• Aucun résultat trouvé

Association pour la recherche sur le cholestérol 15 CFES, devenu Inpes en 2002.

et la prise en charge de l’hypercholestérolémie

14. Association pour la recherche sur le cholestérol 15 CFES, devenu Inpes en 2002.

156 Éducation thérapeutique du patient : modèles, pratiques et évaluation

proposées par l’enquêteur : ce dernier se chargeait aussi de faire préciser les points qui nécessitaient un éventuel approfondissement.

Pour hiérarchiser et quantifier les thèmes abordés dans les entretiens (perception de l’excès de cholestérol, du risque cardio-vasculaire, des besoins éducatifs), une étude quantitative complémentaire a été menée auprès de ı 000 patients et 300 médecins. Les données ont été recueillies à l’aide d’un autoquestionnaire construit à partir des résultats de l’enquête qualita- tive. L’effectif de l’étude quantitative s’est révélé suffi sant pour permettre une extrapolation des résultats à la population française des patients à risque cardio-vasculaire. Au total, 74 % des patients avaient plus de 55 ans, avec une majorité d’hommes (sexe ratio ı,7) en prévention primaire (67 %). Les méde- cins étaient pour 68 % des généralistes (32 % de spécialistes, cardiologues et endocrinologues), en majorité des hommes (sexe ratio ı3) âgés de moins de 55 ans (94 %).

Principaux enseignements des études de besoins

Du fait de l’absence de symptômes associés à l’excès de cholestérol, les patients ne se sentent pas malades et ne se considèrent pas comme tels. Cependant, le terme de maladie a été mentionné par 30 % des patients qui parlent « d’une

maladie muette, spéciale, une maladie traitée comme bénigne, virtuelle ». En

revanche, les médecins préfèrent parler de facteur de risque cardio-vasculaire plutôt que de maladie dont la connotation est, pour eux, plus péjorative : seule- ment 9 % d’entre eux utilisent le concept de maladie.

La notion de facteur de risque cardio-vasculaire apparaît, aux yeux des patients, plus évasive et fl oue que celle du cholestérol. Le facteur de risque est aussi vécu comme lointain, par rapport à l’idée de maladie. Lorsque l’on demande aux patients quelles sont les conséquences en rapport avec le risque cardio- vasculaire, ils citent l’infarctus, l’accident vasculaire cérébral ou l’artérite (respectivement dans 85 %, 64 % et 46 % des cas). Dans l’ensemble, ils ont du mal à expliquer le lien entre le cholestérol et le risque cardio-vasculaire. Compte tenu de l’expression asymptomatique de l’excès de cholestérol et de son aspect transitoire (apparition brutale, disparition totale avec le traitement), le risque cardio-vasculaire est vécu comme « instable, imprévisible, fl ou et abstrait ». Le traitement diététique, comparé à une astreinte alimentaire ou à un régime

démoniaque, apparaît comme une véritable contrainte aux yeux des patients

qui doivent gérer une série d’interdits au quotidien. Les conseils alimentaires délivrés par les médecins insistent sur les aliments à éviter dans 83 % des cas et sur ceux à privilégier dans 75 % des cas. Viennent ensuite la notion de durée du régime et d’équilibre alimentaire (59 et 57 %). Les patients donnent une priorité moindre à ces informations nutritionnelles (respectivement 57, 56, 28 et 5ı %) et souhaitent mieux connaître ce qui est totalement permis (65 %). Le médecin accorde une place différente aux conseils diététiques selon sa formation médicale : 50 % des spécialistes et ı7 % des généralistes pensent que « le régime » ne suffi t pas et qu’il faut toujours associer un médica- ment. La majorité des spécialistes (88 % d’entre eux, contre 45 % des généra- listes) pensent qu’ils n’ont pas assez de moyens pour persuader leurs patients

qu’une régulation nutritionnelle devrait suffi re. En général, « le régime » ne paraît pas applicable au long cours (66 % des spécialistes, 58 % des généra- listes). Pour répondre à cette problématique, les médecins seraient intéressés par des formations en nutrition (84 %) et des formations à la motivation du patient (87 %).

Malgré l’apparente facilité de la prescription et de la prise du médicament par rapport à un suivi des recommandations sur le plan nutritionnel, certains patients sont réticents à la prise du traitement : elle reste donc associée à bon nombre d’incertitudes. Environ 59 % des patients se sentent gênés par le fait d’avoir trop de cholestérol et de devoir le traiter. Pour ces patients, la gêne provient de la prise régulière du médicament (59 % des cas), des repas pris à l’extérieur (45 %), des fêtes de famille (42 %) et des sorties entre amis (20 %). La durée du traitement passe au second plan derrière la connaissance des conséquences des risques cardio-vasculaires et des facteurs de risque. Pour plus de la moitié des médecins, la durée du traitement hypolipémiant (58 %) et les effets secondaires (54 %) sont des notions diffi ciles à expliquer au patient.

