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PROBLÉMATIQUE DE LA PRÉVENTION DES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES

Éric Bruckert1

Les maladies cardio-vasculaires restent aujourd’hui en France et en Europe la première cause de mortalité, même si une baisse de près de 50 % de la morta- lité par coronaropathie a déjà été observée entre les années ı980 et 20002.

La moitié de cette baisse spectaculaire s’explique par la prise en charge des facteurs de risque modifi ables (essentiellement l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie) ; l’autre moitié s’explique par les progrès de la prise en charge de l’accident (arrivée plus rapide à l’hôpital, fi brinolyse, angioplastie, etc.) [36]. Si la réduction du risque cardio-vasculaire reste l’une des grandes priorités de santé publique en France3, un effort particulier doit encore être

fait pour mieux contrôler les facteurs de risque des sujets les plus exposés, 1. Éric Bruckert est professeur des universités, patricien hospitalier, chef du service d’endocrinologie et prévention des maladies cardio-vasculaires à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Il est aussi président du comité d’orien- tation et de suivi des essais cliniques de l’Inserm et membre de l’unité de recherche sur les lipoprotéines et l’athé- rosclérose de l’Inserm. À ce jour, il a publié près de 500 articles scientifi ques. Il est auteur de plusieurs livres sur l’hypercholestérolémie et les grands facteurs de risque cardio-vasculaire. Il a été l’investigateur du projet d’éduca- tion thérapeutique Pégase et de plusieurs recherches dans le domaine de la sociologie du cholestérol et de la diété- tique hypocholestérolémiante.

2. En France, du fait de l’augmentation de l’incidence des grands facteurs de risque cardio-vasculaire avec l’âge, la plupart des patients ont plus de 60 ans.

3. Par exemple, la diminution du cholestérol de 5 % est inscrite dans le Programme national nutrition-santé (PNNS).

notamment ceux qui ont des antécédents personnels d’infarctus du myocarde ou de coronaropathie ischémique.

Le diabète4, l’hypertension artérielle et les dyslipidémies seules ou associées

sont des facteurs de risque majeurs de maladies cardio-vasculaires. Ces mala- dies chroniques ont des caractéristiques communes : elles sont le plus souvent asymptomatiques (tant que les complications ne sont pas survenues) et respon- sables d’un même type de pathologie qui comprend l’ensemble des maladies cardio-vasculaires5. L’hypertension artérielle correspond à une élévation de la

pression du sang dans les artères par rapport à une valeur dite « normale », établie par de nombreux comités scientifi ques à travers le monde. Par hyper- cholestérolémie (littéralement : cholestérolémie élevée) on entend un taux élevé de cholestérol sanguin. Ce n’est pas une maladie en soi mais un trouble métabolique.

Les maladies cardio-vasculaires sont traitées ou prévenues par diverses appro- ches médicamenteuses ainsi qu’à travers la recherche d’une modifi cation des habitudes alimentaires, associée à la pratique d’une activité physique régu- lière. La prise en charge de ces malades chroniques (mais aussi des autres) devrait se traduire par une approche concertée, afi n d’aboutir in fi ne à une amélioration des résultats en termes de prévention [32]. Les campagnes desti- nées au grand public (information, dépistage, etc.) ne suffi sent pas, d’autant que l’on sait qu’elles devraient être ciblées sur les patients les plus à risque

[38, 11]. Des efforts importants sont donc à concentrer sur l’éducation théra- peutique, ce qui ne signifi e pas que la question soit simple.

