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B : Les compétences d’attribution de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

177. La CCJA, seule juridiction communautaire de l‟OHADA qui ne souffre pas de l‟éclatement en chambres comme les Cours de la CEMAC, a son siège à Abidjan en Côte d‟Ivoire. Elle a une nature hybride en ce qu‟elle exerce à la fois des fonctions consultatives et administratives195 et des fonctions judiciaires.

Les fonctions judiciaires que la cour exerce à titre principal sont relatives au contrôle de l‟application du traité, des règlements, des actes uniformes et des décisions.

Dans l‟exercice de ces fonctions juridictionnelles, des compétences concourant à préserver la cohérence et l‟unité du droit uniformisé des affaires sont attribuées à la CCJA.

Toutefois, cette compétence matérielle de la Cour est distinctement répartie suivant qu‟il s‟agit du contentieux du traité (1) ou de celui des actes uniformes (2)196

.

1) Les compétences de la CCJA en cas de violation du Traité

178. L‟article 14 alinéa 1 nouveau du traité OHADA confie globalement à la CCJA compétence pour assurer dans les Etats parties, l‟interprétation et l‟application commune du traité, des règlements pris pour son application, des actes uniformes et des décisions.

La principale modification de cet article 14 nouveau a consisté à donner compétence à la CCJA pour assurer également l‟interprétation et l‟application des décisions prises par la conférence des chefs d‟Etat et de gouvernement, institution nouvellement créée pour statuer sur toute question relative au traité.

179. En revanche, la question du niveau d‟intervention de la CCJA n‟a pas été

totalement résolue par la révision du 17 octobre 2008 qui a plutôt suscité une nouvelle question relative à la nature de l‟intervention.

195 Les fonctions administratives de la CCJA consistent à gérer le centre d‟arbitrage OHADA et à

organiser administrativement cette Cour.

196 DIALLO (B.) : « La Cour Commune de Justice et d‟Arbitrage et le contentieux des actes

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S‟agissant en effet du niveau d‟intervention de la CCJA, la réponse demeure divergente suivant que la violation concerne le traité lui-même, les décisions y relatives, les règlements d‟application ou les actes uniformes.

Le traité étant adopté par la conférence des chefs d‟Etat et de gouvernement qui est l‟instance suprême de l‟OHADA197

, sa violation ne peut éventuellement être sanctionnée en premier et dernier ressort que par la CCJA qui est l‟instance juridictionnelle suprême de cette organisation. Il en est de même des décisions subséquentes prises par consensus ou à la majorité absolue des Etats par les mêmes chefs d‟Etat statuant désormais sur toute question relative au traité.

Les règlements pour l‟application du traité étant pris par le Conseil des ministres, le suivi de leur interprétation ou application devrait être assuré en premier ressort par la Conférence des chefs d‟Etat et en dernier ressort par la CCJA. Si a contrario il est admis que les règlements font partie intégrante du traité198, leur violation ne pourrait être sanctionnée en dernier ressort que par la CCJA. En effet, s‟ils sont admis comme partie intégrante du traité, les règlements subissent dès lors le même sort contrairement aux actes uniformes dont l‟application et l‟interprétation sont d‟abord assurées par les juridictions nationales et ensuite par celles supranationales. Cela est autant plus vrai que les justiciables sont uniquement concernés par le droit substantiel porté dans les actes uniformes et non par le traité et les règlements qui en constituent les textes d‟application.

En effet, les dispositions univoques des articles 13 et 14 du traité ont toujours donné compétence exclusive à la CCJA pour statuer en troisième et dernier ressort sur les cas de violation des actes uniformes.

197 Le préambule et l‟article 61 du traité permettent de comprendre sans équivoque que seule la

conférence des chefs d‟Etat et de gouvernement adopte le traité, l‟amende ou le révise le cas échéant. Cela n‟empêche pas aux autres institutions théoriquement soumises à l‟instance suprême qu‟est la conférence des chefs d‟Etat d‟exercer des compétences propres qu‟elles tirent aussi des textes constitutifs de l‟OHADA.

198 L‟interprétation restrictive de l‟article 4 du traité émet quelques réserves sur la tendance majoritaire

180. S‟agissant de la nature de l‟intervention de la CCJA, il est aisé de penser qu‟elle ne peut donner que des directives sur l‟interprétation ou l‟application de la disposition violée du traité ou du règlement199. Il ne peut en être que de même des décisions prises par la conférence des chefs d‟Etat et de gouvernement sur toute question relative au traité. En effet, pour obliger les Etats et leurs institutions à respecter leurs engagements vis-à-vis de la communauté, les sanctions administratives, politiques ou financières sont toujours plus efficaces que les sanctions judiciaires difficilement exécutables contre les Etats.

En revanche, lorsqu‟il s‟agit des actes uniformes, un contrôle juridictionnel est suffisant pour sanctionner leur violation par les personnes physiques ou morales de droit privé essentiellement.

2) Les compétences de la CCJA en cas de violation des actes uniformes

181. Le contentieux découlant de l‟interprétation ou de l‟application des actes uniformes peut connaître son issue par la voie arbitrale ou par la voie judiciaire.