Au total, il existe des différences de perceptions de l’hypercholestérolémie et du risque cardio-vasculaire entre patients et médecins, ce qui souligne l’intérêt de mettre en place un programme éducatif qui puisse répondre aux critères de qualité de l’OMS (méthodes pédagogiques variées, personnalisées, intégrées au soin et évaluées). Les objectifs consistent à préciser la notion de risque cardio-vasculaire et à permettre au patient de mieux comprendre sa maladie, en le motivant à une amélioration de son hygiène de vie et à une meilleure observance*.

Appuis théoriques

Suite à la phase d’évaluation des besoins à laquelle les médecins libéraux et les patients ont participé, les points suivants ont été travaillés : défi nition d’objec- tifs pédagogiques clarifi és, construction d’un programme d’intervention cohé- rent et choix d’outils éducatifs adaptés. La démarche générale a été formalisée en prenant appui sur l’analyse des besoins et sur les théories de la pédagogie par objectifs et de la pédagogie du contrat [28]. Les objectifs du programme ont été découpés en micro-objectifs qui ont fait l’objet d’un contrat éducatif établi entre le patient et l’équipe éducative.

Dans les séances éducatives, la plupart des interventions font appel à des mises en situation qui s’apparentent à des jeux interactifs au cours desquels différents points de vue peuvent se confronter. L’approche s’inspire de travaux développés dans les années ı960 chez l’adolescent pour faciliter l’expression individuelle et collective, le but principal étant d’accroître la conscience des origines de la maladie cardio-vasculaire et de faire émerger les représenta- tions qui s’y rapportent. Le travail se déroule en différentes phases articu- lées entre elles : un temps d’explicitation de la règle, un temps de description de la situation simulée, un troisième de mise en situation et un dernier pour l’analyse et la réfl exion sur ce qui s’est passé [24]. L’ensemble vise à favoriser les changements de comportements à risques.

158 Éducation thérapeutique du patient : modèles, pratiques et évaluation

Conception de stratégies éducatives et réalisation des outils

Le programme éducatif conduit en pratique de ville se répartit à travers six structures (hospitalières ou extra-hospitalières) ce qui permet de mobiliser une équipe multidisciplinaire (médecin-éducateur, diététicienne, infi rmière, etc.). Les supports sont spécifi quement conçus et fabriqués pour l’étude : tableau magnétique permettant de travailler sur les horaires des prises des traitements et la place de l’activité physique, ateliers pratiques insistant sur le choix alimentaire, lecture d’étiquettes de produits alimentaires, etc. Ces outils restent disponibles dans une mallette pédagogique utilisée par le personnel médical qui assure l’éducation. Les objectifs pédagogiques sont gradués.

La première séance collective est consacrée à l’exploration des représen-

tations que le patient a de sa santé et de ses facteurs de risque cardio- vasculaire. À l’aide d’un Photolangage®*, le patient identifi e ses propres

critères de bonne santé et exprime ce que constituent pour lui les dangers qui peuvent peser sur sa santé, en distinguant l’ensemble des risques cardio-vasculaires. Concrètement, parmi un lot d’images dispo- sées sur une table, chaque participant est invité à choisir deux images qui correspondent d’une part à la bonne santé, d’autre part aux risques qui peuvent peser sur elle. Le professionnel éducateur demande ensuite à chaque participant d’argumenter ses choix. Au cours de la séance, le patient identifi e ainsi les risques encourus et les éléments sur lesquels il peut personnellement agir. À l’aide de cartes représentant de façon stylisée les parties du corps d’un personnage et symbolisant sa situation familiale, sociale et professionnelle ainsi que l’existence de facteurs de risque, les patients créent ensemble un personnage fi ctif et réfl échis- sent à ce qui pourrait lui arriver à l’avenir. Réalisé sur un personnage imaginaire dit en « mosaïque », ce travail permet de mettre à distance la composante émotionnelle et personnelle. Avant de clore la séance, le professionnel éducateur résume et complète les propos des patients en expliquant la maladie artérielle (athérosclérose) et la notion de risque, en s’aidant d’une série de planches illustrées.

Les deuxième et troisième séances collectives permettent au patient d’ana-

lyser ses rapports à l’alimentation, aux médicaments et à l’activité physique. À l’aide de cartes alimentaires et d’un supermarché virtuel, les patients identifi ent les aliments qui font augmenter le taux de choles- térol ainsi que les bénéfi ces d’une alimentation équilibrée sur la santé. En cas de nécessité d’un changement d’alimentation, les patients sont amenés à repérer les facteurs facilitants et les obstacles existants. Des mises en situation de groupe en rapport avec la vie quotidienne permet- tent aux patients de comprendre la complémentarité des traitements et l’intérêt de leur suivi au long cours (en distinguant les inconvénients et les bénéfi ces). La perception du rapport coût/bénéfi ce est en effet une condition nécessaire au suivi du traitement à long terme. Pour que l’individu puisse changer progressivement de comportement et suivre un traitement médicamenteux au long cours, la perception individuelle

du bénéfi ce du traitement doit contrebalancer avantageusement le coût global du traitement (qu’il soit fi nancier, physique ou psychologique).

