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économique. La coopération interentreprise territorialisée

Section 4 La coopération territoriale

L’approfondissement de la notion de coopération dans divers champs thématiques : biologie, philosophie, mathématique, sciences économiques, nous apportent le recul nécessaire pour proposer une réflexion sur la notion de coopération dans le cas de l’économie territoriale. Nous montrons dans un premier temps que la coopération territoriale est intrinsèquement liée à l’existence des frontières avec l’idée de leur dépassement. Nous présentons ensuite trois formes de coopération territoriale : la coopération territoriale européenne qui s’appuie sur une réflexion plus large sur la frontière ; la coopération intercommunale et les réseaux de villes qui s’appuient sur une réflexion sur les réseaux et les modèles urbains ; la coopération métropole – territoires non-métropolitain et la notion de réciprocité. Nous proposons enfin un énoncé et la définition de principes relevant de la coopération territoriale.

1. Frontières et coopération territoriale

La coopération territoriale implique la prise en compte des pratiques économiques et sociales interterritoriales. L’interterritorialité sous-entend l’existence de frontières, de limites, de discontinuités. La notion de coopération territoriale est intrinsèquement liée à l’idée de dépassement des frontières. L’idée de frontière renvoie à un ensemble de concepts plus larges. La frontière constitue

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un champ d’étude à part entière en sciences régionales. Dans le cas européen, la frontière désigne la démarcation entre les États-membres. Dans le cas infranational, la frontière désigne toute rupture politico-administrative matérialisée par le contour des communes, des intercommunalités, des départements, des régions, etc.

1.1. La frontière

La notion de frontière constitue une idée ancienne et est intrinsèquement liée à la notion de territoire. Un retour sur l’origine de la notion de frontière permet de comprendre la compréhension et l’utilisation qui en est faite encore aujourd’hui, ainsi que sa persistance malgré le mouvement de mondialisation et d’effacement des frontières des États européens. La frontière, ou border studies, constitue un champ thématique en soi. Celui-ci consiste à comprendre « les mécanismes et les manières dont se gèrent politiquement les discontinuités spatiales et sociales qu’institue toute délimitation » (Arbaret-Schulz et al. 2004). La coopération transfrontalière constitue d’une certaine manière un sous-thème de la frontière.

1.1.1. Origine de l’idée et de la notion de frontière

L’idée de frontière est ancienne. Dans l’Antiquité, les pratiques de la société rurale fournissaient une idée de la frontière qui renvoyait aux bornes de l’espace, une extrémité au-delà de laquelle s’ouvre

l’inconnu, appelé finis par les Romains (Arbaret-Schulz et al. 2004). L’idée de frontière comme limite

apparait dans la mythologie romaine et la construction même de la ville de Rome (Amilhat-Szary

2015; 2016). Le franchissement du sillon sacré tracé par Romulus, le pomerium, par Rémus, son frère

jumeau, pour initier la construction de la nouvelle cité et de l’Empire dont elle sera le centre, constitue un affront impardonnable. La colère déclenchée chez Romulus est telle qu’il assassine son frère. Dans la Rome Antique, le pomerium désigne la limite sacrée qui sépare la ville de son territoire alentour. Cette délimitation confère à la ville une valeur mystique qui exige une protection de sa pureté (Magdelain 1990). L’imaginaire de la ligne reste forte dans les usages et interprétations des frontières (Amilhat-Szary 2015).

Le terme « frontière » apparait plus tardivement. Il provient du latin « front » et fait référence au

vocabulaire militaire et à la notion de face-à-face (Amilhat-Szary 2015). Au 13ème siècle, la frontière

désigne la limite temporaire et fluctuante séparant deux armées lors d’un conflit (Febvre 1962). La frontière a ainsi une définition avant tout militaire. Elle est le front défini par une armée. Elle constitue ainsi un cas particulier de la limite, terme général employé dans la diplomatie pour fixer les partages entre deux souverainetés (Febvre 1962; Nordman 1999; Denert et Hurel 2000). La frontière inclut d’emblée un enjeu militaire et est délimitée par la force de manière unilatérale. La limite intègre une dimension diplomatique et est négociée bilatéralement. Les deux termes deviennent synonymes avec la militarisation des limites territoriales des États-nations. La frontière acquiert une dimension fonctionnelle et désigne ainsi un espace dédié à la défense du territoire (Denert et Hurel 2000).

