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R ÉSOLUTION DES PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE

Encadré 3.3 Déclaration de Caracas 1

Les législateurs, associations, autorités sanitaires, spécialistes de la santé mentale et juristes réunis à l’occasion de la Conférence régionale sur la restruc-turation des soins psychiatriques en Amérique latine dans le cadre du modèle des systèmes locaux de santé, …

DÉCLARENT 1. Que la restructuration des soins psychiatriques sur la base des soins de

santé primaires et dans le cadre du modèle des systèmes locaux de santé permet de faire prévaloir des modèles de remplacement axés sur la com-munauté et intégrés dans les réseaux sociaux et sanitaires.

2. Que la restructuration des soins psychiatriques dans la Région implique une révision critique du rôle hégémonique et centralisateur de l’hôpital psychiatrique dans la dispensation des services de santé mentale.

3. Que les ressources, les soins et le traitement dispensés doivent : a) préserver impérativement la dignité de la personne ainsi que les droits de l’homme et les droits civils;

b) être fondés sur des critères rationnels et techniquement approprié;

c) viser à ce que le malade reste dans son milieu communautaire.

4. Que les législations nationales doivent être reformulées, le cas échéant, de façon à :

a) garantir le respect des droits de l’homme et des droits civils des mala-des mentaux;

b) faciliter l’organisation de services qui garantissent leur application.

5. Que la formation des ressources humaines en santé mentale et en soins psychiatriques doit utiliser un modèle axé sur le centre de santé com-munautaire et favorisant l’internement psychiatrique dans des hôpi-taux généraux, conformément aux principes directeurs sur lesquels est fondée cette restructuration.

6. Que les organisations, associations et autres participants à la Conférence s’engagent conjointement et solidairement à soutenir et mettre en œuvre dans les pays des programmes favorisant la restructuration re-quise, ainsi qu’à surveiller et défendre les droits de l’homme des mala-des mentaux, conformément aux législations nationales et aux accords internationaux pertinents.

A cette fin, ils demandent aux ministères de la santé, aux ministères de la justice, aux parlements, aux organismes de sécurité sociale et autres ins-titutions dispensant des soins de santé, aux organisations professionnel-les, aux associations de consommateurs, aux universités ou autres centres de formation ainsi qu’aux médias de soutenir la restructuration des soins psychiatriques aux fins d’en assurer la réussite au profit des populations de la Région.

1 Extrait du texte adopté le 14 novembre 1990 par la Conférence régionale sur la restructuration des soins psychiatriques en Amérique latine, organisée à Caracas (Venezuela) par l’Organisation panaméricaine de la Santé/Bureau régional de l’OMS pour les Amériques. Recueil international de Législation sanitaire, 1991, 42(2) : 361-363.

bles mentaux et du comportement et parce que ce qu’on leur propose ne correspond pas à leurs attentes (Tableau 3.1).

Le problème de la stigmatisation a également été souligné dans un rapport du Directeur des Services de Santé des Etats-Unis d’Amérique (DHHS, 1999), dans lequel on peut lire :

« En dépit de l’efficacité des soins proposés et des nombreux moyens d’obtenir un traite-ment de choix, près de la moitié de tous les Américains atteints d’une maladie traite-mentale grave ne se font pas soigner. Le plus souvent, cette réticence est le résultat malencontreux d’obstacles très réels, dont l’un des principaux est le caractère infamant que de nombreuses personnes dans notre société attribuent aux maladies mentales, lequel rejaillit sur ceux qui en sont atteints. ».

En résumé, ces cinquante dernières années ont vu les soins évoluer vers un modèle communautaire. Celui-ci est basé sur deux grands principes : premièrement, le respect des droits fondamentaux des individus atteints de troubles mentaux; et deuxièmement, le re-cours aux interventions et techniques les plus modernes. Dans le meilleur des cas, cette évolution s’est traduite par une désinstitutionnalisation prudente appuyée par les agents de santé, les consommateurs, les familles et des groupes communautaires progressistes.

