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régionales en Europe

Section 2 Analyse du niveau de richesse des régions européennes

La décomposition du PIB par habitant fait émerger des caractéristiques nouvelles constitutives du niveau de richesse des régions, en premier lieu desquelles les interdépendances entre les régions.

1. Une relative déconnexion entre le P

IB

par habitant et la productivité apparente

du travail

L’analyse de la productivité apparente du travail des régions européennes (cf. Carte 2) démontre qu’il

existe une relative déconnexion entre les régions les plus « productives » (en termes de PIB par emploi) et les régions les plus « riches » (en termes de PIB par habitant).

Carte 2 : Productivité apparente du travail des régions Europe à 15

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L’analyse des deux grands ensembles géographiques identifiés précédemment montre que les régions des pays scandinaves bénéficient d’effets positifs en matière de productivité du travail tandis que la situation devient plus complexe au sein de la dorsale européenne. Les régions des pays scandinaves se classent ainsi toutes au sein des 4ème et 5ème quintiles sur l’indicateur PIB par emploi. Sur l’axe rhénan, les résultats montrent que si certaines régions maintiennent leur position parmi les 20% des régions les plus « productives » (Hambourg, Oberbayern, Stuttgart, Utrecht, Luxembourg, Bruxelles, Vienne, Groningen, Lombardie, Vallée d’Aoste, etc.), d’autres voient leur rang diminuer au profit de régions

moins bien classées sur l’indicateur PIB par habitant. C’est le cas de la majorité des régions françaises,

irlandaises et belges, qui présentent de bons niveaux de productivité apparente du travail.

Un croisement des régions (cf. Tableau 7) permet de faire ressortir un certain nombre de cas atypiques

pour lesquels il existe une forte déconnexion entre les deux indicateurs. Trois régions se situent par exemple parmi les 20% des régions les plus productives tandis qu’elles sont situées autour de la

médiane sur l’indicateur PIB par habitant : Provence-Alpes-Côte d'Azur (FR) ; Prov. Liège (BE) ;

Prov. Limburg (BE). Inversement, la région Oberfranken (DE) chute du 4ème quintile sur l’indicateur

PIB par habitant au 2ème quintile sur l’indicateur PIB par emploi.

Tableau 7 : Croisements des régions européennes par quintile Quintile PIB / Emploi

1 2 3 4 5 Q u in ti le P IB / H ab it an t 1 29

régions 11 régions 1 région

Guyane (FR) ; Guadeloupe (FR)

2 13

régions 18 régions 5 régions

Border, Midland and Western (IE) ;

Languedoc-Roussillon (FR) ; Lorraine (FR) ; Picardie (FR) Prov. Namur (BE) ; Prov. Luxembourg (BE) ; Prov.

Hainaut (BE) 3 North Yorkshire (UK) 13 régions 13 régions 13 régions Provence-Alpes-Côte d'Azur (FR) ; Prov. Liège

(BE) ; Prov. Limburg (BE)

4 Oberfranken

(DE)

24

régions 12 régions 6 régions

5 9 régions 33 régions

Source : EUROSTAT, Statistiques régionales par classification NUTS, 2011.

Au-delà de ces cas extrêmes, nous constatons qu’un nombre non négligeable de régions changent de classe selon l’indicateur retenu, ce qui s’explique par les différences géographiques des effets socio-économiques (cf. Carte 3). Cela est notamment le cas des régions de la « dorsale européenne » (l’Autriche, l’ouest et le sud de l’Allemagne et les Pays-Bas) qui bénéficient ainsi avant tout d’effets socio-économiques positifs.

167 Carte 3 : Effets socio-économiques des régions Europe à 15

Conception & Réalisation : Auteurs. Données EUROSTAT, Statistiques régionales par NUTS, 2011.

De même, la plupart des régions du Royaume-Uni (hors Londres et l’Ecosse) et du Portugal sont caractérisées par un meilleur positionnement sur cet indicateur que sur celui de la productivité apparente du travail. Enfin, les régions françaises, hors Île-de-France, sont toutes situées bien en-dessous de la médiane Europe à 15 pour l’indicateur traitant des effets socio-économiques, ce qui

explique leur moins bon positionnement sur l’indicateur PIB par habitant.