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La frontière devient une limite de souveraineté avec l’avènement des États-nations lors du traité de Westphalie de 1648 (Nordman 1999; Velasco-Graciet 2008; Amilhat-Szary 2015). Le traité de Westphalie instaure un nouvel ordre géopolitique en Europe. Les grands royaumes décident de fonder l’équilibre de leurs puissances sur la base d’une stabilité territoriale négociée. Ils fondent alors l’idée d’État-nation souverain sur son territoire et inventent la frontière comme convention pour le matérialiser. Les frontières, précises et reconnues, deviennent les limites internationales des États-nations sur lesquels le pouvoir exerce sa pleine et entière souveraineté. Les grands traités internationaux qui suivront s’appuient sur cette même logique. En 1919, le Traité de Versailles signe

les nouvelles limites internationales et instaurent la Société des Nations. La création de l’ONU en 1945

constitue un ordre international ayant pour mission notamment la stabilité des frontières. Les frontières constituent dès lors un attribut de l’État, géré par le gouvernement central via, entre autres, les douanes ou l’armée. Les politiques publiques, à l’exception de la politique étrangère, s’appliquent au territoire national, jamais au-delà (Leloup et Gagnol 2017). La conception westphalienne de la frontière s’est exportée hors d’Europe avec notamment le projet colonial. Elle s’impose désormais à l’échelle mondiale et fait objet de modèle pour l’ensemble des États et des organisations internationales (Foucher 1991). La frontière constitue la forme la plus claire, la plus lisible et la plus achevée d’une expression absolue de souveraineté (Arbaret-Schulz et al. 2004).

L’amélioration des techniques de cartographie permet de tracer les limites du territoire. Les frontières bornent le territoire. Les cartes « font apparaitre des blancs de l’autre côté de la ligne comme si rien n’existait derrière » (Amilhat-Szary 2015). Le tracé des frontières n’en est pas pour autant aisé. Deux notions sont énoncées pour légitimer le tracé des frontières (Arbaret-Schulz et al. 2004) : i) la « frontière naturelle » met en avant l’existence d’une partition de l’espace qui s’appuie sur des accidents topographiques ou hydrographiques naturels : montagne, fleuve, etc. ; ii) La « frontière historique » s’inscrit dans un mouvement de revendication territoriale qui cherche à prouver à partir de documents la légitimité d’un tracé antérieur. Velasco-Graciet (2008) souligne que « la frontière ne relève en rien de la nature, elle est au contraire un construit politique dont les formes matérielles peuvent être diverses (tout autant une montagne qu'une muraille) ». La frontière est ainsi produite par les sociétés humaines qui se servent des éléments morphologiques comme des supports physiques destinés à tracer et à maintenir les limites de la souveraineté territoriale. Stein (2008), dans son analyse des frontières infraétatiques aux États-Unis, démontre que le tracé des frontières relève d’une lecture officielle et d’une lecture cachée. S’il est commode de s’appuyer sur des éléments physiques naturels, le tracé des frontières est le fait des négociations entre puissances souveraines pour un partage équilibré du territoire.

Piermay (2005, 2009) souligne enfin que la mondialisation tend à remettre en cause la forme classique westphalienne de la frontière : « le développement des échanges, la relativisation des États-nations, l’émergence concomitante de nouveaux acteurs conduisent à détacher la notion de frontière du lien

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exclusif qu’elle entretenait depuis trois siècles avec l’État et à adopter une acception élargie » (Piermay 2009).

1.1.2. Définition de la frontière

La notion de frontière s’inscrit dans la continuité de deux conceptions théoriques (Velasco-Graciet 2008) : i) une conception dite française, portée notamment par Ancel (1938), qui conçoit la frontière comme une ligne de rencontre de deux forces politiques contradictoires, celles de deux États territorialement concurrents. La frontière est un construit politique pouvant ou non s'appuyer sur un élément naturel (une montagne, un fleuve) ; ii) une conception dite allemande, portée par Ratzel (1897), qui conçoit la frontière comme la marque spatiale de l'action géopolitique d'un État entre deux phases d'expansion. La frontière est donc temporaire et mouvante. Elle se fonde sur le lien entre le peuple et l’espace.

