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B : La compétence des arbitres investis dans la collaboration avec le juge régional

3) La compétence matérielle des arbitres

235. En matière d‟arbitrage, le rôle de l‟arbitre, personne physique est cardinal.

Le succès d‟une procédure arbitrale est lié en grande partie à sa compétence, sa disponibilité, son impartialité, son indépendance et son efficacité. Et pourtant les règles de constitution et de remaniement du tribunal arbitral sont laissés à la libre appréciation des parties, les centres institutionnels d‟arbitrage ne se substituant à elles qu‟en cas de défaillance. Si les parties ou les centres institutionnels ont besoin des arbitres qualifiés à l‟instar des Etats qui ont besoin des juges compétents et expérimentés, il est évident que ces seules qualités ne sont pas les seules garanties d‟une bonne conduite d‟un arbitrage. Encore faut-il que les arbitres désignés sachent la sphère précise de leur compétence matérielle pour se démarquer du domaine de souveraineté réservée aux Etats. C‟est la question des litiges qui sont susceptibles d‟arbitrage.

236. La question de l‟arbitralité des litiges peut être abordée sous deux facettes. D‟une part, on peut se demander si toute personne physique ou morale de droit privé ou public, peut recourir à l‟arbitrage. En d‟autres termes l‟arbitrage n‟est-il ouvert qu‟aux personnes physiques et morales de droit privé à l‟exception de celles de droit public? C‟est ce que les auteurs246 appellent l‟arbitralité subjective. D‟autre

246 Voir FOUCHARD Philippe, GAILLARD Emmanuel et GOLDMAN Bertrand « Traité de l‟arbitrage

part, il est question de savoir si telle matière précise peut être soumise à l‟arbitrage. C‟est la question de l‟arbitralité objective247

.

Le droit africain de l‟arbitrage ayant permis aux personnes morales de droit public de compromettre, la notion d‟arbitralité abordée dans cette partie de l „étude ne sera intéressante que sous son angle objectif.

237. Dans cette optique, l‟acte uniforme sur le droit de l‟arbitrage apporte une

solution qui n‟est pas parfaitement identique à celle du traité OHADA, relayé par le règlement d‟arbitrage CCJA.

Par une formule apparemment limpide mais réellement lapidaire, l‟article 2 dudit acte uniforme dispose que « toute personne physique ou morale peut recourir à l‟arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition ».

La libre disposition des droits doit s‟entendre, non seulement de l‟aptitude d‟un sujet de droit à exercer ses prérogatives au regard de sa capacité juridique mais aussi du pouvoir que lui reconnaît la loi interne de disposer librement des droits dont il est incontestablement le titulaire248. Or de nombreux droits sont déclarés indisponibles par les législations nationales des Etats parties. C‟est ainsi que l‟article 577 du code de procédure civile et commerciale de 1806 applicable dans la plupart des pays de l‟espace OHADA dispose qu‟ « on ne peut compromettre sur les dons et les aliments, logements et vêtements, sur les séparations entre mari et femme, divorces, questions d‟état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes à communication au Ministère public ».

Au delà de la non-arbitralité des litiges concernant l‟ordre public, l‟Etat et les collectivités publiques que ce texte maintient encore artificiellement puisque contraire à l‟article 2 de l‟acte uniforme précité, la vraie question est de définir à l‟intérieur du corpus, les droits dont on ne peut disposer librement. Ainsi, a-t-on la libre disposition du choix du prénom de son enfant au point de le prénommer Serpent ? A-t-on la libre disposition de son droit successoral au point de déshériter les enfants sans justes motifs ? Le premier constat est que le texte permet aux parties de disposer librement des biens de nature civile ou commerciale249. C‟est la confirmation que le droit

247

Ces deux approches peuvent avoir des points de contact dans la mesure où telles parties peuvent avoir le droit de recourir à l‟arbitrage alors que le litige qui les oppose est déclaré non arbitrable par la loi.

