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Le Brésil et l’Argentine sont les deux plus gros producteurs de films de la région, mais le cinéma brésilien souffre de reconnaissance internationale, tandis que les cinémas argentin ou mexicain ont un rayonnement plus important. La difficulté majeure pour toutes ces cinématographies, qui les rapprochent de nos problématiques françaises et européennes, est la nécessaire « résistance » des cinématographies locales au géant américain qui domine de façon écrasante les marchés nationaux. On se réfère à un article de l’INA sur le cinéma brésilien et sud- américain pour les chiffres et les comparaisons entre pays de la région.

Nombre de films produits et ce qu’ils pèsent en terme de parts de marché national UNESCO Institue for Statistics (UIS), Données 2012273.

On comprend grâce à ces chiffres que les productions nationales sont en fait vues en minorité par les populations locales et représentent peu de parts de marchés vis à vis des productions nord-américaines. Le tableau suivant permet de comparer ces parts de marché à celles d’autres pays du globe. Il remet en perspective l’idée de

Produire au Sud comme instrument de défense de la diversité culturelle telle que

l’avait présentée Élise Jalladeau au départ de l’atelier, toujours d’actualité.

La présentation permet aussi au passage de voir où se situe la France, avec sa politique culturelle très forte portée par le CNC, par rapport aux autres nations. Une autre donnée remarquable est l’imperméabilité de certaines nations aux cinématographies étrangères, comme le Japon (49 %) ou la Corée du Sud (59%) ou encore l’Inde, dont les productions nationales représentent 90 % des parts de marché du pays.

273Chiffres présentés dans l’article de RUFI Emmanuelle, « Les Chiffres en trompe-l’œil du cinéma brésilien », Institut National de l’Audiovisuel, INA Global, 21/04/2014, http://www.inaglobal.fr/cinema/article/les- chiffres-en-trompe-l-oeil-du-cinema-bresilien, (consulté le 12/05/2016).

Pourcentage de parts de marché nationales, UNESCO Institute for Statistics (UIS), données 2012274

Pour finir sur ce court portrait des industries sud-américaines dont les ressortissants proposent le plus de candidatures à Produire au Sud, on peut noter pour le Brésil un chiffre intéressant, celui de 9 % de la population seulement qui est déjà allée au cinéma. Le potentiel de développement de ce marché est donc énorme et la production indépendante brésilienne doit trouver des forces et des appuis pour le conquérir.

Ina Global, chiffres de 2013275

274 Emmanuelle Rufi, « Les Chiffres en trompe-l’œil du cinéma brésilien », op. cit. 275 Ibid.

Pour la Colombie, le marché du cinéma s’est restreint ses dernières années et les productions nationales (souvent des comédies ou histoires violentes) ne semblent pas remporter l’adhésion de la population. Citons cet article de María Paula Martínez

,

d’El Espectador de Bogotá, repris dans Courrier International :

« Nouvelle loi sur le cinéma, production de longs-métrages en cascade… Nous assistons au décollage d’une industrie qui promet de faire de la Colombie la Mecque sud- américaine de la pellicule. Sauf qu’il y a un problème : le cinéma attire aujourd’hui deux fois moins de monde qu’en 1998.

Nous, les Colombiens, n’aimons pas aller au cinéma. C’est du moins ce que montre la dernière enquête de consommation en date, qui place le cinéma en dernière place des médias consommés par les personnes interrogées, derrière la télévision, la radio, les magazines, Internet et la presse. Le combat de l’industrie cinématographique en Colombie n’est pas seulement une question de production et d’accès, mais aussi de plaisir et de popularité. Car on produit aujourd’hui deux fois plus de films qu’il y a cinq ans, les salles de projection se multiplient et le prix du billet est comparativement meilleur marché qu’il y a dix ans (la place s’achète à partir de 3 000 pesos colombiens [soit 1,30 euros]). Nous assistons à un âge d’or de l’industrie nationale, or nous apprécions peu le septième art en Colombie, et encore moins les films colombiens. L’industrie se développe rapidement : 12 films sont sortis sur les écrans en 2010, 18 en 2011 et plus de 30 sont prévus pour 2012276. »

L’article décrit les films colombiens comme très violents. Le public n’est pas au rendez-vous. Le rôle de plates-formes comme Produire au Sud est peut-être d’aider les producteurs et réalisateurs colombiens à trouver des histoires différentes, qui leur permettraient de gagner les faveurs du public local. Quatre projets ont été accueillis à Nantes jusqu’ici.