Les facteurs de risque cardio-vasculaire sont désormais identifi és, notamment grâce à l’étude InterHEART qui a permis d’établir une liste de 9 facteurs expli- quant 90 % des infarctus du myocarde [61]6. Pour 3 de ces facteurs (diabète,

hypertension artérielle, dyslipidémies), des preuves irréfutables montrent que la prise en charge évite des accidents et diminue la mortalité. Le succès du trai- tement des facteurs de risque cardio-vasculaire est basé sur des modifi cations durables dans le temps, qui touchent aux modes de vie, à la diététique et à la prise de médicaments au long cours. Les résultats des études montrent cepen- dant que le suivi thérapeutique sur les moyens et longs termes est plutôt déce- vant : plus de 50 % des patients diabétiques ont des diffi cultés à suivre une alimentation adaptée et un traitement médicamenteux régulier et plus d’un patient hyperlipidémique traité sur deux n’atteint toujours pas les objectifs fi xés par les recommandations internationales [33, 34, 45]. Globalement, la tolérance des traitements actuels est très satisfaisante (au moins dans le domaine de l’hypertension artérielle et de l’hypercholestérolémie), mais les résultats thérapeutiques obtenus continuent à contraster avec des diffi cultés persistantes du côté des changements de comportement.

4. Le diabète a déjà été défi ni dans cet ouvrage.

5. Le diabète est toutefois responsable, en plus, des complications micro-angiopathiques.

6. Les 9 facteurs explicatifs de l’infarctus du myocarde sont les suivants : tabagisme, dyslipidémie, hypertension arté- rielle, diabète, obésité abdominale, alimentation, alcool, sédentarité, et facteurs psychosociaux (stress et syndrome dépressif).

152 Éducation thérapeutique du patient : modèles, pratiques et évaluation

REVUE D’OPINION :

L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE ET LA DYSLIPIDÉMIE

Éric Bruckert

Codifi ée en France par les recommandations de l’Afssaps en 20057, la prise

en charge adéquate d’une dyslipidémie (anomalie de la quantité des lipides contenus dans le sang) comprend une partie nutritionnelle, éventuellement complétée par un traitement médicamenteux. L’adéquation de la prise en charge peut être évaluée en prenant en compte le nombre de patients attei- gnant les objectifs de LDL-cholestérol fi xés par les recommandations, mais elle peut aussi être appréciée par l’analyse des changements de comporte- ments, tant du côté de la diététique que du côté de l’activité physique. L’intérêt des patients pour la diététique et la conviction de l’utilité d’un traitement hypolipémiant prolongé, non seulement ne s’opposent pas, mais sont forte- ment liés. Un meilleur repérage de ces comportements de santé peut amener les praticiens à renforcer leurs actions éducatives auprès des patients hyper- cholestérolémiques qui ont le plus besoin d’accompagnement. Les médecins cherchent à moduler leurs messages éducatifs en fonction de leurs patients, mais les enseignements de l’enquête Fraction invitent à être attentifs aux freins potentiels8 des changements de comportement [18, 20].

Chez les patients hypercholestérolémiques de l’enquête Fraction, le niveau de connaissances nutritionnelles est associé à quatre types de variables : l’âge, le niveau d’études atteint, le lieu de contrôle relatif à la santé et le système de croyances de santé relatives au cholestérol et à l’hypercholestérolémie [19]. L’étude ADERH9 souligne plusieurs points :

la multiplicité des déterminants qui permettent d’obtenir ou non des résultats en termes de changement des pratiques alimentaires ;

le type d’aliment ;

le poids des habitudes culturelles et des contraintes familiales.

Le coût de certains aliments (en particulier le poisson, les fruits, les légumes frais et les produits enrichis en stérols végétaux) reste un obstacle, notam- ment dans les milieux les plus défavorisés. Ces résultats montrent la nécessité d’adapter la prise en charge en fonction de chacun, de négocier les objec- tifs et les moyens pour y arriver : c’est la base de la démarche d’éducation thérapeutique.

7. Ces recommandations sont en général bien connues des médecins.

8. Par exemple, une attribution de la santé au « facteur chance », ou la croyance irréaliste dans la possibilité, pour le patient, de percevoir son taux de cholestérol sanguin.

9. L’ensemble des résultats de l’étude ADERH (Adhésion à la diététique et aux recommandations pour hypercholes- térolémiques) sont disponibles sur : www.danone-sante.fr/aderh/index.php

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