La notion de frontière est proche mais distincte de celles de « discontinuité » et de « limites » (Renard 2002) : la limite circonscrit deux ensembles spatiaux dont les différences des structures d’organisation de l’espace sont soulignées ; la discontinuité suppose des structures d’organisation de l’espace ; la frontière exprime ou révèle l’exercice d’un pouvoir. Une frontière suppose une discontinuité qui elle-même implique une limite (Arbaret-Schulz et al. 2004).

La « frontière » est habituellement comprise comme la « limite de souveraineté et de compétence territoriale d’un État » (Arbaret-Schulz et al. 2004). La notion de frontière est intrinsèquement liée à celle de territoire, qui sans elle, perd une de ses caractéristiques fondamentales. La frontière est ainsi avant tout une « limite politiquement signifiante » (Arbaret-Schulz et al. 2004) où se mettent en place « des différentiels, se créent des opportunités, se valorisent des compétences, se développent entre les acteurs des jeux inégalitaires marqués par le risque et l’incertitude » (Piermay 2005; 2009). La frontière est « un objet dont l’émergence s’inscrit dans un processus de territorialisation. Aussi, tout territoire qui se construit porte en lui les germes de frontières. Mais la frontière est également un objet mis en place par un pouvoir dont le projet politique est de s’affirmer et de se distinguer des autres entités territoriales » (Arbaret-Schulz et al. 2004). La frontière ne se résume pour autant pas au seul partage de souveraineté entre deux États. La frontière est également identifiée comme « un espace hétérogène » (Sohn et Walther 2009) au sein duquel se tisse des interactions économiques et sociales en dehors de tout cadre institutionnel. La frontière est aussi considérée comme vivante et mouvante, plus ou moins stable et étanche, mais jamais figée. La frontière « est à la fois une ligne, qui sépare et crée de la discontinuité, tout en étant zone, permettant toutes sortes d'échanges à la fois symboliques, matériels, pacifiques ou violents » (Velasco-Graciet 2008).

La notion de frontière tend à s’émanciper du tracé des limites territoires des États-nations et imprègnent un champ lexical plus large, faisant de la frontière une notion fluctuante et plus floue. Belton (2009) témoigne de cet élargissement de la notion en analysant la « frontière » entre la vie

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professionnelle et la vie privée et en expliquant que « tracer une frontière entre deux ensembles, peu importe leur nature, revient d’abord à déterminer les conditions d’appartenance à chacun de ses ensembles pris séparément, puis leurs positions respectives ». Sur le plan territorial, la frontière tend à définir toute discontinuité territoriale, que celle-ci soit matérialisée ou fictive, concrète ou abstraite, objective ou subjective. Pour Gendrault (2009), les frontières distinguent « un espace de l’identique et un espace de l’autre ». Tout territoire infranational est de ce fait délimité par des frontières qui organisent les représentations collectives de l’espace. Ces frontières ne sont, le plus souvent, ni inscrites au sol ni tracées sur un plan, comme dans le cas des frontières internes de la ville de Naples (Gendrault 2009).

1.1.3. Formes et caractéristiques de la frontière

La frontière constitue désormais un objet complexe dont il est difficile de cerner l’ensemble des caractéristiques. Les frontières sont des lieux de discontinuités spatiales et de ruptures territoriales, en même temps qu’elles sont des interfaces, des lieux de rencontre et d’échanges entre les hommes. La frontière, c’est ce qui sépare mais aussi ce qui unit (Lacour et al. 2018). La frontière s’affirme comme limite et révélateur de différence mais aussi comme lieu de passage et de valorisation de différentiels et d’asymétries.

Arbaret-Schulz et al. (2004) identifient quatre fonctions pour définir une frontière : i) une frontière est une construction territoriale qui met de la distance dans la proximité (Arbaret-Schulz 2002). La proximité spatiale entre les lieux est contredite par la présence de dispositifs qui introduisent un éloignement ; ii) une frontière est conçue comme un système de contrôle des flux destiné à assurer une maîtrise du territoire à travers un filtrage ; iii) une frontière est un lieu d’affirmation et de reconnaissance de pouvoirs politiques. La délimitation frontalière peut dès lors être comprise comme l’affirmation d’une séparation politique. Elle est souvent le résultat de négociations et de compromis, mais peut également émerger lors de conflits ou de revendications territoriales non résolues ; iv) une frontière institue une distinction par l’appartenance matérielle et symbolique à une entité territoriale dont elle est l’expression. Toute frontière établit un dedans et un dehors territorial. Elle exclut et inclut selon le côté considéré. Elle sert à délimiter et marque la fin d’un territoire. La frontière est le vecteur d’une identité territoriale.

