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B : Le contrôle de l’arbitrage institutionnalisé par les juridictions supranationales

131. Aussi bien à la CEMAC que davantage à l‟OHADA, l‟arbitrage a été reconnu comme mode alternatif de règlement des litiges134.

C‟est ainsi qu‟au terme de l‟article 35 de la convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC, la cour connaît en application de son règlement d‟arbitrage, des différends nés entre les Etats membres, les institutions, les organes et Institutions spécialisées et ayant un lien avec le traité et les textes subséquents, si ces différends lui sont soumis en vertu d‟un compromis d‟arbitrage ou d‟une clause compromissoire. L‟alinéa 2 du même article ouvre largement l‟accès à la procédure arbitrale en précisant que la cour connaît également de tout litige qui lui est soumis en vertu d‟une clause compromissoire ou d‟un compromis.

133 En droit comparé, voir CADIET (L.) : « L‟attribution à la cour de cassation d‟une fonction

consultative », JCP, 1992, I, 3587.

134 Voir SOH FOGNO Denis Roger : « Le juge étatique en matière arbitrale dans l‟espace OHADA »,

Organisé au sein de la communauté, l‟arbitrage de la CEMAC est un arbitrage institutionnalisé se rapportant au droit communautaire et mettant aux prises, un Etat, une institution, un organe ou un organisme spécialisé de la Communauté, ou même les particuliers qui peuvent faire usage de l‟alinéa 2 précité. Sauf dispositions contraires de ses règles matérielles et règlement de procédure qui restent attendus, cet arbitrage sera soumis aux règles classiques de l‟arbitrage institutionnel.

132. L‟OHADA, quant à lui, accorde une importance beaucoup plus manifeste à l‟arbitrage défini communément comme un mode privé de règlement des litiges, fondé sur la convention des parties. L‟engagement est pris dans le préambule du traité OHADA de promouvoir l‟arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels. Le corps même du traité lui consacre tout le titre IV constitué de six articles. A ces dispositions annonciatrices viendront s‟ajouter plus tard, l‟acte uniforme sur le droit de l‟arbitrage135

, le règlement de la CCJA136 et d‟autres actes uniformes faisant sporadiquement allusion à l‟arbitrage137

.

L‟ensemble de ces textes révèle que l‟arbitrage africain peut se construire suivant la procédure de droit commun résultant de l‟acte uniforme précité ou suivant la procédure autonome de l‟arbitrage CCJA. Seule cette dernière nous intéresse en ce sens que son arbitrage est contrôlé par la juridiction supranationale de la CCJA. Pour ce faire, la CCJA exerce des attributions administratives de nomination des arbitres et de leur éventuel remplacement, de surveillance du déroulement de l‟instance arbitrale et de contrôle des projets de sentence, et des fonctions juridictionnelles de délivrance ou de refus d‟exequatur, de contrôle de la régularité des sentences déjà rendues par l‟examen des demandes de contestation de validité et celui des recours en révision ou en tierce opposition138.

Lorsqu‟on se souvient que ces attributions arbitrales s‟ajoutent à celles conférées à la même cour en matière judiciaire proprement dite, on s‟aperçoit que le

135

Cet acte uniforme a été adopté le 13 mars 1999 à Ouagadougou. Relèvent de cet arbitrage, les arbitrages ad hoc et les arbitrages des centres institutionnels de la Cour d‟Arbitrage de Côte d‟Ivoire (CACI), du Centre d‟Arbitrage et de Conciliation de la Chambre de Commerce, d‟Agriculture et de l‟Industrie de Dakar (CAMCAID) et du Centre d‟Arbitrage Interpatronal du Cameroun (GICAM).

136 Règlement adopté à Ouagadougou le 13 mars 1999 ; voir journal officiel de l‟OHADA, 3ème

année, n°8 15 mai 1999, p. 9-20.

137

Les articles 148 et 149 de l‟acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et des groupements d‟intérêt économique, par exemple, prévoient expressément la possibilité du recours à l‟arbitrage pour les différends entre associés.

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Université Panthéon-Assas

système d‟arbitrage de la CCJA est une sorte de prolongement de la justice étatique des Etats parties à l‟OHADA139

.

Au demeurant, les missions juridictionnelles et arbitrales ainsi confiées aux juridictions supranationales ont été sous-tendues par le transfert de souveraineté consenti par ces Etats parties auxdites juridictions.

Paragraphe 2 : La supranationalité des juridictions

communautaires

133. Comme attribut régalien de l‟Etat, la conception de la justice réfute toute idée de justice extraterritoriale parce que le Souverain étatique s‟accommode mal des contraintes imposées par des organes juridictionnels qui lui sont extérieurs140. En effet, comment permettre à un juge étranger statuant pourtant au nom de l‟Etat et pour le compte du peuple souverain, de s‟ingérer dans le règlement des litiges qui peuvent souvent concerner uniquement les nationaux ?

Avec l‟avènement de l‟ordre communautaire qui combine les normes internes et les principes internationaux, on a fini par admettre les juridictions supranationales parce que les juridictions des Etats intégrés adoptaient parfois des solutions non conformes, voire contradictoires au droit communautaire. L‟utilité d‟une juridiction commune qui « régule, oriente et unifie les interprétations et les applications étant bien réelle »141, la CCJA, la CJC et la CCC ont été créées pour contraindre l‟OHADA et la CEMAC à un système unifié d‟organisation juridictionnelle. Après la création de ces juridictions, il fallait, pour affirmer leur supranationalité142, leur transférer des pouvoirs juridictionnels réels (B), jadis rattachés à la souveraineté préexistante (A).

139 BOURDIN (R.) : « Le règlement d‟arbitrage de la Cour Commune de Justice et d‟Arbitrage » Revue

Camerounaise d‟Arbitrage 1999, p. 10. Cet auteur qui avait participé à la rédaction du projet d‟arbitrage autonome présente le système d‟Arbitrage CCJA comme un palliatif provisoire, en attendant la réforme judiciaire d‟ensemble qui serait l‟objectif à long terme.

140

ROSENSTIEL (F.) : « Le principe de la supranationalité : Essai sur les rapports de la politique et du droit », Pedone, Paris, 1962, p. 85.

141

POUGOUE (P.G.) : « Présentation générale et procédure en OHADA », coll. dt un, PUA, Yaoundé 1998, p.12.

142 TCHANTCHOU Henri : « La supranationalité judiciaire dans le cadre de l‟OHADA : Etude à la

lumière du système des communautés européennes », thèse de doctorat, Université de Poitiers, avril 2008, pp. 59 et ss.

A : La souveraineté originaire et le grignotage subtil de

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