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5. RMN et conception de médicaments par fragment

5.4 Définition d’une stratégie de criblage

La définition d’une stratégie de criblage est l’étape suivant l’identification d’une cible pharmacologique. La nature de la cible, les quantités accessibles de protéines et la possibilité du marquage conditionnnent ce choix.

Plusieurs éléments composent une stratégie de criblage et sont intimement liés. Le premier peut être la définition d’une sélection de composés à cribler. Des filtres sont généralement appliqués à ces molécules pour qu’elles soient le plus "drug-like" possible. Selon la méthode choisie, des molécules plus ou moins complexes seront choisies, le HTS étant plus adapté à des molécules complexes et les techniques biophysiques aux frag-

ments. La méthode choisie conditionne également la phase d’optimisation, c’est-à-dire comment la molécule touche ou tête de série va devenir un candidat-médicament.

La plupart des stratégies de criblage intègre plusieurs techniques de criblage et de nombreux outils. Le criblage virtuel est de plus en plus utilisé comme filtre secon- daire en aval des filtres classiques de sélection des propriétés d’ADME-T désirées, et en amont du criblage expérimental. La complémentarité RMN / cristallographie ressort souvent également. Voici au travers de quelques exemples d’identification d’inhibiteurs intéressants ayant utilisé la RMN l’illustration de quelques stratégies existantes.

Nous avons déjà cité l’exemple de FKBP-12 et de la stromélysine, exemples ayant permis de valider le concept "SAR by NMR". Dans ces deux exemples, des frag- ments d’inhibiteurs connus avaient facilité la mise en place de la stratégie. L’exemple des inhibiteurs de la protéine E2 du papillomavirus humain est le premier où l’approche par fragment n’a pas été facilitée par des inhibiteurs connus. L’inhibiteur final présente une affinité de 10 µM seulement mais confirme l’intérêt de la stratégie [254].

La stratégie SHAPES, comprenant les motifs chimiques les plus fréquents dans les structures de médicaments, repose sur la capacité de la RMN à détecter des frag- ments de faible affinité [255]. Plusieurs applications de cette stratégie se sont révélées fructueuses [256]. La conception d’inhibiteurs de la kinase Jnk3 MAP a été initiée par l’identification de fragments se liant dans le site de fixation de l’ATP avec une affinité inférieure à 1 mM par la méthode des NOEs transférés. Les molécules commerciales contenant la combinaison de deux fragments parmi ceux identifiés ont été testées par criblage virtuel en parallèle des fragments seuls, sur la structure cristallographique. Les 300 composés les plus prometteurs ont été testés et 8 d’entre eux ont révélé une affinité supérieure à 20 µM, soit un taux de succès 10 fois meilleur que celui atteint par HTS. La structure cristallographique de la cible complexée aux 3 meilleurs ligands a permis d’identifier deux poches adjacentes au site principal et le composé final atteignant les trois sites présente un KD de 26 nM [257]. La simplicité des molécules SHAPES les rend

intéressantes pour l’évolution des fragments. De plus, la sensibilité de la RMN permet leur détection, là où le HTS atteint ses limites.

La stratégie SHAPES a été utilisée également pour la recherche d’inhibiteurs de FABP-4 (fatty acid binding protein). Le criblage par NOE transférés a permis de sélectionner 13 ligands ayant des affinités entre 0.3 et 800 µM. La structure cristallogra- phique a permis d’orienter la synthèse d’analogues augmentant le nombre de contacts avec la protéine et le développement d’analogues fluorescents a permis de compléter cette approche par le HTS, avec un test basé sur le déplacement de la fluorescence par un compétiteur. Ainsi, neuf têtes de série, d’affinité faible micromolaire à nanomolaire ont été identifiées.

