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Un courant minoritaire, mais néanmoins présent, s’oppose de façon militante à cette façon de voir.

Résultats de l’expérimentation auprès des soignants et des malades

3. Un courant minoritaire, mais néanmoins présent, s’oppose de façon militante à cette façon de voir.

112 Éducation thérapeutique du patient : modèles, pratiques et évaluation

pour la santé [47, 48]. L’analyse des facteurs de succès ou d’échec a progres- sivement conduit à l’idée que maigrir et maintenir son poids relevaient de compétences très diverses nécessitant de faire appel à d’autres moyens que ceux usuellement utilisés pour perdre du poids [95].

Dans les années ı980-90, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) se développent, en se focalisant sur le problème actuel de la personne, les facteurs d’installation, de maintien et de pérennisation. Cette approche tient compte de l’histoire du patient, de ses ressources et de sa motivation au chan- gement [33]. Le cadre général est celui de l’éducation thérapeutique, c’est-à- dire qu’il correspond au modèle éducationnel (ou biopsychosocial) et s’oppose au modèle médical (souvent autoritaire) utilisé pour la prescription de régime

[36]. La relation avec le thérapeute est fondée sur la collaboration. Les TCC utilisent des méthodes scientifi ques validées, favorisant l’émergence de solu- tions. L’indication et le réajustement des méthodes seront fonction de l’ana- lyse fonctionnelle [66] : leur effi cacité sera toujours évaluée par le thérapeute et par le patient [73]. Les TCC prennent en compte les aspects comporte- mentaux, cognitifs et nutritionnels du problème. Des études ont montré un maintien de perte de poids un an après le traitement, mais ce résultat ne se pérennise pas au-delà de trois ans [89]. Pour améliorer les programmes, diverses mesures ont été proposées : l’aide à la gestion de la restriction cogni- tive [19] – particuliè rement en cas de syndrome de frénésie alimentaire – [68], la prolongation de la durée du contact initial avec le thérapeute [20], la prise en compte de la mésestime de soi et de la dégradation de l’image du corps [3, 71, 30]. D’autres études ont permis de travailler sur la prévention de la dispa- rition des compétences comportementales apprises pendant la thérapie [94], la promotion de l’activité physique et la recherche de soutien social [4, 42]. Tous ces travaux menés dans le cadre de l’éducation thérapeutique du patient ont montré que les TCC agissaient bien sur les facteurs d’auto-entretien des troubles alimentaires, en particulier sur la restriction cognitive.

À côté de l’approche cognitivo-comportementale, une approche analytique peut également être développée. En effet, comprendre l’obésité peut néces- siter un retour au monde de l’oralité, car l’oralité n’est pas seulement un stade premier : c’est aussi un monde particulier, celui de l’avidité, de la dévoration, de l’appropriation, de l’absorption. Le nourrisson ouvre et ferme les poings pendant la tétée afi n de saisir le moment de plaisir de s’agripper, tandis que le lait entre dans son corps jusqu’à l’union parfaite entre le contenant et le contenu. De cette première relation naissent beaucoup de traces, de priva- tions, voire de régressions. Le moment de bien-être et de bien avoir confondus prédispose à ce qui est précieux : la réceptivité orale. Cette réceptivité concerne aussi toutes les zones orales sensorielles (organes des sens, sensorialité, sensibilité) : « un enfant à fl eur de peau bien avant que la peau psychique se constitue » [6]. Cette réceptivité orale est essentielle pour que s’établisse et s’installe la relation nourricière que sous-entend une éducation, dans ce cas, nutritionnelle. Il s’agit ensuite de rendre le discours éducatif vivant et vivifi ant, dans une perspective de relance et parfois de réanimation psychique [49] sur des patients souvent englués dans leurs comportements, dans leur inertie,

dans leur passivité mortifère, dans leur abandon de tout espoir faute de cadre, de méthode, de régularité et surtout d’accompagnement. L’accompagnement, c’est à la fois porter et maintenir [100]. On peut comprendre qu’à ce stade oral, s’il n’y a pas de « suivi », tout arrêt et fi n de prise en charge éducative peut être vécu comme sevrage brutal, lâchage et abandon [26]. L’angoisse de l’inachèvement, de la prématurité et de l’abandon s’installe ou revient peu à peu.