P

RINCIPES GÉNÉRAUX EN MATIÈRE DE SOINS L’idée de soins de santé mentale à assise communautaire est une approche globale plutôt qu’une solution à des problèmes d’organisation. Par soins à assise communautaire, on entend la possibilité qui est offerte à une grande majorité de malades nécessitant des soins de santé mentale de se faire soigner au niveau communautaire. Ces soins doivent non seulement être locaux et accessibles, mais aussi répondre aux multiples besoins des individus. Ils doivent viser en définitive à développer les moyens d’action des malades mentaux et à utiliser des techniques de traitement efficaces pour permettre à ces derniers d’améliorer leur capacité d’auto-assistance en s’appuyant sur l’environnement familial et social informel ainsi que sur les mécanismes de soutien officiels. Les soins à assise commu-nautaire (contrairement aux soins hospitaliers) permettent de mobiliser des ressources et de conclure des alliances salutaires qui, sans eux, seraient ignorées ou inexploitées.

Tableau 3.1 Consultation des services professionnels pour problèmes mentaux, Australie, 1997

Consultations pour problèmes mentaux Aucun trouble Présence d’un trouble Plus de 3 troubles

% % %

Médecin généraliste seulementa 2,2 13,2 18,1

Professionnel de santé mentale seulementb 0,5 2,4 3,9

Autre professionnel de santé seulementc 1,0 4,0 5,7

Plusieurs professionnels de santé 1,0 15,0 36,4

Tout type de professionnel de santéd 4,6 34,6 64,0

a Personnes ayant consulté un généraliste au moins une fois au cours des 12 mois précédents sans avoir consulté aucun autre professionnel de santé.

b Personnes ayant consulté un professionnel de santé mentale (psychiatre/psychologue/équipe de santé mentale) au moins une fois au cours des 12 mois précédents sans avoir consulté aucun autre professionnel de santé.

c Personnes ayant consulté un autre professionnel de santé (infirmière/spécialiste autre que psychiatre/pharmacien/ambulancier/

travailleur social ou conseiller) au moins une fois au cours des 12 mois précédents sans avoir consulté aucun autre professionnel de santé.

d Personnes ayant consulté un professionnel de santé quel qu’il soit au moins une fois au cours des 12 mois précédents.

Source : Andrews G et al. (2001). Prevalence, comorbidity, disability and service utilisation: overview of the Australian National Mental Health Survey. British Journal of Psychiatry, 178: 145-153.

La mise en œuvre de ces ressources généralement négligées éviterait qu’à sa sortie le patient soit laissé par les services de santé aux soins d’une famille mal équipée pour cette tâche, ce qui, on le sait bien, a des conséquences psychosociales négatives et entraîne un surcroît de problèmes de part et d’autre. Elle permettrait de gérer efficacement la charge sociale et familiale, fonction traditionnellement assumée par les soins institutionnels. Ce type de service s’étend dans certains pays d’Europe, dans quelques Etats des Etats-Unis, en Australie, au Canada et en Chine. Des pays d’Amérique latine, d’Afrique, de la Méditerra-née orientale, d’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental ont mis en place des services novateurs (OMS, 1997b).

Où qu’ils soient dispensés et quelle que soit la méthode adoptée, la qualité des soins dépend de conditions préalables dont certaines concernent particulièrement la santé men-tale, à savoir : un bon diagnostic, une intervention précoce, l’usage rationnel des techni-ques de traitement, la continuité des soins, une gamme étendue de services, la participation du consommateur, le partenariat avec les familles, l’implication de la communauté locale et l’intégration aux soins de santé primaires.

DIAGNOSTIC ETINTERVENTION

Pour planifier des soins individuels et choisir un traitement approprié, il est essentiel de poser un diagnostic objectif et correct. Les troubles mentaux et du comportement peuvent être diagnostiqués avec un haut degré d’exactitude. Etant donné que les indications théra-peutiques diffèrent selon la maladie, le diagnostic est une importante base de départ pour toute intervention.

