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125. Certes les juridictions supranationales de la CCJA et de la CJC sont investies d‟attributions à la fois nombreuses et diversifiées, ce qui en font la pierre angulaire du mécanisme d‟intégration judiciaire, mais leur rôle de loin le plus important est celui d‟exercer une mission de régulation et de garantie du droit communautaire. Aussi s‟insèrent-elles dans les accords d‟intégration dont l‟objectif primordial est de parvenir à réaliser une véritable communauté entre plusieurs Etats127. Pour ce faire, ces pièces essentielles du nouvel ordre juridique que réalisent l‟OHADA et la CEMAC disposent des moyens nécessaires à la mise en œuvre de l‟intérêt communautaire.

126

TIGER (Ph.) : « Les rapports entre les juridictions de cassation nationales et la CCJA », Bilan et perspectives d‟avenir, Penant 2007, n°860, p. 184.

127 PERRIN (D.), « La cour internationale de justice et l‟Afrique », presses universitaires d‟Aix-

Université Panthéon-Assas

Plus spécifiquement, ces juridictions sont chargées d‟assurer dans les Etats parties, l‟interprétation et l‟application communes du traité et des actes et règlements subséquents pris pour son application. Elles exercent ces fonctions par la voie du pourvoi en cassation en OHADA et par celle du recours préjudiciel à la CEMAC.

Seule interprète en dernier ressort des traités à travers l‟ensemble de leurs fonctions, la CCJA en tant que juge de cassation peut annuler ou invalider les décisions des juridictions nationales en tant qu‟elles mettent en cause les règles uniformes.

126. Quant à elle, la Cour des comptes contrôle les comptes de la Communauté tandis que la Cour de justice est d‟abord une instance régulatrice dont l‟objet est d‟assurer l‟unité d‟interprétation et d‟application du droit communautaire dans l‟ensemble des Etats parties. Comme telle, elle n‟a pas vocation à invalider les décisions des juridictions nationales même lorsque l‟application du droit communautaire est en cause, et ce, même lorsqu‟elle est « investie des pouvoirs réels issus d‟une limitation de compétence ou d‟un transfert d‟attribution des Etats de la communauté », pour reprendre les termes de la cour de justice européenne128. Dans le même ordre d‟idées, le juge communautaire ne peut user que « des moyens plus souples qui se sont révélés efficaces »129. Il se borne en effet à donner des indications au juge national qui est tenu de s‟y conformer.

Cette fonction régulatrice s‟exerce dans une perspective de coopération avec les juridictions nationales qui ont besoin d‟être fixées sur le sens du texte communautaire.

127. Ainsi saisies, ces juridictions sont compétentes pour rendre des décisions qui ont des incidences directes, voire contraignantes dans les Etats membres de la communauté. Alors que le principe traditionnel du droit international public est l‟absence du caractère exécutoire des décisions, en droit interne, les jugements sont non seulement obligatoires pour les parties, mais exécutoires130. C‟est cette même force qui est reconnue aux arrêts et décisions des juridictions communautaires. Ils

128 CJCE, 14 décembre 1971, commission C/France (agence d‟approvisionnements de l‟EURATOM)

7/71 Rec. Volume XVII-1003.

129 MANIN (Ph) : « Les communautés européennes – l‟union européenne » Paris, Pedone, 1998, p.

415.

130 Toutefois, en droit international, l‟évolution des idées en cette matière a abouti à l‟article 94 de la

Charte des Nations Unies selon lequel, en cas d‟inexécution d‟un arrêt par une partie, l‟autre peut saisir le conseil de sécurité qui, s‟il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l‟arrêt.

ont en effet, non seulement force obligatoire mais force exécutoire sur le territoire des Etats membres. Cela signifie par exemple que, de plein droit, sans aucune autorisation de qui que ce soit, les arrêts de condamnation des particuliers sont exécutés par les autorités nationales. La force exécutoire des arrêts est affirmée par divers articles des traités institutifs.

128. C‟est ainsi que l‟article 20 du traité OHADA stipule que « les arrêts de la

CCJA ont autorité de la chose jugée et force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales ».

Dans le même ordre d‟idées, les articles 5 et 30 des conventions régissant la cour des comptes et la cour de justice de la CEMAC disposent que « les décisions rendues par ces cours… ont autorité de la chose jugée et force exécutoire ». Ayant une même vision sur cette question, l‟article 20 du protocole additionnel de l‟UEMOA indique aussi que « les arrêts de la cour de justice ont force exécutoire conformément aux dispositions de son règlement de procédure ».

Ainsi qu‟on peut le constater, les décisions rendues par ces juridictions communautaires ont force exécutoire sans aucun exequatur préalable du moins en ce qui concerne les cours de justice de la CEMAC et de l‟UEMOA131

. La situation est, en effet, relativement nuancée à propos de la CCJA de l‟OHADA qui a une double mission de cassation des décisions rendues par les juridictions d‟appel des Etats parties et de contrôle de l‟arbitrage institutionnalisé132

.

129. S‟agissant de l‟arbitrage en effet, l‟article 25 du traité OHADA en dégage la spécificité en ces termes : « Les sentences arbitrales rendues … ont autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions d‟Etat. Elles peuvent faire l‟objet d‟une exécution forcée en vertu d‟une décision d‟exequatur. La CCJA a seule compétence pour rendre une telle décision ».

130. Au-delà de cette fonction contentieuse, la mission d‟interprétation et

d‟application communes du droit communautaire peut aussi être exercée au moyen de la fonction consultative dévolue à la CCJA lorsqu‟elle examine les projets d‟acte

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AZAPMO (J.P.) : « Les juges camerounais et le droit communautaire en Afrique centrale », Mémoire DEA, Université de Dschang, p. 74.

132 FENEON (A.) : « Commentaire de l‟acte uniforme de l‟OHADA sur l‟arbitrage et le règlement de

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uniforme avant leur présentation et adoption éventuelles par le conseil des ministres ou lorsqu‟elle est saisie pour avis par les juridictions nationales.

En dehors du recours préjudiciel qui est une action purement juridictionnelle, la cour de justice de la CEMAC exerce aussi une fonction consultative qui est essentiellement administrative133. Cette attribution trouve son siège dans l‟article 34 de la convention régissant la Cour de justice qui prévoit que « dans son rôle consultatif, la cour de justice émet des avis sur la conformité aux normes juridiques de la CEMAC, des actes juridiques ou des projets d‟actes initiés par un Etat membre ou un organe de la CEMAC, dans les matières relevant du domaine des traités. Elle est consultée à cet effet par l‟Etat membre ou l‟organe de la CEMAC qui en est l‟initiateur ».

A travers ce contrôle par voie consultative, les juridictions supranationales de la CCJA et de la CJC contrôlent non seulement le bon fonctionnement des institutions communautaires mais également la régularité de la procédure d‟arbitrage.

B : Le contrôle de l’arbitrage institutionnalisé par les

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