Tout au long de la prise en charge éducative, le patient obèse peut comprendre son lien fusionnel avec le monde, ses liaisons ou déliaisons dangereuses, ses expositions aux excès ou au risque de maigrir. Le tout ou rien domine les tableaux ainsi que « le tout, tout de suite » et « le mieux vaut trop que pas assez » et le « on ne sait jamais ». L’immédiateté et le quantitatif évitent l’attente (et le risque de la frustration), le manque ou l’insuffi sant. Afi n de mettre en place les pratiques d’éducation thérapeutique les plus adaptées, il est important de défi nir les relations que le patient entretient avec sa nourriture :

répondre, sans jamais résoudre : il s’agit plutôt d’une issue de secours, d’une conduite désespérée, d’un sabotage devant les dangers ou l’impuissance, d’un geste automatique de survie face à la solitude sans espoir ;

installer la nourriture et le poids pour s’enfoncer et s’engloutir, « s’enfuir » et s’isoler peu à peu d’un monde qui blesse ou a blessé ;

créer et inventer un « à moi » incorporé, dans un lieu où personne ne peut entrer, à l’abri de l’intrusion et de la dépression ;

utiliser l’objet nourriture dans un but auto-apaisant jusqu’à l’amaigris- sement de la sensation oppressante corporelle, de la détresse située en des temps où l’être humain (nourrisson) dépend de son entourage pour faire face aux agressions externes, ou internes (pulsions) [74] ;

donner un sens à un comportement qui peut de nouveau canaliser les parties pathologiquement disjointes, corps et esprit.

Dans sa dimension à la fois chaleureuse et naturellement humaine, la relation éducative devient alors une sorte de miroir et d’écho qui permet de considérer que « quand je t’écoute, je me vois ».

114 Éducation thérapeutique du patient : modèles, pratiques et évaluation

UNE PRISE EN CHARGE ÉDUCATIVE DU PATIENT OBÈSE BASÉE SUR LES THÉRAPIES COMPORTEMENTALES ET COGNITIVES, MISE EN PLACE À ROUBAIX

Fanny Bracq-Retourné4, Nathalie Berth5, Patrice Gross6

Résumé

Après de nombreuses tentatives infructueuses de régimes et une évolution de leur poids en yo-yo, 74 patientes obèses ont bénéfi cié d’une approche éducative de groupe de type cognitivo-comportemental. La perspective était de trouver une solution vis-à-vis de leur désir de maigrir, de favoriser une meilleure gestion de soi et de les réconcilier avec l’alimentation. Les 74 femmes ont été vues par groupes fermés de 6 à 9 personnes, à raison d’une séance de quatre heures par semaine pendant ı6 semaines. Elles ont été suivies par une psycho- logue et une diététicienne, et ont bénéfi cié ensuite d’un accompagnement selon un modèle de prévention de la rechute. L’évolution psychologique a été évaluée par des autoquestionnaires : dépression, anxiété, affi rmation de soi, lieu de contrôle. Les variables pondérales concernent le poids et l’IMC. Les mesures ont été effectuées en pré-intervention et post-intervention (n = 74), à 2 ans (n = 46) et à titre exploratoire à 6 ans (n = ı2). Les résultats montrent que l’intervention éducative agit sur le poids, avec une baisse pondérale signifi cative à tous les moments de la passation. Une amélioration signifi ca- tive des variables psychologiques est constatée en fi n d’éducation et à 2 ans. L’amélioration de l’anxiété et l’internalisation du lieu de contrôle persistent à 6 ans.

Cadre de l’expérimentation

Contexte d’implantation des thérapies cognitivo-comportementales

Il y a une dizaine d’années, sous l’impulsion du Dr Gross, médecin endocri- nologue, le Centre d’éducation pour le traitement du diabète et des maladies de la nutrition (Cetradimn) de Roubaix a mis en place son premier groupe de thérapies comportementales et cognitives (TCC) pour patientes obèses. L’idée de développer ce type de prise en charge a été le fruit d’une réfl exion progressive, motivée notamment par l’existence d’une catégorie de patients qui consultaient parce qu’ils n’arrivaient pas à maigrir malgré de nombreuses tentatives et présentaient une évolution pondérale typiquement en yo-yo. Initialement, des solutions alternatives aux régimes telles que l’adaptation diététique personnalisée ou l’apprentissage approfondi en cuisine avaient été essayées, sans succès véritable.

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