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3.5 Prévisions des performances futures avec l’accélérateur Saturne

4.1.2 Définitions

4.1.2.1 Numéro atomique effectif Zeff

L’utilisation du numéro atomique pour la discrimination des matériaux en imagerie bi-énergie soulève une question : comment définir cette grandeur, propre aux éléments chimiques, pour un matériau composé ? La littérature recense plusieurs définitions de ce qui est appelé le numéro atomique effectif, Zeff, dont un résumé est proposé ci-dessous.

Une première définition de ce Zeff est de le considérer intuitivement comme égal à la

moyenne des numéros atomiques des éléments i constituant la molécule ou le mélange [64] : Zeff = Zmoy = n X i=1 fi·Zi (4.1.1)

avec fi la fraction atomique de l’élément i.

En parallèle, de nombreuses formules indépendantes de l’énergie, plus ou moins restric- tives suivant la gamme d’énergie, la plage de numéro atomique ou le type de matériaux, ont vu le jour ces dernières décennies. Une étude de 2014 en recense une grande partie [65]. On peut notamment citer celle donnée par Hine en 1952 [66], valide dans le domaine de prédominance de la création de paires (voir section 1.1.3.3) et définie comme la moyenne des numéros atomiques de chaque élément i composant le matériau, pondérés par leur fraction massique ωi : ωi= f i·Ai Pn j=1fj·Aj (4.1.2) Zeff = Zmass = n X i=1 ωi·Zi (4.1.3)

avec Ai le nombre de masse de l’élément i.

Pour Manohara, qui a également proposé une synthèse des formules existantes [67], le Zeff ne peut pas être réduit à une unique valeur car sa définition dépend des interactions

photon-matière prépondérantes via leur section efficace, et donc de l’énergie. Son raison- nement part d’une définition du Zeff basée sur la section efficace totale d’un composé : Zeff

est alors interprété comme le numéro atomique d’un élément pur hypothétique, de densité identique au composé et qui aurait également la même valeur d’atténuation des photons, c’est-à-dire la même section efficace d’interaction. Cette définition aboutit à une formule dépendant de l’énergie et utilisant les fractions atomiques fi :

Zeff(E) = Zσ(E) =

Pn

i=1fi· σi(E)

Pn

i=1fi· σi(E)/Zi

(4.1.4) Avec cette formule, les courbes de Zeff pour des composés ou mixtures peuvent être

tracées en fonction de l’énergie en utilisant les bases de données de sections efficaces ou de coefficients d’absorption massiques, telle la base de données XCOM [14]. A titre d’exemple, la figure 4.1.4 présente le numéro atomique effectif de l’eau, du PVC, du polyéthylène et de l’oxyde de plomb en fonction de l’énergie des photons entre 0.2 et 25 MeV. De plus, le tableau 4.1 recense les valeurs de Zeff données par les équations 4.1.1, 4.1.3 et 4.1.4 (à 5

4.1 État de l’art

Figure 4.1.4 – Courbes du Zeffde l’eau, du PVC ((C2H3Cl)n), du polyéthylène ((C2H4)n)

et de l’oxyde de plomb (PbO) en fonction de l’énergie des photons, cal- culées à partir des sections efficaces [14] et de l’équation 4.1.4

Composé Formule Zmoy Zmass Zσ(5 MeV) Zσ(10 MeV)

Eau H2O 3.33 7.22 3.47 3.72

PVC (C2H3Cl)n 5.33 12 5.73 6.4

Polyéthylène (C2H4)n 2.67 5.28 2.74 2.87

Oxyde de plomb PbO 45 76.7 56.86 63.54

Table 4.1 – Valeurs de Zeff en fonction de la définition choisie pour l’eau, le PVC, le

La disparité des valeurs de Zeff souligne l’importance du choix de la définition utilisée.

Elle permet également de remarquer que la définition en fonction de la section efficace implique de se placer à une certaine énergie, ce qui n’est pas trivial lorsque les sources photoniques possèdent un spectre large, comme les accélérateurs linéaires. Une définition prenant en compte la bande d’énergie en question a été proposée en 2016 [68]. Toujours basée sur l’équivalence de sections efficaces, les effets ici retenus sont ceux interagissant uniquement avec les électrons, à savoir :

— l’effet photoélectrique ; — la diffusion Rayleigh ; — l’effet Compton.

