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Chapitre 4. Chimie click

3. Cycloaddition 1,3 dipolaire 1. Généralités

La réaction la plus répandue correspondant aux critères de click est la cycloaddition 1,3-dipolaire entre un azoture et un alcyne terminal, catalysée par des sels de cuivre (I), la CuAAC. Michael a rapporté pour la première fois la version thermique de cette réaction, en 1893 à partir de l’azoture de phényle et de l’éthynedicarboxylate de diméthyle pour former le 1,2,3 triazole trisubstitué correspondant.102 La cycloaddition 1,3 dipolaire a ensuite été étudiée par Huisgen de manière plus particulière au milieu du 20ème siècle.103 Cette réaction fait intervenir un azoture (dipôle) et un alcyne (dipolarophile) pour former un triazole, cycle à 5 chainons, par activation thermique, conduisant à la formation de deux régioisomères : 1,4 et 1,5 (Figure 40 A). La difficulté de séparation des régioisomères avec les techniques de chromatographie classiques ainsi que le chauffage prolongé de la réaction, pour une conversion totale, ne permettent pas son utilisation avec les systèmes biologiques.

En 2002, les groupes de Meldal ainsi que celui de Fokin et Sharpless ont montré la possibilité d’effectuer la cycloaddition régiosélective d’un alcyne terminal sur un azoture, par catalyse

au cuivre à température ambiante, afin de ne former que le régioisomère 1,4 (Figure 40 B).104,105 Cette voie de synthèse permet alors de s’affranchir du chauffage prolongé utilisé dans la méthode de Huisgen et d’augmenter la vitesse de réaction d’un facteur 107.

Figure 40. Cycloaddition 1,3 dipolaire entre un alcyne et un azoture A) par voie thermique B) par voie catalytique 3.2. Mécanisme réactionnel

Le mécanisme de la réaction a été étudié par les équipes de Meldal et de Sharpless en 2002.104,105 Les deux groupes suggèrent une coordination du Cu (I) par liaison σ à l’alcyne terminal pour former l’acétylure de cuivre. Des calculs ont confirmé cette hypothèse et prédit un mécanisme cyclique non-concerté.106 Ce dernier a ensuite été réévalué en 2013 par le groupe de Fokin afin de mettre en évidence l’implication de deux atomes de cuivre dans le mécanisme (Figure 41).107 En effet, dans cette étude, ils ont démontré le double rôle du cuivre par rapport à l’interprétation précédente. En étudiant la réaction à partir d’un acétylure de cuivre préformé par liaison σ, Fokin et al. ont montré que la réaction n’atteignait pas un taux de conversion suffisant si un équivalent de complexe de cuivre, lié par liaison π à l’alcyne, n’était pas ajouté en complément. La réaction entre l’azoture et l’acétylure de cuivre formé a été traitée par un catalyseur enrichi en 63Cu. L’enrichissement final de la réaction de cycloaddition en 63Cu a permis de démontrer qu’un second atome de cuivre intervient dans l’étape de cycloaddition.

Figure 41. Etude de l'intervention du cuivre dans l'étape de cycloaddition par utilisation de cuivre-63

Le premier atome de cuivre se lie donc par liaison covalente σ à l’alcyne, puis le deuxième cuivre vient se fixer par liaison π à l’alcyne (Figure 42). L’addition de l’alcyne sur l’azoture conduit à une espèce bimétallique évoluant vers le triazole. Ces résultats conduisent donc à un mécanisme de cycloaddition, non-concertée, catalysé par deux atomes de cuivre.

π

Figure 42. Mécanisme supposé de la CuAAC établi par Fokin et al.107

3.3. Choix du catalyseur et du ligand

Le cuivre est utilisé en tant que catalyseur dans la réaction de CuAAC à son degré d’oxydation I. L’utilisation de sels de cuivre II, réduits in situ par un agent réducteur, généralement l’ascorbate de sodium, est la méthode de choix pour la catalyse de la réaction.108 Les sels de cuivre I (iodure, bromure, acétate) peuvent aussi être utilisés sans réducteur mais peuvent être facilement oxydés par l’oxygène de l’air. Par conséquent, ils sont fréquemment employés avec un agent réducteur tel que l’ascorbate de sodium et une base (Et3N, DIEA).105 En effet, le groupe de Wong a démontré en 2002 que l’utilisation d’une base pour la catalyse avec l’iodure de cuivre permettait d’accélérer la réaction.109 Certains complexes de cuivre tels que le [Cu(CH3CN)4]PF6 et le [Cu(CH3CN)4]OTf sont parfois aussi utilisés. La vitesse de réaction de la CuAAC peut encore être accélérée en présence d’un ligand du cuivre (I).108