248

POUGOUE (P.G.), TCHAKOUA (J. M.) et FENEON (A.), op. cit, p.213 et ss.

249 LEBOULANGER, (Ph.) : « L‟arbitrage et l‟harmonisation du droit des affaires en Afrique », Revue

Université Panthéon-Assas

africain ne limite pas l‟arbitrage à la matière commerciale. Le deuxième constat révèle plutôt une difficulté. Peut-on librement arbitrer tous les droits matrimoniaux et successoraux?

A première vue, on est tenté de dire qu‟on ne peut soumettre à l‟arbitrage que les questions d‟ordre patrimonial dont on a la libre disposition. La dévolution successorale, l‟état des personnes ne seraient pas arbitrables alors que le partage des successions qui en est la conséquence patrimoniale pourrait être arbitrable. Cette interprétation n‟est pas originale car en Afrique du Sud, possibilité est offerte aux parties de recourir à l‟arbitrage dans le règlement des difficultés liées à l‟exécution des successions quand ce recours est prévu dans le testament250

.

L‟incertitude sur les définitions et classifications théoriques des droits dont on a la libre disposition pourrait influencer l‟interprétation du texte de l‟article 2 de l‟acte uniforme concerné par la jurisprudence.

238. La difficulté n‟est pas moindre dans l‟arbitrage CCJA où la notion de « différend d‟ordre contractuel » ouvre probablement un champ plus large de la question d‟arbitralité du litige. L‟article 2.1 du règlement d‟arbitrage CCJA qui rap«pelle l‟article 21 du traité OHADA précise simplement que toute partie à un contrat peut soumettre à l‟arbitrage un différend d‟ « d‟ordre contractuel ».

Les litiges ou différends arbitrables au sens de cette disposition doivent donc être d‟origine contractuelle. En effet, cette notion permet de soumettre à l‟arbitrage CCJA non seulement les litiges commerciaux, mais aussi les litiges civils dans les limites prévues par la loi applicable251. Toutefois, reprenant la réserve développée ci- dessus par l‟acte uniforme, on ne saurait compromettre en matière civile, sur une recherche de paternité, sur la validité d‟un mariage, sur la question de divorce. La CCJA sera donc saisie en matière d‟arbitrage lorsque le différend aura son origine dans un contrat et en vertu d‟une cause compromissoire ou d‟un compromis d‟arbitrage liant les parties. Il faudra enfin que le contrat litigieux soit à exécuter ou ait été exécuté en tout ou partie dans l‟un au moins des pays de l‟espace OHADA ou que l‟une des parties au contrat ait son domicile ou sa résidence habituelle dans l‟un desdits pays.

Bien que consacrant ainsi un domaine suffisamment large à l‟arbitralité des litiges, le règlement CCJA reste tout de même plus limité que la Convention de New

250

LABOULANGER (Ph.), op. cit. p. 103.

York dont l‟article 2.1 vise à la fois les différends résultant d‟un rapport de droit contractuel ou non contractuel252.

239. Dans l‟ensemble, les questions sur lesquelles l‟exclusion de la compétence des arbitres est raisonnable devraient être celles où la souveraineté de l‟Etat empêche logiquement l‟intervention d‟un juge privé. L‟état et la capacité des personnes en sont des exemples patents. Un raccourci pourrait même consister à retenir la patrimonialité comme critère essentielle de l‟arbitralité objective. Alors les sentences arbitrales se mettraient du point de vue de la compétence des arbitres et de la régularité des procédures arbitrales, à l‟abri des critiques qui ont souvent justifié l‟intervention des juges étatiques ou régionaux.

Quoi qu‟il en soit, l‟intervention exceptionnelle du juge étatique ne doit être comprise que comme une onction salutaire à la procédure arbitrale qui menaçait de s‟enliser.

Une collaboration semblable est d‟ailleurs aussi prévue entre les juges nationaux et leurs collègues communautaires pour assurer l‟unité d‟interprétation et d‟application du droit communautaire.

Paragraphe 2 : Le partage des compétences en matière

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