Le principe est d’estimer quelle valeur Ze(et non Zeff) permet de minimiser par moindres

carrés l’écart entre la section efficace réelle du matériau et la section efficace d’un matériau pur de numéro atomique Ze, calculée par interpolation entre les valeurs tabulées des

éléments purs formant le composé, et ce sur l’ensemble du spectre : Ze = argmin   ˆ " σZe(E) − n X i=1 riσe(Zi,E) #2 dE   (4.1.5)

avec ri la fraction électronique relative :

ri=

ni·Zi

Pn

j=1nj·Zj (4.1.6)

Cette définition a également des limites dans le sens où il n’est pas trivial de définir les bornes de la bande d’énergie, sachant que deux spectres différents sont utilisés. De plus, elle ne prend pas en compte l’allure des spectres, qui pondère l’importance de chaque sous-domaine de la bande d’énergie.

Dans le cas d’une application à une méthode de traitement en imagerie bi-énergie, la définition choisie doit être en accord avec les valeurs trouvées via cette technique de mesure. Par exemple, dans le cas de la méthode du rapport des coefficients d’atténuation (voir section 4.1.3.1), elle doit permettre de discriminer les matériaux grâce à la courbe

µBEHE= f(Z) interpolée entre les points définis avec des matériaux purs, dont les valeurs

sont tabulées.

Une dernière définition, dite expérimentale, mais non analytique, est alors proposée [69, 65]. Rapportée à une technique de décomposition et des conditions expérimentales précises, Zeffest défini comme le numéro atomique d’un élément pur hypothétique donnant

un signal en sortie de traitement avec calibration égal à celui du matériau en question. Une telle méthode assure alors une cohérence entre la technique de mesure et les valeurs attendues. Voilà pourquoi cette définition est retenue dans le cadre de notre étude. La dépendance aux conditions expérimentales, notamment aux spectres basse et haute éner- gie, implique cependant de procéder à une étape de calibration. Celle-ci fournit la courbe de calibration du numéro atomique en fonction du signal mesuré, qui permet d’évaluer le numéro atomique effectif de matériaux composés.

L’application de cette définition au signal mesuré dans notre étude est détaillée dans le chapitre 5.

4.1.2.2 Densité électronique

De récentes études [70, 68] en tomographie bi-énergie ne cherchent plus à évaluer la masse volumique ρ, mais plutôt la densité électronique ρe, ou densité de charge. En effet,

4.1 État de l’art

les effets photoélectrique et Compton intervenant en tomographie standard interagissent avec le cortège électronique de l’atome (voir section 1.1.3). Leurs sections efficaces sont donc proportionnelles à cette densité électronique. Elle se calcule ainsi :

ρe = n X i=1 ωiZ i Ai ρ (4.1.7)

avec ωila fraction massique de l’élément i. Elle est exprimée en moles/cm3et correspond

à la quantité d’électrons par unité de volume. Pour un matériau pur, elle vaut simplement Z/A × ρ.

Contrairement à la tomodensitométrie classique sur colis, basée sur une approximation des sections efficaces (voir section 1.2.4), la densité électronique intègre directement ce rapport et permet de ce fait de prendre en compte sa variation pour l’ensemble des éléments, réduisant par conséquent les approximations inhérentes. Cet aspect est d’autant plus intéressant dans le cas particulier de l’hydrogène, pour lequel ce rapport vaut 1.

En pratique, la densité électronique est également plus simple à évaluer dans le cas d’une décomposition en double effet (voir section 4.2.1) car elle est directement proportionnelle au coefficient d’atténuation Compton.

Enfin, elle possède l’avantage de pouvoir être calculée pour n’importe quel matériau. Au contraire, la notion de densité effective ρeff définie dans une étude de 2014 [65] propose

une définition analogue à celle retenue pour Zeff : c’est la densité qui permet d’obtenir

un signal en sortie de traitement avec calibration égal à celui du matériau en question. Ce signal correspond dans ce cas au couple de coefficients d’atténuation (µBE, µHE). Elle

ne correspond cependant pas nécessairement à la densité réelle du matériau, ce qui peut prêter à confusion. De plus, contrairement à ρeff, ρe ne dépend ni de l’énergie, ni de la

configuration expérimentale.

4.1.3 Méthodes de traitement et de reconstruction en tomographie