De nombreux ligands spécifiques du cuivre (I) permettent d’accélérer la réaction de cycloaddition en le stabilisant à son degré d’oxydation; le tris(benzyltriazolylmethyl)amine (TBTA) est le ligand le plus utilisé (Figure 43 A).110 Ce dernier étant peu soluble dans l’eau, des modifications lui ont été apportées. Les groupements benzyles ont été remplacés par des alcanes fonctionnalisés par un groupement tert-butyle ou un groupement alcool (Figure 43 A).111,112 Le sel bathophénanthroline disulfonate (BPS), a aussi démontré une augmentation de la vitesse de réaction en phase aqueuse à de très faibles concentrations (Figure 43 B). Des dérivés de benzimidazoles ont aussi été étudiés et peuvent encore augmenter la vitesse de réaction de click (Figure 43 C).113,114

Figure 43. Exemples de ligands utilisés pour la CuAAC

La réaction de CuAAC est intéressante puisque sa vitesse de réaction est rapide mais la génération d’espèces réactives à l’oxygène (ROS) détectées lors d’applications en cultures cellulaires a limité son utilisation dans les systèmes vivants.115,116 L’augmentation de l’activité catalytique du cuivre, et donc la réduction de la quantité utilisée, a été démontrée en utilisant des ligands hydrosolubles lors de la réaction de cycloaddition.117

3.4. Applications au radiomarquage de macro-biomolécules avec du fluor-18

La chimie click catalysée au cuivre I a été utilisée pour la première fois pour le radiomarquage au fluor-18 de peptides en 2006 par Marik et Sutcliffe.118 Des [18F]fluoroalcynes (n=1-3) [18F]-L37 à [18F]-L39 ont été mis en réaction avec des peptides fonctionnalisés par un acide 3-azido-propanoïque L40 (Figure 44). Le radiomarquage au fluor-18 des chaines alcanes tosylées avec du K[18F]F/K222, a permis d’obtenir de meilleurs rendements avec le pentyne et l’hexyne (respectivement 81 et 61 %), qu’avec le butyne (seulement 31 %). La réaction de click a été effectuée dans plusieurs conditions (Figure 44 A). Les meilleurs résultats ont été obtenus avec l’iodure de cuivre et la

N,N-diisopropyléthylamine en présence d’ascorbate de sodium pour donner le triazole correspondant [18F]-L41 avec des rendements radiochimiques corrigés de la décroissance compris entre 54 et 99 % selon le peptide utilisé. En 2007, Glaser et Årstadt se sont aussi intéressés au radiomarquage de peptides par chimie click. Contrairement à Marik et Sutcliffe, l’atome de fluor-18 est porté par le partenaire azoture et l’alcyne est porté par le peptide (Figure 44 B). Plusieurs alcynes L43 différemment fonctionnalisés ont été testés pour les conditions de click à la fois avec du sulfate de cuivre et du cuivre natif, en présence d’un tampon phosphate et du composé azoture de [18F]éthyle [18F]-L42. Le sulfate de cuivre a donné de meilleurs rendements pour la formation de triazoles [18F]-L44. Ces conditions ont ensuite été appliquées sur un peptide modèle en utilisant du sulfate de cuivre et de l’ascorbate de sodium pendant 15 minutes à température ambiante permettant d’obtenir le peptide radiomarqué avec un rendement radiochimique de 92 % corrigé de la décroissance.

Figure 44. Premiers radiomarquages de peptides par CuAAC

De nombreux dérivés de chaines alcanes ([18F]-L39, [18F]-L42), chaines PEG ([18F]-L45), mais aussi d’aryles ([18F]-L46, [18F]-L47), de pyridines ([18F]-L48, [18F]-L49) ou encore de sucres ([18F]-L50, [18F]-L51, [18F]-L52119) ont été modifiés pour introduire à la fois la fonction permettant la réaction de click (alcyne ou azoture) et le fluor-18 (Figure 45).87,120

Figure 45. Exemples de groupes prosthétiques développés pour le marquage au fluor-18 en CuAAC

La chimie click catalysée au cuivre I, grâce à sa vitesse de réaction élevée, est très intéressante pour le marquage de macro-biomolécules pour la TEP. Cependant, du fait de la toxicité et des quantités de cuivre utilisées dans la réaction, les applications dans les systèmes vivants restent limitées. Pour répondre à la problématique de marquage dans des systèmes biologiques, une méthode moderne basée sur de la chimie click non catalysée a été appliquée au radiomarquage, c’est la chimie click contrainte appelée SPAAC.

4. La chimie click contrainte