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Comme cela a été précisé dans la méthodologie, nous avons donc choisi d’analyser trois élèves. Pour ce débat, nous avons sélectionné :

-Clara qui est considérée comme une élève en réussite scolaire et qui présente en outre un profil très scolaire avec une bonne participation à l’oral.

-Léna qui présente le profil de l’élève moyen avec une participation plus timide à l’oral. -Et pour terminer, Paul qui rencontre davantage de difficultés scolaires ; c’est parmi les trois élèves celui qui se situe le moins dans une posture scolaire, celui qui adopte plutôt des postures de détournement, et qui, de façon générale, participe peu à l’oral en classe. Nous n’avons pas pu sélectionner un élève en grande difficulté scolaire car aucun ne s’est exprimé durant les débats enregistrés.

Clara : (cf. annexe n°4 a) On notera le fait qu’il y a deux Clara dans la classe où a été enregistré ce débat, nous nous intéressons ici à Clara B. Cette dernière est intervenue quatre fois durant le débat avec un temps global d’intervention de 1 minutes et 2 secondes, rappelons que le thème du débat était : “vaut-il mieux naître fille ou garçon ?” Elle utilise à plusieurs reprises la première personne du singulier ou du pluriel, à deux reprises elle use du pronom personnel “je” pour donner son avis : “je veux parler”(item 35), “je trouve” (item 115), à deux reprises également du pronom personnel “nous” : “c’est pas nous qui choisissons”(item 35), “qui sont comme nous” (item 115), et du déterminant possessif “notre” : “c’est pas de notre faute”. Cela ne signifie pas que cette élève ne fait pas preuve de réflexivité mais elle reste assez centrée sur son expérience propre. En outre, elle utilise également la troisième personne pour désigner les garçons ou les filles en général. Si on s’intéresse aux temps de conjugaison utilisés par Clara, on peut noter qu’elle emploie principalement le présent de l’indicatif, mais ce présent prend parfois valeur de présent de vérité générale comme par exemple quand elle affirme à l’item 22 que la femme et l’homme sont égaux : “ils sont égaux ni l’un ni l’autre ont… plus de droits” ou encore à l’item 35 quand Clara explique qu’on ne peut pas choisir notre sexe à la naissance : “c’est pas nous qui choisissons d’être une fille ou un garçon”, ce qui montre à ce moment- là que malgré le fait que Clara parte de son expérience

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De plus, on peut noter la présence de deux conditionnels dans le discours de Clara ; à l’item 35 : “une fille de cette classe aurait pu être un garçon”, et à l’item 115 : “ça devrait être les garçons avec les filles”. L’utilisation de ces deux conditionnels démontre chez Clara une compétence certaine à la réflexivité, elle est capable de penser ce qui aurait pu être ou comment ça devrait être d’après elle. Elle utilise également des tournures impersonnelles à plusieurs reprises lors de ses interventions ; elle emploie à trois reprises la formule “il y a” et à quatre reprises la formule “c’est”, ce qui confirme la capacité qu’à Clara à se décentrer d’elle-même pour aller vers le général. Ainsi, on peut considérer que le fait qu’un élève soit capable de partir de l’exemple, de son vécu, pour aller vers le plus général représente une marque de réflexivité à favoriser chez l’élève. Cette élève est capable d’effectuer seule ce passage, mais ce n’est sans doute pas le cas de tous les élèves. Il serait alors peut être intéressant que l’enseignant intervienne à ce moment- là pour essayer de pousser l’élève à se décentrer de lui-même. La réflexivité de Clara ressort également dans les phrases qu’elles forment ; on peut noter la présence de trois propositions subordonnées avec l’utilisation de la conjonction de subordination “parce que” ainsi qu’une progression de ces interventions au cours de débat. En effet, Clara intervient tout le long du débat. Au début du débat, elle donne simplement son avis sur la question posée sans argumentation (item 22), puis au fur et à mesure du débat elle rebondit sur les propos de ses camarades comme dans l’item 35 où elle reprend l’idée d’Anaïs pour dire qu’elle est d’accord avec elle, enfin elle rebondit sur ce qui vient d’être dit en apportant une nouvelle idée. Ainsi, les interventions de Clara s’avèrent de plus en plus longues, elle reprend les idées de ses camarades tout en apportant des idées nouvelles qui reflètent sa pensée. Pour terminer, on peut valider le fait que Clara est réellement en échange et en dialogue avec les autres élèves puisqu’aucun échange direct n’a lieu avec l’enseignant. Ainsi, Clara sort de sa posture scolaire où il s’agit de répondre correctement à la question de l’enseignant et se trouve dans un réel échange de réflexions avec ses camarades. Il serait alors intéressant de voir si un changement de dispositif influencerait la posture de Clara. En tout cas, nous pouvons penser que pour un élève comme Clara qu’importe le dispositif choisi, elle gardera une posture réflexive. Peut être, ce choix de dispositif se montrerait plus avantageux en direction des élèves moins à l’aise dans leur réflexion.