Un diagnostic peut être posé en termes nosologiques (conformément à une classifica-tion internaclassifica-tionale et à une nomenclature des maladies et états morbides), selon le type et le degré d’incapacité du patient ou, mieux encore, de ces deux façons.

Une intervention précoce s’impose, tant pour maîtriser les symptômes et les empêcher d’évoluer vers la forme complète de la maladie que pour améliorer les résultats du traite-ment. Plus le traitement approprié est mis en route précocement et meilleur est le pronos-tic. On peut illustrer cette règle à l’aide des exemples suivants :

• dans le cas de la schizophrénie, la durée de la psychose non traitée s’avère impor-tante. Des retards dans le traitement risquent de compromettre les résultats (McGorry, 2000 ; Thara et al., 1994);

• un dépistage et de brèves interventions chez les personnes présentant un risque élevé de problèmes en rapport avec l’alcool sont efficaces pour réduire la consom-mation d’alcool et les dommages qui en résultent (Wilk et al., 1997).

Le traitement approprié des troubles mentaux consiste à faire un usage rationnel d’in-terventions pharmacologiques, psychologiques et psychosociales dans le cadre d’une prise en charge clinique judicieuse, équilibrée et bien intégrée. En raison de l’extrême impor-tance des composantes des soins, elles font l’objet d’un examen détaillé dans la suite de ce chapitre.

CONTINUITÉ DES SOINS

Certains troubles mentaux et du comportement ont un caractère chronique, en dépit de périodes de rémission suivies de rechutes qui peuvent leur donner l’allure d’affections aiguës.

Pour la prise en charge, ils s’apparentent tout à fait aux maladies chroniques classiques. Dès lors, le modèle de soins adapté aux maladies chroniques leur convient davantage que celui conçu pour les maladies transmissibles aiguës, ce qui a des incidences particulières sur l’accès aux services, la disponibilité du personnel et les coûts incombant aux patients et à leur famille.

Les besoins des patients et de leur famille sont complexes et évoluent avec le temps. Or, la continuité des soins étant une condition importante, il faut modifier leur organisation

actuelle. Parmi les mesures propres à assurer la continuité des soins, on peut citer : – la création de dispensaires spéciaux pour certains groupes de patients ayant fait

l’objet du même diagnostic ou présentant les mêmes problèmes;

– l’enseignement d’un savoir-faire aux gardes-malades;

– la prestation de soins aux patients et à leur famille par la même équipe de traitement ;

– une éducation de groupe pour les patients et leur famille;

– la décentralisation des services;

– l’intégration des soins dans les soins de santé primaires.

GAMME ÉTENDUE DE SERVICES

Les besoins des personnes atteintes de troubles mentaux et de leur famille sont divers et changent en fonction du stade de la maladie. Des services très variés sont donc nécessaires pour une prise en charge complète de certains malades mentaux ; il faut en effet aider ceux qui se rétablissent à retrouver leurs compétences antérieures et leur place dans la société, ceux qui ne guérissent que partiellement à vivre dans un monde où ils ne sont plus protégés et ceux (notamment dans les pays en développement) qui ont reçu des soins de médiocre qualité à tirer profit de programmes de réadaptation. Les services ainsi assurés vont d’une simple médication à des programmes spéciaux de réadaptation, en passant par une aide au logement, une assistance juridique et d’autres formes de soutien socio-économique. Les personnels spécialisés tels que les infirmiers(ères), les psychologues clini-ciens, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes et les bénévoles ont montré qu’ils ont un rôle utile à jouer au sein d’une équipe soignante flexible. Les équipes pluridisciplinaires sont particulièrement indiquées pour la prise en charge des troubles mentaux et du com-portement, en raison de la complexité des besoins des patients et de leur famille aux diffé-rents stades de la maladie.

PARTENARIAT AVECLES PATIENTS ETLEUR FAMILLE

L’émergence, dans un certain nombre de pays, de mouvements de consommateurs a modifié les attitudes concernant le point de vue des parties prenantes. Les groupes de consommateurs sont généralement composés de personnes souffrant de troubles

men-Encadré 3.4 Rôle des consommateurs dans les soins de santé mentale