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2.1 2002, l'année du Consortium

des 3 continents, pour une somme de 34 500 € 212 (session jusqu’en 2011), à

laquelle viennent s’ajouter des frais de négociation par un avocat d’un montant de 9300 €. De plus, comme le montre l’extrait présenté précédemment, le licenciement de Guillaume Marion a aussi un coût pour le festival (22 000 €). Même si la ville de Nantes vote une subvention exceptionnelle de 61 000 €, le festival ne peut espérer redresser ses comptes pour l’édition 2008213, le directeur général travaille sur une

hypothèse de budget qui générera 30 000 € de déficit supplémentaire. Ainsi, la 30ème

édition se prépare dans la douleur. Philippe Reilhac doit composer avec des salariés éprouvés, le nouveau président Georges Cavalié (toujours président à l’heure actuelle), doit travailler d’arrache-pied avec l’équipe associative pour trouver des postes d’économie.

4.3 L'année où Produire au Sud n'eut pas lieu à Nantes (2009)

À l’Assemblée Générale de 2008214, le déficit cumulé atteint 183 000 € (les

sommes qui avaient été injectées artificiellement dans la trésorerie en provenance du FACMAS ont été ôtées des lignes budgétaires). Les relations avec Alain Jalladeau, encore programmateur avec Jérôme Baron, se sont dégradées également. Le frère fondateur s’absente pendant deux semaines, peu avant le festival, au moment où il y a besoin de lui, ce qui lui est fortement reproché par l’association. Il semble qu’il quitte le festival à ce moment-là215. En fait, les contrats des deux directeurs

artistiques ne sont simplement pas renouvelés au 15 décembre 2008 et il apparaît aussi que les représentants de la ville de Nantes ont poussé en ce sens. Des mentions en sont faites dans des comptes-rendus et dans la presse216. La sphère

politique locale a ainsi pris part aux changements qu’elle estime nécessaire au F3C et a souhaité le départ des fondateurs, jugés trop âgés et incontrôlables.

C’est certainement à cette période qu’Élise Jalladeau, qui a déjà fondé sa société de production Charivari Films en 2005 va quitter Produire au Sud. Elle sera ensuite engagée dans une autre plate-forme européenne (EAVE) pour organiser des formations du même type que celles dispensées par l’atelier nantais, elle a

212 Document d’Archives du F3C, CRCA092008, Compte-rendu du Conseil d’Administration, 05/09/2008, (préparation de la 30ème édition en 2008).

213 Document d’Archives du F3C, CRCA092008, op. cit.

214 Document d’Archives du F3C, CRAG2008, Compte-rendu de l’Assemblée Générale, 17/06/2008. 215 Document d’Archives du F3C, CRCA092008, op. cit.

216PROP Satyajit, « Seuls au monde. Les frères Pétard », La lettre à Lulu, décembre 2008, http://www.lalettrealulu.com/Seuls-au-monde-Les-freres-Petard_a1767.html, (consulté le 30/03/2016) ; MANDELBAUM Jacques, «Crise de succession au Festival des trois continents », Le Monde, 11 décembre 2008, http://www.lemonde.fr/cinema/article/2008/12/11/crise-de-succession-au-festival-des-3- continents_1129830_3476.html, (consulté le 28/03/2016).

récemment obtenu le poste de directrice du festival de Thessalonique en Grèce217. On

peut penser que ses liens familiaux avec les deux créateurs ont aussi joué un rôle dans ce départ. Elle évoque le moment du conflit et ses effets sur Produire au

Sud :

« EJ : Je crois que le festival a traversé une période où il y a eu une sorte de problème de gouvernance. Si vous voulez, ce marché, parce que c'est quand même un marché les ateliers, a été pris par d'autres qui n'avaient pas forcément le réseau à l'international en dehors de l'Europe, mais qui étaient plus à même de répondre à des appels d'offre européens, notamment Media Mundus218. Ils ont capté des budgets […] très

conséquents pour développer des offres sur le monde entier. C'était une période de grosse instabilité, où il y a eu des personnes assez néfastes à la tête du festival et ils ont loupé le coche. Je crois que c'est dommage, parce que maintenant, Produire au Sud a une expérience, une expertise, une antériorité et un réseau international etc., mais ils auraient pu être beaucoup plus à l'aise financièrement si à l'époque on avait su se vendre219. »

On note bien ici à quel point les problèmes de direction au F3C, les querelles, handicapent l’atelier dans son développement, alors que d’autres structures vont réussir à se placer. Pour autant, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, comme l’illustre la période plus récente de l’histoire de l’atelier, portée par Guillaume Mainguet.

En ce qui concerne les finances, les problèmes s’intensifient. Le ministère des Affaires étrangères se saisit du dossier FACMAS et réclame à présent des justifications sur la gestion des aides versées aux bénéficiaires africains. Certains cinéastes ayant reçu un financement n’ont en effet pas livré leurs courts métrages. Cela met une pression importante sur l’association qui se trouve, de surcroît, en 217 Cette nomination est tombée en mars 2016. PROIMAKIS Joséphine, « Élise Jalladeau est nommée directrice du festival de Thessalonique », Cineuropa, 23/03/2016, http://cineuropa.org/nw.aspx? t=newsdetail&l=fr&did=306551, (consulté le 17/04/2016).

218 Media Mundus est un programme européen de 2011 à 2013, dont un des volets était de financer des structures proposant des formations aux professionnels étrangers :

« Échanges d’information, formation et connaissance du marché

Dans le cadre du programme, les professionnels européens et de pays tiers se rencontrent en vue d’améliorer leur compréhension de leurs marchés audiovisuels respectifs, notamment en matière de conditions d’exploitation, de cadres juridiques de systèmes de financements et de possibilités de coopération.