Au total, si quelques régions accueillant les centres administratifs, économiques et financiers de l’Europe (Bruxelles, Luxembourg, Londres) occupent les premières places sur les deux indicateurs, et qu’à l’opposé les régions du sud de l’Europe (Espagne, Italie du sud, Grèce) pâtissent d’effets négatifs, entre les deux, la situation est plus complexe.

2. La diversité des effets socio-économiques

L’approfondissement de la décomposition du ratio emploi par habitant permet de mieux caractériser les effets socio-économiques à l’œuvre sur les territoires (cf. Cartes 4 à 7).

168 Carte 4 : Indice de concentration de l’emploi des régions Europe à 15

Conception & Réalisation : Auteur. Données EUROSTAT, Statistiques régionales par NUTS, 2011. Carte 5 : Taux d’emploi des régions Europe à 15

Conception & Réalisation : Auteur. Données EUROSTAT, Statistiques régionales par NUTS, 2011.

169 Carte 6 : Taux d’activité des régions Europe à 15

Conception & Réalisation : Auteur. Données EUROSTAT, Statistiques régionales par NUTS, 2011. Carte 7 : Indicateur démographique des régions Europe à 15

Conception & Réalisation : Auteur. Données EUROSTAT, Statistiques régionales par NUTS, 2011.

L’indice de concentration de l’emploi (cf. Carte 4) mesure le nombre de personnes occupant un emploi

dans une région, rapporté au nombre d’actifs occupés qui résident dans la région. Les premiers peuvent être non-résidents tandis que les seconds peuvent occuper un emploi en dehors de la région.

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Cet indice caractérise ainsi l’attraction qu’un territoire exerce sur les autres. Il est également un marqueur de l’interdépendance des marchés régionaux du travail. Il est par exemple particulièrement élevé dans les régions-capitales comme l’Île-de-France, la région de Bruxelles et du Luxembourg qui exercent une attraction forte sur les régions voisines. Des régions atypiques présentent également un indice de concentration de l’emploi élevé. C’est notamment le cas des îles : la Corse en France et l’archipel d’Åland en Finlande. Enfin, l’Allemagne de l’ouest, l’Autriche, l’ensemble des régions italiennes et grecques possèdent un indice de concentration de l’emploi élevé qui témoigne de la recomposition des marchés du travail à l’échelle européenne. Ces régions accueillent en effet de très nombreux travailleurs provenant d’Europe de l’Est et des Balkans. Par exemple, dans le cas grec, les travailleurs étrangers viennent majoritairement d’Albanie (environ 60% des travailleurs non-résidents), suivis par les autres pays de la péninsule balkanique, de Roumanie et de Bulgarie. Cette situation s’explique tant par la proximité géographique que par les relations historiques liant ces pays

(Sintès 2007; Dalègre 2016; Hatziprokopiou 2005). Dans tous les cas, ces résultats montrent

l’importance de la prise en compte des effets-frontières et des discontinuités territoriales dans l’analyse du positionnement relatif des régions (Grasland et Hamez 2005; Guérois et al. 2016).

Le taux d’emploi (cf. Carte 5) mesure l'utilisation des ressources en main-d'œuvre disponibles sur le marché du travail. Il est le complément à 1 du taux de chômage. Ce taux est plus élevé dans les régions appartenant à l’axe rhénan : Allemagne de l’ouest, Autriche, Pays-Bas notamment, signe d’un taux de chômage plus faible, tandis que les régions du sud de l’Europe possèdent un taux d’emploi plus faible,

signe d’un taux de chômage plus élevé. Néanmoins, plusieurs régions ayant un PIB par habitant et une

productivité apparente du travail élevés (5ème quintile) possèdent également un taux de chômage élevé

(1er et 2ème quintile du taux d’emploi) : Inner London (Royaume-Uni), Mellersta Norrland (Suède), Southern and Eastern (Irlande) et la Région de Bruxelles-Capitale. Inversement, un taux de chômage faible n’est pas lié uniquement à la performance économique de la région. Des facteurs relatifs aux caractéristiques du marché du travail et à la dynamique démographique interviennent. Dans le cas des régions allemandes par exemple, un taux de chômage faible s’explique aussi par une dynamique démographique « favorable » : le nombre de nouveaux entrants sur le marché du travail est inférieur au nombre de sortants (Artus 2018).