Amilhat-Szary (2015) propose trois caractéristiques de la frontière : i) Tout d’abord, la frontière est mobile (Amilhat-Szary et Giraut 2015; Amilhat-Szary 2016), en opposition à une vision linéaire et figée. La frontière amène à voir ce qui unit et non pas ce qui sépare. Elle est le lieu de rencontre de l’autre. Les frontières sont des éléments en mouvement permanents, du fait des choix géopolitiques mais aussi des mouvements de la Terre, comme l’illustre la redéfinition d’un segment du tracé de la frontière entre l’Italie et la Suisse à la suite de la fonte des glaces en haut d’un sommet (Amilhat-Szary 2013). Les notions de « déterritorialisation » et de « reterritorialisation », rebordering - debordering,

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illustrent ce mouvement de la frontière. La frontière est également tri-dimensionnelle. Elle n’est pas marquée uniquement par le tracé au sol mais inclut le dessous de la surface terrestre, l’espace aérien et l’espace maritime ; ii) la frontière est individualisée. L’affaiblissement des frontières étatiques européennes et la mondialisation amènent une expérience de la frontière qui se différencie des conditions de l’appartenance citoyenne. La frontière s’analyse dans une approche liée à l’utilisation de la frontière par les individus. La notion de « frontiérité » exprime les dimensions individuelles et collectives de ce qui se joue dans un rapport territorialisé et politisé du franchissement des frontières ; iii) la frontière est ressource. La frontière relie les individus et les organisations. Elle est le lieu d’actions économiques et sociales. La frontière constitue un outil d’action publique avec le passage d’une politique frontalière à une politique transfrontalière. Le transfrontalier désigne « tout ce qui se passe à la frontière quand la ligne séparatrice ne prétend plus bloquer les pratiques et le sentiment d’appartenance ». Les flux transfrontaliers sont nombreux : investissements des entreprises à l’étranger, flux de travailleurs frontaliers attirés par les différentiels salariaux, flux résidentiels des personnes attirées par des logements plus abordables ou un cadre de vie plus favorable, comme cela est notamment le cas aux frontières franco-luxembourgeoise et franco-suisse.

1.1.4. Du frontalier au transfrontalier, le lieu de la coopération et de l’échange

La coopération territoriale émerge de la frontière-ressource (Piermay 2005; Amilhat-Szary 2015), celle qui relie et qui devient le lieu de résolution commune des problématiques et de stimulation des pratiques transfrontalières. Le transfrontalier supplante progressivement le frontalier. Le transfrontalier constitue une forme particulière d’interterritorialité du fait que les pratiques économiques et sociales des acteurs locaux tendent à dépasser la notion de territoire frontalier et s’inscrivent à une échelle supra-territoriale, ici à la fois supra et infranationale.

Le territoire frontalier est traditionnellement considéré comme périphérique (Leloup et Gagnol 2017). Deux territoires frontaliers se faisant face-à-face deviennent par un changement de perspective un territoire transfrontalier avec son identité propre. Il ne signe pas la fin du territoire frontalier mais s’ajoute aux cadres institutionnels existants. Leurs frontières, si l’on s’en tient aux découpages réalisés par la Commission Européenne dans le cadre de la politique de coopération territoriale européenne, tend à suivre les limites régionales ou départementales existantes, mais peut aussi résulter d’accords locaux dessinant des limites territoriales plus complexes. « L’espace frontalier orienté à 180° devient un territoire transfrontalier orienté à 360° » (Denert et Hurel 2000). Le fait transfrontalier s’illustre par différents phénomènes géographiques, économiques et sociaux que ce soit par l’existence d’agglomérations, de flux de travailleurs frontaliers ou de pratiques commerciales (Denert et Hurel 2000). La frontière joue ainsi souvent un rôle de catalyseur et de générateur de flux en raison du différentiel de réglementations et de coûts, créant ainsi un véritable effet-frontière.

