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B : Les aménagements fonctionnels entre la CCJA et des Cours de la CEMAC

2) Les aménagements d’ordre technique.

345. D‟un point de vue juridictionnel avons-nous dit, on peut se demander si cette coopération pourrait être complétée par un aménagement institutionnel qui permettrait d‟établir un lien entre trois Cours de justice supranationales.

Ces aménagements peuvent consister à organiser un lien entre les Cours de la CEMAC et la Cour de l‟OHADA au moyen du renvoi préjudiciel ou de l‟avis consultatif entre juridictions, de manière à assurer une meilleure coordination dans l‟interprétation et l‟application des droits communautaire et uniforme.

A cet égard, dans l‟étude prospective sur le financement et l‟évolution de l‟OHADA, les professeurs LAHOUES-OBLE et ABDOUL KANE ont préconisé entre autres, la nécessité d‟une mise en cohérence des différents systèmes juridictionnels supranationaux par l‟établissement d‟une passerelle entre elles, en vue d‟assurer une meilleur coordination dans l‟application du droit communautaire CEMAC et du droit uniforme OHADA ; ce qui entraînera l‟établissement au sein de la CCJA d‟un recours préjudiciel spécifique et à long terme, la création d‟une juridiction chargée spécialement de la régulation des rapports entre la CCJA et la CJC.

346. Au demeurant, ces juridictions ne peuvent raisonnablement encourager que le dialogue des juges du fait de l‟indépendance des organisations entre elles. Des solutions ont déjà été évoquées par des auteurs, consistant pour l‟essentiel à envisager une instance au moins informelle qui permettrait au juge de l‟OHADA et au

348 L‟arbitrage vient d‟être annoncé dans les traité et conventions CEMAC des 25 juin 2008 et 30

janvier 2009 mais son organisation et sa procédure sont encore attendues.

349 Voir TCHANTCHOU Henri : « La supranationalité judiciaire dans le cadre de l‟OHADA : Etude à la

juge communautaire de la CJC de siéger lorsque les situations l‟exigent350

. Mais du fait de l‟indépendance juridictionnelle sus évoquée, aucune raison ne justifie à priori de faire prévaloir automatiquement la position de la CCJA sur celle de la CJC351.

347. Ces aménagements pourraient aussi consister à introduire dans les traités mères qui instituent les juridictions communautaires, des mécanismes de blocage qui empêcheraient à plusieurs juridictions de connaître d‟une même affaire.

En ce sens, l‟illustration est administrée par beaucoup de traités instituant des organes juridictionnels de protection des droits de l‟homme qui excluent explicitement la possibilité pour eux, de connaître des requêtes dont sont déjà saisis d‟autres organes352.

348. Pour être durables et contraignantes, ces différents aménagements ne sont possibles qu‟avec la modification des traités constitutifs des diverses organisations. Mais en attendant ces modifications qui nécessitent des rencontres des hommes d‟Etat si submergés par leurs problèmes internes et autres353

, il est urgent pour les juridictions communautaires instituées de générer une jurisprudence réfléchie et digne d‟une autre source du droit qu‟elle est traditionnellement. Elles remédieront ainsi aux incohérences législatives recensées par un dialogue continu et constructif des juges. Ce dialogue n‟est-il pas, en définitive, la solution réaliste pour que la coexistence des juridictions communautaires ne soit pas vécue de manière dramatique ?

350

MEYER Pierre » les conflits de compétence entre les Cours de justice de la CEMAC et de l‟OHADA » in actes du séminaire sous régional de sensibilisation au droit communautaire de la CEMAC, Douala 16 décembre 2002 (Paris, GIRAF-AIF, 2003, p.58)

351

Voir en sens contraire TATY Georges, « la procédure de renvoi préjudiciel en droit communautaire » in actes du séminaire sous régional de sensibilisation au droit communautaire et à l‟intégration dans la zone CEMAC, Libreville 2 novembre 2004, p.71.

352 La traduction la plus connue de cette solution se trouve dans l‟article 35, 2 de la Convention

Européenne des Droits de l‟Homme dont la teneur est la suivante : « la Cour Européenne des Droits de l‟Homme ne retient aucune requête individuelle introduite en application de l‟article 34 lorsque … elle est essentiellement la même qu‟une requête déjà soumise à une autre instance internationale d‟enquête ou de règlement, si elle ne contient pas de faits nouveaux ». Sur cette question, voir KARAGIANNIS (S.), « La multiplication des juridictions internationales : un système anarchique » in SFDI, la juridictionnalisation du droit international, 2003, p. 115

353 Les efforts faits par les Hautes Autorités Etatiques ces dernières années pour l‟avancée du

processus d‟intégration en OHADA – CEMAC méritent d‟être saluées. En débit de leurs délicates et nombreuses fonctions, les chefs d‟Etat concernés se sont réunis plusieurs fois au cours des années 2008-2009 comme en témoignent les actes des 17 octobre 2008 (OHADA), des 25 juin 2008 et 30 janvier 2009 (CEMAC). Des sessions extraordinaires ont même été convoquées au cours de la même période, sans doute pour évoquer les questions administratives et de fonctionnement des Institutions et Organes de ces Organisations.

Université Panthéon-Assas

Le fait régional qui est l‟agent générateur d‟instances juridictionnelles susceptibles de répondre à des besoins spécifiques354ne peut se promouvoir efficacement pour le moment que par un dialogue des juges, remède certain à des incohérences législatives et même jurisprudentielles inattendues355, pour le grand profit de la coexistence entre juridictions supranationales et de la cohérence du droit de l‟intégration.

349. Au demeurant, le succès de la forme nouvelle d‟intégration qui a introduit dans son processus les juridictions supranationales audacieusement créées suppose une répartition claire des compétences entre celles-ci et les juridictions nationales, sans remettre en cause la clairvoyance et le nécessaire courage des juges qui doivent proposer des solutions jurisprudentielles idoines, même en cas d‟ambiguïtés générées par la rédaction des textes.

En effet, l‟idéal d‟une rédaction claire des textes ne se détache jamais de celui d‟une bonne interprétation par les juges de ceux qui seraient même les plus incomplets.

La finalité de ces vertus normatives et judiciaires toujours recherchées reste de permettre aux juridictions concernées de rendre des décisions consolidant le processus d‟intégration et dont l‟exécution ne sera pas paralysée sous prétexte des tares qui leur seraient internes.

Si cette étape de la construction normative et juridictionnelle de l‟intégration était franchie, il ne resterait plus qu‟à rechercher les mesures susceptibles d‟assurer le meilleur sort possible aux décisions irréprochables ainsi rendues pour parachever du point de vue judiciaire, les processus d‟intégration des Etats parties.

354

BURGORGUE-LARSEN (L.), « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », la juridictionnalisation du droit international, SFDI, 2003.

355

La multiplication des juridictions internationales ne doit pas être vécue comme un désastre. Elle ne porte atteinte ni à l‟unité ni à l‟intégrité du droit international et plus spécifiquement, du droit de l‟intégration. En ce sens, voir, BEDJAOUI (M.), « La multiplication des tribunaux internationaux ou la bonne fortune du droit des gens », SFDI, 2003.

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