Léna : (cf. annexe n°4 b) Elle est intervenue quatre fois durant le débat avec un temps global d’intervention de 39 secondes. A nombre d’intervention égal, le temps de Léna se monte à la moitié de celui de Clara, ainsi on peut supposer que les contenus des prises de parole de Léna seront moins développés que ceux de Clara. Nous pouvons néanmoins noter que Léna a une participation plutôt timide en classe et manque de confiance en elle. Durant ce débat, Léna emploie soit la première personne du singulier pour donner son avis : “je pense” (item 25), “je trouve” (item 85 et 117), soit la troisième personne du pluriel ou du singulier, comme par exemple : “ils ont tous des défauts” (item 25), ou encore “il y a plein de gens qui disent” (item 117). Ainsi, comme on avait pu

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l’observer pour Clara, Léna utilise le “je” pour exprimer sa propre opinion. L’utilisation régulière et récurrente de la troisième personne montre que sa réflexivité s’oriente ver le général. D’ailleurs, on s’apercevoit que Léna est très imprégnée des idées reçues comme le montre son intervention à l’item 40 où elle affirme le fait que les garçons ne “savent pas faire tourner une machine”. Cela démontre une certaine difficulté pour Léna de prendre du recul sur les idées préconçues que l’on peut véhiculer, ce qui peut être compris comme un certain manque de réflexivité. De nouveau, à l’item 117, elle reprend une idée reçue en disant que les gens disent que « le football c’est pour les garçons et la danse c’est pour les filles », mais cette fois Léna arrive à dépasser ce préjugé en rajoutant le fait que « ce n’est pas vrai que les deux sports sont mixtes ». Ainsi, Léna semble avoir évolué dans sa réflexion au cours du débat en partie grâce à ce qui s’est dit au fil des interventions de chacun. Il apparaît alors que l’échange avec ses pairs en écoutant ce qu’ils disent puisse favoriser la réflexivité chez les élèves. Ainsi, ce n’est pas forcément avec l’intervention de l’enseignant, que l’élève va pousser sa réflexion. On peut voir aux items 85, 86 et 87 que l’enseignant essaie de faire progresser Léna dans son raisonnement, en lui posant une question, mais elle répond simplement par “oui” (item 86), sans doute parce que la question est fermée. Ce dernier point sera développé ultérieurement lors de l’analyse de l’enseignant. Ce n’est donc pas l’échange avec l’enseignant qui a permis à Léna de pousser sa réflexion mais bien le fait de participer à des échanges avec ses camarades et de réfléchir à plusieurs sur une question donnée. On peut alors espérer que Léna développe sa propre pensée à force de pratiquer ce genre d’exercice et, à terme, élabore des interventions plus longues en apportant des arguments à ce qu’elle avance. En effet, dans ce débat, Léna n’emploie pas de conjonction de subordination telle que “parce que” et justifie peu les propos qu’elle avance.

Paul : (cf. annexe n°4 c) Nous avons choisi d’analyser les interventions de Paul car habituellement, il s’agit d’un élève qui participe très peu à l’oral au sein de la classe et qui est quelque fois en opposition avec les tâches scolaires demandées. Par conséquent cet élève adopte régulièrement une posture de détournement. Nous avons donc été surprises par sa forte implication dans le débat. En effet, on comptabilise quatorze interventions avec un temps d’intervention global de 2 minutes et 28 secondes. C’est sûrement un des élèves qui intervient le plus durant l’ensemble du débat. C’est d’ailleurs lui qui donne la première idée et qui lance le débat. Il se montrera même comme un des élèves moteurs du débat en y prenant régulièrement la parole et en apportant souvent des idées nouvelles. Ainsi, pratiquer le débat en classe permet à certains élèves de se révéler parce que ce dispositif se définit comme un exercice qui rompt avec la “routine” scolaire. Paul s’exprime essentiellement à la troisième personne, on peut noter onze utilisations du pronom personnel indéfini “on” et plus d’une vingtaine de fois l’utilisation de la troisième personne du pluriel “ils” ou