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L’émergence de territoires transfrontaliers trouve une traduction territoriale et politique avec leur propre gouvernance et leurs modalités d’intervention. Les territoires transfrontaliers organisent leurs propres stratégies de développement. Le fait transfrontalier est intégré aux stratégies de développement régional, comme l’illustre les sections dédiées au transfrontalier dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Le transfrontalier reçoit une attention particulière sur le plan politique et institutionnel, en témoignent les actions et les travaux menés par la Mission Opérationnelle Transfrontalière (2007, 2015), créée à l’initiative de la

DATAR en 1997. Sur le plan scientifique, le programme européen ESPON et son point de contact

français, l’unité mixte de recherche du Réseau interdisciplinaire pour l’aménagement et la cohésion des territoires de l’Europe et de ses voisinages (UMS-RIATE), a pour objet le soutien aux recherches portant sur l’aménagement du territoire européen. De nombreux travaux portent sur les territoires frontaliers et le transfrontalier (De Ruffray et al. 2011; Guérois et al. 2016).

La frontière porte en elle un potentiel de développement et d’innovation important du fait des problématiques majeures à résoudre et des complémentarités à exploiter. L’accroissement des échanges, la mise en place de mutualisations, l’émergence d’innovations tendent à favoriser le développement de ces territoires, parfois délaissés du fait de leur situation géographique périphérique dans le cadre des politiques nationales. Les régions transfrontalières transitent d’un statut de zones enclavées et isolées vers une reconnaissance comme nouveau centre au cœur de nœuds de communication et d’échanges. Les politiques transfrontalières constituent des « assemblages complexes de territoires d’action publique » (Leloup et Gagnol 2017), multi-échelle et multi-acteur. Les collaborations y sont nécessairement complexes et requièrent de longues périodes d’apprentissage. La frontière devient ainsi « un terrain privilégié pour de nouveaux modes de coordination, de nouvelles règles et de nouvelles institutions. Elle est traversée mais aussi mise en valeur ; elle entraîne parfois l’élaboration d’une gestion commune et permet d’associer des acteurs publics et privés, locaux, nationaux et supranationaux dans des processus de gouvernance originaux » (Leloup et Gagnol 2017). La notion de frontière évolue au grès des pratiques interterritoriales. Le fait transfrontalier, s’il est illustré par de belles réussites sur le terrain, est néanmoins confronté à la persistance des frontières dans leurs dimensions administratives, politiques, culturelles, linguistiques ou techniques. La frontière s’avère plus en voie de transformation qu’en voie de disparition : les frontières s’effacent, elles disparaissent, elles réapparaissent et elles se renforcent au gré des périodes et des représentations médiatiques et collectives (Moullé 2017). La mise en œuvre de réelles stratégies transfrontalières reste contrainte « par les conflits, les héritages historiques, les replis nationaux » (Leloup et Gagnol 2017). Les acteurs politiques locaux, s’ils reconnaissent le fait transfrontalier, focalisent leur attention sur le territoire où ils exercent leur pouvoir et tendent à négliger la dimension transfrontalière. Cette situation amène certaines structures transfrontalières à n’être « que des coquilles vides, plus aptes à capter les financements externes qu’à faire œuvre de rapprochement et de développement partagé » (Leloup et

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Gagnol 2017). De même, les structures transfrontalières ne reçoivent qu’une légitimité limitée. Si les discours sont ambitieux, les moyens financiers alloués restent souvent faibles.

La frontière est traitée dans le cadre formalisé des États-nations. Les limites territoriales des espaces infranationaux ne sont pas appelées « frontières » mais constituent des ruptures territoriales bien réelles. Si la notion de frontière et le fait transfrontalier constituent des notions bien identifiées, l’idée de ruptures territoriales infranationales semblent plus négligées, sous-entendu que ces discontinuités territoriales ne souffriraient pas des mêmes maux. Or, partout où le politique tend à restreindre son action sur l’espace territorial qu’il gouverne, il existe des ruptures territoriales qui négligent les pratiques économiques et sociales interterritoriales. La coopération territoriale constitue une réponse au dépassement des frontières. D’une manière générale, tout dépassement d’une frontière, d’une