La dernière séance collective est surtout une évaluation formative : le

patient est amené à mesurer l’ensemble des compétences acquises au cours du programme. Un jeu de plateau16 invite les participants à répondre

à des questions de connaissances ou à prendre position par rapport à des dilemmes portant sur des situations de la vie courante (l’alimentation, la pratique d’une activité physique, la prise au long cours de médicaments). Durant l’intervalle entre deux séances, le travail fourni par le patient au cours des modules est mis à profi t. À l’aide d’un carnet de suivi, le patient reprend personnellement les éléments de synthèse des séances. Il identifi e des champs d’actions possibles et détermine le ou les facteurs de risque sur lesquels il pense pouvoir agir. Il fait le point progressivement sur ce qu’il pense pouvoir changer concrètement, et sur ce qu’il ne pense pas pouvoir changer. Il décide ensuite de mettre en place un projet de changement portant sur un ou plusieurs facteurs de risque. Ces périodes entre deux séances éducatives sont propices à la réfl exion du patient sur ce qu’il redoute et sur ce qu’il pense pouvoir gagner en mettant en place son projet. Le patient a ainsi l’opportunité de défi nir ses propres critères de réussite et de planifi er ses changements dans le temps. Les séances individuelles permettent au patient de discuter avec le soignant du projet de santé qu’il a choisi : le soignant prend alors acte du projet du patient, en évalue la faisabilité à court terme et propose éventuellement des aides ou orientations supplémentaires. Il discute ensuite des stratégies qui permettent au patient de mener à bien son projet. Le relais est pris par le médecin traitant qui revoit le patient et l’aide à maintenir son projet dans le temps.

Schéma général de l’étude Pégase Inclusion des patients

Une étude randomisée* ouverte pendant six mois a permis d’inclure 2 groupes

de 300 patients chacun et de comparer deux types de prise en charge : une prise en charge habituelle par le médecin traitant (aucune recommandation spécifi que en dehors du suivi des recommandations Afssaps) versus une prise en charge « interventionnelle » où les patients bénéfi cient du programme pédagogique mis en place avec l’aide des équipes multidisciplinaires des centres éducatifs. Ces patients sont suivis en ville par des médecins formés à une approche éducative de l’adulte atteint de pathologie chronique.

Critères d’effi cacité

Le critère primaire de jugement de l’expérimentation Pégase était le score de risque global (Framingham) qui a pour but d’évaluer le programme éducatif destiné aux patients à risque cardio-vasculaire. Les critères secondaires suivants 16. Il s’agit d’un plateau où apparaissent des cases : selon le même principe que pour le jeu de l’oie, la personne lance un dé et fait avancer son pion sur les cases.

160 Éducation thérapeutique du patient : modèles, pratiques et évaluation

ont été pris en compte : le LDL-cholestérol, le nombre de patients atteignant les recommandations, les pratiques diététiques et médicamenteuses, l’évolu- tion de la pratique de l’activité physique, de la consommation de tabac et de la qualité de vie. Pour le bras bénéfi ciant de l’intervention éducative, des critères pédagogiques ont été retenus : l’évolution des connaissances et la mise en place concrète d’un projet thérapeutique propre au patient. L’ensemble de ces indica- teurs permet de savoir si le programme éducatif est intégré par le patient.

Population et critères de sélection

Les 600 patients nécessaires à l’obtention d’un Delta de cholestérol (avant/ après)17 de ı0 % et acceptant d’être pris en charge par le centre éducatif de

proximité devaient être inclus sur les mêmes critères que ceux de l’enquête de besoin. Vingt médecins libéraux se sont portés volontaires dans chaque centre, soit ı20 médecins en totalité. Ils ont été randomisés de façon centra- lisée dans deux groupes : médecins formés versus non formés.

Modalités d’intervention

Les 60 médecins formés ont pris en charge 6 patients chacun. Durant les trois premiers mois, les patients du bras intervention ont bénéfi cié du programme éducatif sous la forme de 4 séances collectives dispensées par l’équipe multi- disciplinaire des centres.

Résultats de l’expérimentation

Données cliniques et biologiques

Quatre cent soixante-treize patients ont été recrutés pour cette étude [14]. Les caractéristiques démographiques des patients sont décrites dans le tableau I. Les données cliniques et biologiques sont présentées dans le tableau II. Les résultats évalués à 6 mois (n = 409) présentés dans le tableau III montrent une modifi cation du critère principal de jugement dans le groupe intervention, mais pas de modifi cation dans le groupe contrôle. La différence des moyennes n’est toutefois pas signifi cative quand on compare les deux groupes à 6 mois. Les éléments clés de ces résultats permettent de montrer que les deux groupes étaient équivalents au début, ce qui témoigne de la qualité de la randomisa- tion*. De façon similaire, le niveau de facteur de risque est sans différence

signifi cative entre les groupes contrôle et intervention. Les composantes qui ont le plus varié sont les lipides, ce qui s’explique par une plus grande sensibilité des patients à la diététique.

Qualité de vie des patients

Des modifi cations signifi catives d’un certain nombre de critères évalués par le questionnaire de qualité de vie sont observées [tableau IV]. Lorsqu’on analyse

17. Si nous avons calculé le nombre de sujets sur un delta de cholestérol de 10 % entre les 2 groupes (le critère de

Outline

Documents relatifs