bète et l’obésité [258], ont été identifiés par "SAR by NMR" [259]. Le défi était double : il fallait tout d’abord trouver des groupements fonctionnels permettant la liaison au site de la phosphotyrosine sans introduire trop de charges, puisque cela réduit la perméabi- lité cellulaire, et ensuite, l’enjeu de la sélectivité par rapport aux autres phosphatases était important, dans la mesure où l’homologue le plus proche de PTP1B présente 74 % d’identité pour le domaine catalytique [260]. Un criblage RMN basé sur l’observation de la cible (2D-HSQC) de 10000 fragments, associé aux structures cristallographiques du complexe de PTP1B avec les composés les plus intéressants, ont conduit à l’identifica- tion d’un composé 20 nM aux propriétés physicochimiques peu intéressantes d’un point de vue pharmacologique et avec une sélectivité d’un facteur 2 à 3 seulement [261]. Un ultime effort pour rendre le fragment situé dans le site de la phosphotyrosine plus "drug- like" a permis d’identifier un composé d’affinité finale plus faible, 6-7 µM, mais avec une sélectivité très importante, d’un facteur 30 sur l’homologue le plus proche [262]. Cet exemple illustre l’importance de l’approche par fragment pour obtenir une sélectivité suffisante parmi une famille de protéines homologues.

L’utilisation de bibliothèques de fragments focalisées sur une cible s’est révélée intéressante pour la recherche d’inhibiteurs de la méthyltransférase ErmAM, impliquée dans la résistance aux antibiotiques. L’identification du motif triazine par un criblage HSQC a permis de cribler une bibliothèque de 643 analogues du triazine disubstitué et d’améliorer l’affinité de 1 mM à 75 µM [263].

Les approches présentées dans ce chapitre sont complémentaires les unes des autres, et les exemples cités ici le prouvent. Le criblage par RMN révèle tout son intérêt dans le criblage de fragments, grâce à la sensibilité de cette technique. Les taux de faux-positifs sont d’ailleurs moins importants. La résolution de la structure d’une cible par RMN peut s’avérer également très utile dans la mise en place d’une approche par fragment, bien que la cristallographie soit parfois plus facile d’utilisation si les cristaux sont disponibles.

De manière plus générale, la stratégie de criblage est conditionnée par les infor- mations disponibles. Quatre cas principaux existent : la structure 3D de la cible ou de protéines homologues est connue ou pas, des ligands sont connus ou pas. Dans le cas où aucune de ces deux informations n’est disponible, un criblage HTS de chimiothèques présentant une bonne diversité s’impose. Dans le cas où des ligands ont déjà été iden- tifiés, la définition d’un pharmacophore commun à ces molécules peut être envisagée et guider la synthèse d’une chimiothèque focalisée sur ce motif pharmacophorique, qui sera ensuite criblée par HTS. En revanche, si des informations structurales sur la cible sont accessibles, d’autres stratégies peuvent faciliter la recherche de nouvelles têtes de série, comme la définition d’un pharmacophore à partir de la structure du site actif de la cible, l’analyse de sites adjacents à des molécules déjà liées pour améliorer leur affinité et /

ou leur spécificité par le greffage de fragments. Le criblage pourra être plus restreint au niveau de la taille de la chimiothèque, et basé sur des techniques structurales comme la RMN et la cristallographie des rayons X. L’information structurale obtenue guidera l’évolution de la molécule tout au long de son développement.

La première partie de ce manuscrit a souligné l’importance de la validation d’une cible pharmacologique, et indiqué différentes stratégies permettant l’identification de molécules candidates-médicaments. Cette seconde partie a pour objectif de présenter le contexte biologique dans lequel mes travaux de thèse se sont déroulés.

1.

La réplication de l’ADN et les ADN polymérases répli-

catives

La duplication de l’information génétique contenue dans l’ADN de chaque cel- lule est un processus essentiel au développement d’un organisme. En effet, la réplication fidèle de l’ADN permet la transmission fiable de l’information génétique aux deux cel- lules filles issues de la division cellulaire, et donc le maintien de l’intégrité du génome au cours de la vie de l’organisme.