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1 1.2 Budget de la manifestation

1.1.5 Compte-rendu du premier atelier

Il n'a pas été retrouvé de supports pédagogiques ou de dossiers relatant le contenu exact des différentes séances de travail, en dehors de celles du colloque, bien qu'un programme très détaillé de la partie nantaise de la formation ait été conservé. Les différents temps de ce programme vont dans le sens défendu par les trois protagonistes les plus anciens de l'atelier, soit une introduction pour « débutants » aux problématiques de la coproduction86. Les sessions fonctionnent

dans leur majorité selon un système de conférence ou de tables rondes. Donc, entre le 22 et le 28 novembre 2000, peu ou pas de place ne semble avoir été laissée à des entretiens individuels, en tout cas, ils n'apparaissent pas dans le planning général. Toutefois, le bilan de stage de Brice Brun Vodouhé (l'un des premiers producteurs participant à Produire au Sud, originaire du Bénin) mentionne, parmi les intervenants producteurs un « parrain » attribué à chaque participant. Donc, des échanges individuels ont dû avoir lieu, mais peut-être n'ont-ils pas été formalisés. Le reste du séminaire a été consacré aux visites parisiennes, sans qu'on ait plus de traces de la façon dont les participants ont été accueillis, ni dans quel ordre ils ont été reçus au CNC, dans les laboratoires de post-production ou les studios. Ce qui est certain, c'est que hormis Bridget Pickering, qui a quitté l'atelier pour rejoindre la Namibie à cause de problèmes professionnels liés à un tournage, tous les participants ont assisté à l'ensemble du séminaire à Nantes et à Paris. Dominique P. Chastres, dans son compte-rendu, mentionne le départ fâcheux de Bridget Pickering87. Il y a d'ailleurs dans les archives une copie de courriels postérieurs à

l'atelier, où elle présente ses excuses pour son départ précipité. Le conseiller culturel précise d'autres points, notamment que des séances individuelles autour de la production et des scénarios ont bien été réalisées, mais aucune grille n'est disponible pour se rendre compte de la façon dont elles ont pu être agencées.

84 Entretien de l'auteur avec Claire Lajoumard du 10/12/2015. En Annexes, Entretiens pp. 69-78.

85 Document d’Archives A 12, Dominique P. Chastres, Remarques sur le stage de formation des producteurs des 3 continents, 2001.

86 Document d’Archives A 70, Programme définitif de l’atelier Produire au Sud, 2000.Annexes pp. 13-15. 87 Si nous ne nous trompons pas, c'est la seule fois où quelqu'un aura dû quitter le dispositif avant la fin.

Le bilan du Conseiller de Coopération Culturelle Dominique P. Chastres est très positif par rapport à l'atelier même s'il sait faire preuve de sens critique. Il estime que l'apport de ce type d'ateliers est important et que « le manque de professionnels qui affecte la plupart des pays du Sud, ainsi que les méthodes "économiques" selon lesquelles sont montées les productions compromettent l'avenir du cinéma dans ces pays. » Aussi, il conclut que la formation Produire au Sud ne peut qu'être bénéfique aux cinématographies naissantes ou renaissantes de ces pays.

Dominique P. Chastres préconise de donner plus d'ampleur à Produire au

Sud en augmentant le budget global de la manifestation de 100%. Il propose aussi

d'essayer de faire le lien entre les participants à Produire au Sud et les participants au festival qui n'ont eu que peu de contacts pendant la formation. Il note que

Produire au Sud est un complément adéquat et dynamique au F3C, dans l'esprit du

festival, dans sa droite ligne. Il envisage une préparation de l'atelier quatre mois en amont, avec un colloque plus axé sur les problématiques du droit des médias et de l'audiovisuel dans le monde, par exemple. Il indique que le thème de la production entre Nord et Sud qui a nourri la réflexion du colloque pourrait être un thème récurrent qui pourrait être repris tous les trois ans, quand d'autres thèmes (l'écriture, la diffusion) serviraient de base aux échanges ouverts au public.

Même si la plupart d'entre eux estiment avoir beaucoup appris durant le séminaire à Nantes et à Paris et pensent qu'ils vont pouvoir réinvestir leurs nouvelles connaissances dans leurs pratiques professionnelles, le bilan des participants est plus nuancé que celui du conseiller culturel et certains d'entre eux remettent même en cause le Fonds Sud ou les intentions des organisateurs du F3C, tel que le relate Dominique P. Chastres dans son compte-rendu :

« Les participants se sont montrés très critiques envers ces fonds, qui, selon eux, privilégient quand même les "copains", répondent de façon dissimulée aux exigences du Nord et ne sont pas transparents. Au cours de la séance d'évaluation, le dernier jour du séminaire, ils sont allés jusqu'à questionner les organisateurs sur leurs véritables motivations : pourquoi le F3C, dont l'avenir s'annonce difficile, à l'heure où Hollywood n'a jamais été aussi puissant, pourquoi un stage pour aider des producteurs du Sud sans avenir véritables88 ? »

On s’interroge sur la réception des propositions des programmes d’aides européens vers les pays du Sud, sur la façon dont les professionnels peuvent les percevoir. Une certaine méfiance envers les organisateurs du F3C et Produire au

Sud a été exprimée ici, liée à une incompréhension sur les motifs de soutien de

l’Europe envers les autres pays du monde. Les retours des participants à Produire

au Sud nourriront la réflexion des responsables de l’atelier, qui évolueront encore

dans leur manière de présenter les choses. Cette méfiance vis à vis des systèmes d'aide français et européen et le questionnement sur les motivations des organisateurs pour la défense de la diversité culturelle et la lutte contre le tout Hollywood est compréhensible au vu de la présence institutionnelle au sein de la formation, dans une attitude qui pourrait être interprétée comme post-coloniale ou du moins prescriptive. Toutefois, celle-ci se trouve explicitée à partir du moment où on comprend les arguments d'Élise Jalladeau et qu'on intègre le fait que soutenir la diversité culturelle est aussi une manière pour la France et les autres pays d'Europe de continuer à vivre cinématographiquement face à la menace américaine. D’une certaine manière, la France et l’Europe se « servent » des autres pays du monde pour résister à la domination américaine et offrent une occasion aux nouvelles cinématographies d’exister. Il est compréhensible que certains participants se soient trouvés submergés par la présence d'institutionnels et de grands discours, tant à Nantes qu'à Paris, et aient pu douter de la sincérité de la démarche, qui semble un peu plaquée voire imposée de la part des Européens.

Pour les cinéastes du Sud, la problématique de la domination hollywoodienne n'est qu'un élément lointain et pratiquement secondaire. Ils se préoccupent au premier chef de la construction ou reconstruction de projets cinématographiques dans leurs territoires culturellement asséchés ou politiquement contraints.