En ce qui concerne cette dernière hypothèse, les juridictions nationales de premier et second degré statuent à charge d‟un pourvoi en cassation devant la CCJA. En cas de rejet du pourvoi, la décision déférée reçoit application alors qu‟en cas de cassation, la cour évoque l‟affaire et statue en fait et en droit sans renvoi à une quelconque juridiction nationale de fond comme ce fut le cas de la plupart des cours suprêmes des Etats parties avant l‟OHADA200. En effet, l‟article 13 du traité charge les juridictions d‟instance et d‟appel des Etats parties de régler successivement en premier et second lieu, le contentieux relatif à l‟application des actes uniformes tandis que l‟article 14 alinéas 4,5 et 6 nouveaux donne compétence

199 Ces directives peuvent prendre la forme des avis consultatifs dès lors que l‟article 14 al. 3 nouveau

donne la possibilité à la cour, même lorsqu‟elle est déjà saisie d‟un recours en cassation, d‟être consultée par tout Etat partie, par le conseil des ministres ou même par les juridictions nationales sur toute question entrant dans le champ de l‟article 14 alinéa 1er

. Cet avis consultatif précèdera probablement les directives qu‟elle peut donner dans les cas de violation du traité, des règlements ou des décisions de la conférence des chefs d‟Etat et les décisions juridictionnelles qu‟elle peut prendre en cas de violation des actes uniformes.

200 Avant l‟OHADA, seule la Cour suprême de Côte d‟Ivoire statuait déjà en fait et en droit en raison du

pouvoir d‟évocation qui lui était confié en toute matière. Jusqu‟à nos jours, la Cour suprême du Cameroun n‟a ce pouvoir qu‟en matière répressive.

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exclusive à la CCJA pour connaître en dernier ressort, des pourvois contre lesdites décisions.

Dès lors qu‟en cas de cassation elle peut évoquer et statuer sur le fond, la décision de la cour est, sous réserve des voies de recours extraordinaires, définitive et ne saurait être remise en cause devant une juridiction nationale, fût-ce la Cour suprême201.

182. Pour renforcer la compétence exclusive de la CCJA en ces matières, trois modalités soulignent l‟incompétence des juridictions suprêmes nationales à connaître du contentieux relatif à l‟interprétation et l‟application du droit communautaire. Ces modalités sont relatives à l‟incompétence relevée d‟office ou par les parties et à la suspension des procédures internes.

S‟agissant de la première modalité, toute juridiction nationale statuant en cassation sur une affaire soulevant des questions relatives à l‟application des actes uniformes se voit imposée l‟obligation de saisir par renvoi la CCJA, qui a seule compétence dans ce domaine (article 15 du traité). Il s‟agit ici d‟une obligation et non d‟une faculté de la juridiction de cassation nationale. Dans ce cas, la juridiction de cassation nationale est immédiatement dessaisie de l‟affaire, avec obligation de transmettre l‟ensemble du dossier à la CCJA, accompagné d‟une copie de la décision de renvoi. Au terme de l‟article 51 du règlement de procédure, les parties sont avisées de cette transmission par la CCJA.

La deuxième modalité résulte de l‟article 18 du traité selon lequel la CCJA peut être saisie a posteriori, alors même qu‟une juridiction de cassation nationale a statué au mépris d‟un incident de compétence. La partie qui invoque cet incident peut même, après le prononcé de la décision et dans un délai de deux mois à compter de la décision contestée, saisir la CCJA. Ce recours tend à l‟annulation de la décision querellée par la CCJA. Si la CCJA décide que cette juridiction s‟est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue.

Quant à la troisième modalité, la saisine de la CCJA suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. La procédure ne peut reprendre qu‟après que la CCJA se sera déclarée incompétente

201

pour connaître de l‟affaire, l‟article 16 du traité précisant par ailleurs que la suspension n‟affecte pas les procédures d‟exécution202

.

183. La revue que nous venons de faire des compétences dévolues par la loi aux Cours supranationales traduit le principe d‟intangibilité203

des attributions de ces cours qui interdit, à quelques exceptions près, au juge interne de s‟immiscer dans le domaine réservé au juge supranational. Cette interdiction d‟immixtion est d‟autant plus possible et compréhensible que ce juge interne possède également des compétences qui lui sont exclusivement attribuées par la loi.

Paragraphe 2 : Les compétences d’attribution exclusives des

juridictions nationales

184. Le vaste domaine de compétence matérielle du juge communautaire précédemment dégagé entame-t-il le règne du juge national ? La réponse négative est évidente car l‟avènement du droit communautaire accroît plutôt ses pouvoirs. C‟est ainsi qu‟il est désormais juge du droit communautaire, juge de son traditionnel droit national et même juge des litiges mettant aux prises la Communauté et les tiers aux traités204.

185. Dans le domaine strictement communautaire, l‟architecture juridictionnelle actuelle consacre également un accroissement assez considérable des fonctions du juge national en les faisant relever du vaste domaine du droit matériel. Mais à la vérité, ce domaine n‟est vaste qu‟autant qu‟il intègre les matières relevant à la fois de la compétence des juridictions communautaires et de celles des juridictions nationales au nom de la complémentarité prescrite entre elles. Mais en dehors des cas où la coopération est prescrite entre les deux juges, la compétence exclusive des juridictions nationales est ramenée à des justes proportions ou plus exactement est mieux encadrée. Mais avant de traiter de la classification des matières relevant de la compétence exclusive du juge national (B), il est important

202

TJOUEN Alex François : « Les rapports entre les juridictions suprêmes nationales et la Cour Commune de Justice et d‟Arbitrage de l‟Organisation pour l‟Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires », Thèse de doctorat, Université de Panthéon Assas (Paris II), 15 novembre 2006, pp. 230 et ss.

203 Sur la notion d‟intangibilité, voir MINKOA SHE (A) « Droits de l‟homme et droit pénal au

Cameroun », Economica, 1999, p. 64 et ss.

204

CARREAU (D.) : « Droit communautaire et droits nationaux : concurrence ou primauté ? », PTDC, 1978, pp. 281 et ss.

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d‟identifier préalablement les juridictions nationales concernées par cette compétence exclusive (A).

A : L’identification des juridictions nationales concernées par

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