l’autre ». En fait ces auteures croient que la négociation aurait de grandes chances de renforcer l’égalité, à la condition toutefois (1) que la négociation repose sur la volonté des partenaires sociaux de promouvoir l’égalité; (2) qu’il existe des mécanismes permettant de repérer les inégalités et la discrimination; (3) que l’on adopte des mesures et des stratégies correctrices et novatrices (2003 : 473).

En réalité, ces auteures (2003 : 474) rapportent qu’en période de contexte économique difficile, on accorderait moins d’importance à la notion d’égalité. À cet égard Nadeau (2012 : 139-159), sonnait l’alerte en ce qui concerne la négociation de clauses de disparités de traitement. Selon lui (2012 : 150), la contestation judiciaire de la règle discriminatoire constituerait non seulement un désaveu du