Il s'agit de mettre en place des formations professionnelles axées sur :

• les conditions de production, coproduction, distribution, exploitation et diffusion des œuvres audiovisuelles à l'échelle internationale;

l'intégration des nouvelles technologies dans l'ensemble de la chaîne de valeur (production, post- production, distribution, marketing et archivage). », « Programme MEDIA Mundus de coopération audiovisuelle avec les professionnels des pays tiers 2011-2013 », EUR-Lex, http://eur- lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Aam0003, (consulté le 30/04/2016).

quelque sorte taxée de mauvaise gestion des fonds publics. De plus, les litiges avec Guillaume Marion et Philippe Jalladeau ont pesé lourd dans le budget ainsi que la rémunération élevée du poste du nouveau Directeur Général ; et les perspectives ne sont pas bonnes. Les collectivités territoriales tirent la sonnette d’alarme car elles ne vont pas être à même de financer le déficit du festival encore longtemps. Elles le soutiennent et manifestent leur attachement, voire augmentent leurs subventions, mais d’autres partenaires privés se désengagent dans le même temps, ne permettant pas de résorber un tant soit peu le déficit. Un choix discutable est opéré par Philippe Reilhac pour redresser le budget. Préférant opter pour une ligne de prestige et défendant l’idée que c’est le festival en lui-même qu’il faut sauver avant toute chose, il prend le parti d’annuler l’édition nantaise 2009 de Produire au Sud (dont le budget pèse 52 000 €, comparé à 460 000€ pour le festival). Toutefois, les processus de sélection sont allés jusqu’au bout pour l’atelier, les invitations officielles ont déjà été envoyées. Il faut alors annoncer aux porteurs des projets sélectionnés qu’il ne seront pas accueillis à Nantes, ainsi qu’aux intervenants. C’est Élodie Ferrer qui se charge de cette tâche difficile. L’image de Produire au Sud et du festival en souffre. C’est un coup très dur pour l’atelier dont les sessions à l’étranger (Nairobi au Kenya et Recife au Brésil), n’ont pas été impactées pour autant et se sont tenues comme prévu. Dans cette période plutôt noire, arrive une « agréable surprise », l’édition 2009 du festival nantais est plutôt mieux réussie qu’espéré et cela donne envie aux membres de l’association de continuer à se battre. Un plan de redressement drastique va être mis en place par l’équipe de Georges Cavalié. Le Conseil d’Administration vote la consultation d’une structure extérieure à l’association pour réaliser un diagnostic conseil début 2010, fortement poussé par les collectivités territoriales. C’est l’agence Catalys220 qui est choisie pour mener l’audit et le

redressement du F3C. La conclusion est que la masse salariale pèse beaucoup trop lourd et que le festival n’est pas assez rigoureux et n’a pas une culture de maîtrise des dépenses.

Philippe Reilhac, qui avait été présenté comme un sauveur se révèle un assez mauvais dirigeant. Il s’entend très mal avec l’équipe. Il propose sa démission qui est acceptée au 13 mars 2010221.

« Quand Philippe [Reilhac] s'en va, c’est à fond de cale et avec un gros coup de pied au derrière, c'est-à-dire que la structure a compris le mal qu'il a fait sur le terrain financier,

220 Agence Catalys, a fait un audit de la gestion des comptes et du personnel pour tenter de les optimiser et que le festival retrouve une situation saine. « Qui sommes-nous ? Nos valeurs », Catalys, http://www.catalys-conseil.fr/Nos-valeurs_a35.html, (consulté le 30/04/2016).

mais aussi sur le terrain des ressources humaines. Au moment de son entrée, on est encore cinq ou six et au moment où il s'en va, je suis le seul.

KL : Tout le monde est parti. Il a lancé des procédures de licenciement abusives, il a fait des choses par réglementaires. Et si j'ai bien compris, il y a eu aussi une baisse des recettes publicitaires avec les changements liés à l'Internet, moins de spectateurs sur l'édition 2007...

GM : Et le fait de payer la petite "escroquerie" de Philippe Jalladeau, sur le terrain de sa marque. À partir du moment où il a su qu'il allait partir, que ça se décidait, il y avait quelque chose dans l'ambiance qui disait "exit" de toute façon. Ils [les frères] voulaient partir avec fracas, sans transmettre rien du tout, sans laisser leur carnet d'adresses et si possible en tirant tout ce qu'ils pouvaient tirer à eux. D'une structure qu'ils ont mis sur pied et dont ils ont fait les grands jours, ils sont passés à l'inverse totale, c'est l'amour-haine. Ou après nous le déluge, si la structure meurt, nous on a fait notre travail. Tout ça a été violent222. »

Cette décision de départ de Philippe Reilhac a été prise en accord avec le F3C, ou en tout cas, la mésentente entre le Directeur Général et l’association est minimisée dans les comptes-rendus223. Il est licencié sur la base de motifs

économiques, que justifie pleinement la situation financière du festival. L’enchaînement des événements, tels que nous avons pu les reconstituer au travers des documents d’archives, les articles de journaux et les entretiens ont reçu la validation de Guillaume Mainguet224. La crise du F3C aura donc fortement déstabilisé

l’atelier Produire au Sud, l’anéantissant presque. Heureusement, il arrivera, contre toute attente, la rencontre entre un homme et un projet, dans une adéquation humaine et professionnelle vertueuse, qui sauvera l’atelier et lui donnera même un nouveau souffle.

5. L'évolution récente de l'atelier et les perspectives (2010-

2016)