Le taux d‘activité (cf. Carte 6) mesure la part de la population en âge de travailler inscrite sur le marché du travail. Le taux d’activité est particulièrement élevé en Allemagne, au Royaume-Uni, au Danemark et en Suède. Il l’est également, mais dans une moindre mesure, dans plusieurs régions d’Espagne.

Enfin, l’indicateur démographique (cf. Carte 7), fournit des informations sur la part des personnes en

âge de travailler dans l’ensemble de la population résidant sur le territoire. Ce taux est plus élevé dans de nombreuses régions d’Espagne, en Autriche, dans le sud de l’Italie et en Irlande. Cette situation cache néanmoins des dynamiques différentes. Ainsi, l’Irlande est caractérisée par une population

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plutôt jeune et peu âgée : les -15 ans représentent 21% de la population (part stable entre 2011 et 2017) et les +65 ans seulement 13,5% en 2017 (en hausse depuis 2011 où ils comptaient pour 11,5%). La situation de l’Autriche est différente : les -15 ans représentent 14,5% de la population (part stable entre 2011 et 2017) et les +65 ans autour de 18% (17,5% en 2011 ; 18,5% en 2017).

L’analyse croisée de l’ensemble des indicateurs pour chaque région permet de mieux caractériser les contextes régionaux. Si nous retrouvons une certaine unité pour plusieurs grands ensembles identifiés lors de la première décomposition du PIB par habitant, les régions européennes apparaissent encore plus diversifiées qu’attendu initialement. Des effets différents entrent en jeu dans la composition du

ratio emploi par habitant, et donc indirectement dans celle de l’indicateur PIB par habitant. Parmi les

grands ensembles géographiques, l’axe rhénan se caractérise par des effets positifs sur l’indice de concentration de l’emploi, le taux d’emploi et le taux d’activité. Si une certaine unité semble émerger entre les régions autrichiennes, du sud et de l’ouest de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas, une lecture plus fine amène à ne pas généraliser le propos. Par ailleurs, les régions scandinaves se démarquent par un taux d’activité élevé tandis qu’elles se situent plutôt en-dessous de la moyenne pour les autres indicateurs. Cela est notamment vrai au Danemark et en Suède. Les régions finlandaises (à l’exception de la région d’Helsinki) se situent plutôt autour ou en-dessous de la médiane des régions de l’Europe à 15 quel que soit l’indicateur considéré. D’autre part, les régions souffrant d’effets socio-économiques négatifs rencontrent des situations diverses. La majorité des régions françaises et les régions irlandaises pâtissent d’effets plutôt négatifs sur l’ensemble des indicateurs, les régions irlandaises bénéficiant cependant d’un indicateur démographique positif. Les régions françaises (avec quelques nuances) souffrent d’effets particulièrement négatifs en ce qui concerne l’indice de concentration de l’emploi, signe d’un marché du travail très concentré dans la région-capitale. L’indicateur démographique témoigne également d’une population à la fois plus jeune que dans de nombreux autres pays européens (19% en 2011, 18% en 2017 contre 16% en moyenne dans l’Union Européenne) mais aussi une population vieillissante (17% en 2011, 19% en 2017) à l’instar de la majorité du continent européen. Nous noterons enfin le « bon » niveau des régions du sud de l’Italie et des régions grecques en ce qui concerne l’indice de concentration de l’emploi. Cet indice doit néanmoins être contrebalancé par le niveau très bas de ces mêmes régions sur le taux d’activité, démontrant ainsi un niveau important de la population exclue de la population active et donc du marché du travail. Cet effet est doublé en Grèce d’un indicateur démographique plus faible que dans l’ensemble des régions de l’Europe à 15.