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général. Mais, à l’instar de tous les élèves analysés jusque-là dans ce débat, il utilise également la première personne du singulier “je” pour donner son avis, même lorsqu’il a du mal à formuler ses idées comme à l’item 68 “je ne sais pas comment dire”. Au niveau des temps, Paul s’exprime essentiellement au présent de l’indicatif. De plus, au début du débat, on peut voir qu’il base son argumentation sur l’exemple, comme observé d’une part à l’item 9 où il affirme qu’il vaut mieux être un garçon car cela évite les douleurs de l’accouchement, ou d’autre part à l’item 37 et 39 où il soutient une fois de plus le fait qu’il vaut mieux être un garçon car dans certains pays les filles n’ont pas le droit de sortir. Paul se situe donc dans le “pratique”, le concret et répond à la question de façon pragmatique en cherchant les avantages à être un garçon, car lui-même l’est. Ainsi, son premier argument est plutôt d’ordre biologique tandis que le deuxième s’ancre dans une réalité culturelle. Comme on a pu le voir avec Léna, les élèves ont tendance à se positionner d’abord en faveur de leur propre sexe et à argumenter dans ce sens, ce qui est compréhensible, vu le fait de leur appartenance “forcée” à un des deux sexes. Ceci est également renforcé par la forme de la question qui induit une notion de valeur entre les deux sexes puisqu’il s’agit de dire s’il vaut mieux être un garçon ou une fille, condition sur laquelle nous n’avons pas de prise. Clara B avait déjà soulevé ce point en avançant le fait qu’être un garçon ou une fille n’était pas un choix à faire. Elle utilise même le terme « faute » à l’item 35 “c’est pas de notre faute”. Tandis que Paul, au fil du débat dépasse ses premiers arguments basés sur l’exemple et sur sa propre condition pour finalement avancer à l’item 99 qu’un garçon n’est pas forcément fort ou qu’une fille n’est pas forcément intelligente ; mais que “tout le monde peut être quelque chose”. Il aborde l’idée du changement de sexe, qui va provoquer moultes réactions de la part de ses camarades lors de la suite du débat. Paul intervient donc tout le long du débat et on peut constater une évolution dans ses prises de parole au fil des échanges et des interventions des différents élèves participant au débat. Une fois de plus, on peut relever la richesse qu’amène le fait de penser à plusieurs. Ainsi, c’est grâce à ses échanges avec ses pairs que Paul parvient à faire évoluer sa réflexion d’arguments “pratiques” vers une pensée plus générale et abstraite. Au cours du débat, on observe également un échange entre Paul et l’enseignant. En effet, Paul finit par dire à l’item 62 qu’on “est presque égaux”. L’enseignant l’encourage alors à développer sa pensée pour lui faire justifier l’utilisation du “presque” dans sa phrase ; et plus précisément ce qui pour Paul, empêche l’égalité. L’échange duel entre Paul et l’enseignant se déroule de l’item 62 à l’item 70 ; on peut voir que l’enseignant pose des questions et Paul essaie d’y répondre en éprouvant des difficultés à formuler sa pensée. Ainsi, l’enseignant pose la question de la différence : est ce que le fait d’être différent empêche d’être égaux ? Paul répond simplement par :“oui un peu” à l’item 70. Ainsi, l'interaction de Paul avec l’enseignant ne lui permet pas vraiment de développer sa pensée puisqu’il répond de façon très brève et sans argumenter sa réponse. Il semble donc que la réflexivité de Paul soit plus favorisée par les interactions qu’il peut

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enclencher avec ses camarades, plutôt qu’avec celles en direction de l’enseignant (l’analyse du côté enseignant sera reprise dans le paragraphe suivant). Paul peut rencontrer quelques difficultés pour s’exprimer à l’oral notamment s’agissant de la fluidité de son discours empêchée par la présence de quelques hésitations comme observé dans l’item 60 ou 68. S’ajoute le fait qu’il ne respecte pas toujours les règles de prise de parole, comme à l’item 23, où l’envie de réagir aux propos de ses camarades l’emporte sur l’attente du tour de parole. On peut penser que réitérer régulièrement cet exercice permettra à Paul d’améliorer ses gestes sur ces différents points. En effet, la pratique du débat devrait permettre à terme d’améliorer les compétences orales des élèves, car il s’agissait pour eux du tout premier débat à visée philosophique de leur scolarité.