Il est possible de tirer comme enseignement de cette répartition des candidatures globales qu’elles sont le reflet de l’énergie qui se dégage des cinématographies nationales, mais que l’atelier Produire au Sud veille à ne pas trop avantager ces géants et préserve une démarche d’ouverture et d’appui aux territoires qui en ont le plus besoin en restant attentif à la qualité des projets présentés. Guillaume Mainguet précise ces choix de sélection :

« De la même manière que les années précédentes, [on décide de] sélectionner un projet du Tadjikistan, d'Haïti, sachant que les films n'existeront probablement pas, vu leur

276 MARTÍNEZ María Paula, « En Colombie, le 7ème art se cherche encore », El Espectador Bogotá, 12/12/2012,

repris par Courrier International, http://www.courrierinternational.com/article/2012/12/13/en-colombie-le- septieme-art-se-cherche-encore, (consulté le 31/05/2016).

petite envergure. Mais le choix au moment de la sélection se porte aussi sur ces projets-là parce qu'on sait que le rôle que j'ai désigné à Produire au Sud c'est à moment donné d'envoyer un signal à un territoire, de faire en sorte qu'une étincelle soit lancée277. »

1.4. Les ateliers à l’étranger

Aller soutenir les cinéastes et producteurs au plus près, pouvoir accompagner des projets de moindre envergure parfois, mais tout aussi importants pour l’écosystème des cinématographies locales et toucher un public de professionnels plus large. Les missions des Produire au Sud à l’étranger sont ici résumées. Cette section va étudier la sélection des Produire au Sud in situ et son impact.

Quand on examine de plus près les films qui sont passés par les ateliers

Produire au Sud, on en déduit que l’attention à l’Afrique s’est vraiment développée

récemment, à partir de 2009 et l’atelier de Nairobi au Kenya, et surtout depuis que le partenariat avec Durban est en place (2012). Auparavant, un seul atelier s’était tenu en Afrique, à Alger, en 2004 (malheureusement, on n’a aucune trace des projets accueillis). Même s’il joue comme une présélection pour l’atelier nantais, le volet

Produire au Sud de Durban est un incubateur de talents africains. Quoi qu’il en

soit, on peut penser que l’Afrique est le continent où Produire au Sud devrait le plus travailler et où les besoins sont encore les plus importants. Seulement 13 projets sont répertoriés dans les Produire au Sud à l’étranger, pour l’Afrique, qui sont portés par des professionnels de neuf pays de la zone.

En ce qui concerne l’Asie, le travail avait été bien entamé avant la coupure de 2009 et Guillaume Mainguet n’a pu relancer les travaux sur la zone orientale (Bangkok puis Taipei) et les commencer au Proche-Orient (à Sderot) qu’en 2014. 44 projets sont passés par des ateliers asiatiques. Les Produire au Sud d’Asie ont reçu 11 pays de la zone.

Pour clore le tour des trois continents en Amérique du Sud, il y a 64 projets répertoriés, sachant que les projets sélectionnés de Lima (2003), Bogotá (2004) et Buenos Aires (2004) sont inconnus. Les ateliers ont intéressé une dizaine de pays de la zone, soit moins que les Produire au Sud nantais.

On constate que ces Produire au Sud à l’étranger ont élargi dans une assez faible mesure le nombre de pays concernés, néanmoins, ils ont encore touché des zones qui n’avaient jamais envoyé de candidats (la Birmanie, par exemple). Ils permettent de servir les projets de films de ces zones qui n’auraient pas pu être pris

en charge à Nantes autrement, grâce à l’accueil des festivals locaux et encouragent de nombreux réalisateurs et producteurs dans leur formation professionnelle.

1.5. Les sorties de films

Les films en projet sortent en général assez longtemps après l’atelier. Les films passés par Nantes sortent en moyenne quatre ans après leur passage (les plus rapides dans l’année de présence à l’atelier, les plus lents douze ans après), tandis que les films sortis après les Produire au Sud à l’étranger le sont au bout de cinq ans et demi (les plus rapides dans l’année de l’atelier et les plus lents, huit ans après). On voit ici une différence notable qui peut-être attribuée à la maturité des projets reçus à Nantes. 45 % des films des ateliers nantais sont sortis à ce jour.

Sorties de films, ateliers de Nantes278

La proportion de films sortis après leur passage dans les ateliers à l’étranger de Produire au Sud peut être envisagée de deux manières. Soit on les considère dans leur globalité (avec les manques de données que l’ont sait), soit on n’envisage que les ateliers réalisés jusqu’en 2009. C’est une façon de réduire l’écart dû à l’absence de Produire au Sud à l’étranger pendant presque trois ans. En effet, puisque Guillaume Mainguet n’a pu relancer les ateliers hors Nantes qu’en 2012, peu des projets de films entre cette date et maintenant n’ont encore logiquement abouti (un seul projet de 2013 est sorti en 2016).

278 Graphique réalisé par l’auteur d’après les données tirées des archives de Produire au Sud.

Films présentés à Nantes Films sortis

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