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Section I. La question de la représentation sociale

1. La définition et les fonctions

La représentation sociale, définie dans un premier temps (1.1.), sera complétée par la présentation des ses fonctions (1.2.).

1.1. La définition générale

Il s’avère difficile de trouver une définition commune, acceptée par tous, de la théorie de la « représentation sociale » (Doise, Palmonari, 1986). Ce paragraphe vise précisément à identifier ses principales caractéristiques à partir d’un ensemble de définitions.

Moscovici (1961 : 48) définit les représentations sociales comme « des ensembles

dynamiques, des théories ou des sciences collectives sui generis, destinées à l’interprétation et au façonnement du réel ». En pratique, elles renvoient à « un corpus de thèmes, de principes ayant une unité, et s’appliquant à des zones d’existence et d’activité particulières […] Elles déterminent le champ des communications possibles, des valeurs ou des idées présentes dans les visions partagées par les groupes, et règlent, par la suite, les conduites désirables ou admises » (ibid.).

Pour Morin (1984, in Abric, 2001), les représentations sociales correspondent à des « blocs

d’idées, de croyances et d’attitudes qui fonctionnent comme des dogmes du quotidien et qui semblent servir de principe de différenciation et de démarcation des groupes ». Abric (2001 :

« contextualisation discursive, socio-économique et culturelle ». Il les définit comme des « organisations signifiantes dépendantes de facteurs contingents, du contexte social et idéologique […] des systèmes d’interprétation de la réalité qui régissent les relations des individus à leur environnement […] des guides pour l’action » ou encore des « constructions sociocognitives, régies par leurs règles propres ».

Jodelet (1993 : 36) aborde l’aspect pratique de la représentation, fonction sociale ou utile. Elle la qualifie : « de forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée

pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Également désignée comme savoir de sens commun ou encore savoir naïf, naturel, cette forme de connaissance est distinguée de la connaissance scientifique […] les représentions sociales régissent notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales ».

Ces différentes définitions permettent de dégager les principales caractéristiques d’une représentation sociale. Assez généralement, celle-ci :

 est socialement élaborée, fruit de croyances et d’opinions partagées ;

 possède une visée pratique d’organisation, de maîtrise de l’environnement et d’orientation des conduites et des communications (Abric, 2001) ;

 apparaît comme un système d’interprétation pour comprendre les comportements et les relations aux autres ainsi que la diffusion et l’assimilation des connaissances ;

contribue à la construction d’une vision de la réalité commune à un groupe social. Elle s’avère donc influencée par les normes, les valeurs du groupe et l’histoire de la société d’où elle émerge. D’après Farr (1984 : 392), elle « rend l’étrange familier et

l’invisible perceptible ».

En conclusion, la représentation sociale correspond, comme le note Jovchelovitch (2005), à une construction symbolique qui recouvre une dimension épistémique (la manière d’organiser la connaissance du réel) et une fonction d’efficacité sociale et individuelle. Elle entend maîtriser le monde et orienter les conduites. Socialement élaborée, elle agit comme une grille de lecture symbolique du monde (vision commune d’un groupe).

Pour mieux cerner les représentations sociales et les distinguer d’autres types de représentations (représentations mentales par exemple), il s’avère nécessaire d’en exposer les fonctions.

1.2. Les fonctions

Selon Abric (2001), le système de représentations d’un individu répond à quatre fonctions essentielles : fonction de savoir (1.2.1.), fonction identitaire (1.2.2.), fonction d’orientation (1.2.3.), fonction de justification (1.2.4).

1.2.1. La fonction de savoir

Une représentation sociale en tant que savoir pratique de sens commun contribue, comme le souligne Moscovici (1961 : 75), aux « processus de formation des conduites et d’orientation

des communications sociales ». Les représentations sociales permettent au sujet d’acquérir

des connaissances et de les intégrer dans un cadre assimilable et compréhensible, en cohérence avec son fonctionnement cognitif et les valeurs auquel il adhère. Elles facilitent donc la communication sociale et déterminent le cadre de référence commun qui permet l’échange social, la transmission et diffusion de ce savoir « naïf » (Abric, 2001).

La fonction identitaire est présentée infra.

1.2.2. La fonction identitaire

Les représentations sociales en tant que « constellations symboliques », régulant fortement les relations entre groupes, constituent un moyen pour ces derniers afin d’assurer leur cohésion et leur garantir un consensus minimal. « Etre en groupe » consiste à se représenter comme tel via les signes, les emblèmes, les images et les croyances communes. En effet, l’étude des rapports intergroupes illustre, comme le montre de nombreux travaux (Doise et

mais aussi à dévaluer celles des autres afin de conserver une représentation positive de soi et de son entourage.

La fonction d’orientation est présentée ci-après.

1.2.3. La fonction d’orientation

Les représentations sociales guident, dans la plupart des cas, les comportements et les pratiques des individus. Ce processus d’orientation résulte de trois facteurs essentiels :

 le système représentatif intervient directement dans la finalité de la situation, déterminant ainsi a priori le type des relations pertinentes pour le sujet, mais aussi dans des situations ou une tâche à réaliser, le type de démarche cognitive qui va être adopté ;

la représentation produit un système d’anticipation et d’attentes (Abric, 2001). Elle agit donc sur la réalité : sélection et filtrage des informations, interprétation visant à rendre cette réalité conforme à la représentation. Cependant, l’existence d’une représentation de la situation reste préalable à l’interaction elle-même. De fait, « les

jeux sont faits à l’avance » (ibid.). Ces représentations peuvent alors s’avérer plus

ou moins décalées de la réalité et en absence de toute communication peuvent alors constituer un obstacle difficilement surmontable à la relation ;

 le système de représentations correspond à un système prescriptif de comportements ou des pratiques obligées.

La fonction de justification vient compléter les trois précédentes fonctions.

1.2.4. La fonction de justification

Les représentations sociales interviennent non seulement en amont mais aussi en aval de l’action. Elles constituent, du fait de leur caractère générique et de leur spécificité, des sources de légitimation des conduites et des prises de position particulières. Elles peuvent en effet

fournir des connaissances, des valeurs, des explications pour maintenir une habitude, favoriser une discrimination ou justifier une inégalité.

In fine, les quatre fonctions du système de représentations sont reliées entre elles. Posséder

une connaissance du réel qui s’ancre dans le social correspond au partage, avec les autres membres du groupe, d’une conception globale de l’objet social. Cette conception oriente et justifie les pratiques afin de renforcer l’appartenance du sujet à son groupe social. En outre, ces fonctions restent conditionnées et orientées par la fonction identitaire.

Il convient dès lors de comprendre comment les représentations sociales se forment et s’organisent.