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Les applications réelles des conflits de compétence entre les juridictions supranationales et les juridictions nationales

A : L’ambivalence de certaines dispositions légales comme source des conflits

2) Les applications réelles des conflits de compétence entre les juridictions supranationales et les juridictions nationales

285. Les conflits entre les juridictions supranationales et les juridictions nationales ont déjà existé mais sont de plus en plus rares sans doute parce que les acteurs judiciaires sont mieux imprégnés du droit communautaire suffisamment clair sur la question et les évitent.

En dépit des dispositions claires de l‟article 15 du Traité OHADA qui invitent les Cours suprêmes nationales à renvoyer une affaire à la Cour Commune de l‟OHADA dès lors qu‟elles se trouvent confrontées à l‟application en cassation d‟une disposition d‟un acte uniforme, la Cour suprême du Niger a pu réfuter la compétence de la CCJA dans un tel cas sous prétexte que ledit pourvoi n‟est pas fondé exclusivement sur les dispositions des actes uniformes et se rapporte en même temps sur des dispositions de droit interne295.

Si cette décision qui viole les règles élémentaires de compétence est aisément critiquable, celle rendue dans l‟affaire KARNIB était compréhensible puisque relativement aux questions posées, la solution proposée par les droits nationaux divergeait de celle retenue par le droit uniforme.

En effet l‟arrêt KARNIB rendu sur le visa de l‟article 32296 de l‟acte uniforme

portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d‟exécution consacre l‟inadmissibilité des défenses à exécution là où le droit ivoirien notamment admet la possibilité des défenses à exécution jusqu‟à ce qu‟il soit statué sur le fond de l‟affaire par le juge du fond.

286. Dans le cadre de la CEMAC, les conflits entre les juridictions nationales et celles supranationales sont aussi rares mais ont existé dans le passé.

Dans l‟affaire TASHA LOWEH Lawrence, objet de l‟arrêt du 3 juillet 2003297

par exemple, le requérant demandait devant la Cour de justice de la CEMAC, l‟annulation de la décision de la COBAC l‟ayant démis d‟office de ses fonctions de

295

Cour suprême du Niger, 16 août 2001, Rev. Burk. 2002, p. 121, Obs. ARBARCHID.

296 L‟article 32 de l‟acte uniforme concerné dispose « à l‟exception de l‟adjudication des immeubles,

l‟exécution forcée peut être poursuivie jusqu‟à son terme en vertu d‟un titre exécutoire par provision. L‟exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu‟il y ait lieu de relever de faute de sa part ».

297

MEYER Pierre : « Les conflits de juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA, CEDEAO » séminaire régional de sensibilisation sur la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques… ; Ouagadougou, 10 octobre 2003, www juriscope.org.

Université Panthéon-Assas

directeur général et président du conseil d‟administration en visant tantôt le droit CEMAC tantôt le droit OHADA d‟une part, et contestait devant le juge national camerounais des référés d‟autre part, les conditions de convocation et de fonctionnement du conseil d‟administration de la banque au cours duquel avait été prise une résolution le démettant de ses fonctions de président directeur général de l‟institution bancaire en violation, soutenait-il, des dispositions de l‟acte uniforme sur les sociétés commerciales et les GIE.

Le juge communautaire se déclara incompétent pour connaître des moyens tirés de l‟inobservation des dispositions du droit OHADA en ces termes : « Considérant que le contentieux relatif à l‟application des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions nationales et en cassation par la Cour Commune de Justice et d‟Arbitrage selon les dispositions des articles 13 et 14 du traité OHADA ; qu‟en conséquence, la Cour est incompétente pour connaître des moyens tirés de l‟inobservation des dispositions du droit OHADA ». Cette position paraît bien logique dans le cadre de l‟ordre juridique dans lequel le juge communautaire remplit son office298. Il pose néanmoins une question pratique de morcellement du litige, une partie de celui-ci trouvant sa solution dans le droit OHADA, tandis que l‟autre relève du droit CEMAC.

Le juge national camerounais des référés quant à lui retenait sa compétence à ordonner l‟annulation des décisions prises lors dudit conseil d‟administration par ordonnance du 5 août 2000.

En dehors de ces cas marginaux, les hypothèses des conflits de compétence opposaient davantage la Cour de justice communautaire et sa chambre judiciaire qui, dans les anciennes législations se partageaient des compétences dans de nombreuses matières299.

298

Dans le même sens, dans un avis du 26 avril 2000 sur la demande de la République du Sénégal, la Cour Commune de Justice et d‟Arbitrage s‟interdit de se prononcer sur des textes autres que ceux de l‟OHADA notamment en l‟espèce, les textes adoptés dans le cadre d‟autres organisations régionales d‟intégration, note AGBOYIBOR (P K.). Revue de Droit des Affaires Internationales, 2000, n°7, p. 915.

299 A titre d‟exemple parmi tant d‟autres, les litiges opposant la COBAC aux établissements de crédits

assujettis relevaient à la fois de la compétence des juridictions nationales, de celle de la Cour de Justice de la CEMAC et de celle de sa chambre judiciaire (article 4 de la Convention de la CJC du 05 juillet 1996 et article 48-a-1 du statut de la chambre judiciaire du 14 décembre 2000). De même, le litige entre la communauté et ses agents relevaient à la fois de la compétence de la CJC (article 21 de la convention du 05 juillet 1996) et de celle de la Chambre judiciaire de la même Cour (article 48-a-2 du statut de ladite chambre).

287. Aussi minimes soient-ils, les conflits de compétence et la mauvaise organisation des juridictions ne peuvent pas laisser le chercheur indifférent. Il doit mener une réflexion pour trouver les voies de clarification en vue d‟une meilleure efficience du système, tant les incompréhensions et ambiguïtés résultant de la rédaction des textes sont embarrassantes.

B : Les moyens de clarification des dispositions légales et de

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