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CHAPITRE 7   DISCUSSION 98

7.1   Constats de l’implantation de l’approche Lean 98

7.1.1   Contexte de l’approche Lean dans les deux CHU et des projets étudiés 98

L’approche Lean est appliquée depuis 2011 au CHUSJ et 2008 au CHUS. Chacun des deux hôpitaux étudiés a sa démarche Lean différente. Le CHUSJ priorise le mode Kaizen sur une période de quatre à cinq mois pour élaborer les solutions, tandis que le CHUS priorise le mode Kaizen Blitz, soit des ateliers Kaizen intensifs sur deux jours permettant de cibler les problématiques et d’élaborer les solutions sur une courte période de temps. La durée totale du projet au CHUSJ est d’environ deux ou trois ans comparativement à un an au CHUS. Le CHUS désire faire plusieurs petits projets un peu partout, pour faciliter la contamination du Lean dans l’établissement.

Selon le CHUSJ, le Kaizen sur plusieurs mois est préférable, car il permet aux employés de vivre le changement sur une plus longue période et de se questionner sur les changements au fil de leur travail. Cela pourrait permettre aux employés de mieux intégrer le Lean au milieu de travail, comme ils ont le temps d’assimiler les différents concepts, favorisant ainsi l’amélioration continue. Cependant, il est peut-être plus difficile de garder le fil conducteur et de mobiliser les employés sur une plus longue période. Par exemple, les quarts de soir et de nuit ont dans cette situation plus de difficulté à participer puisque les rencontres sont principalement organisés de jour.

7.1.1.2 Description des projets

Les deux projets étudiés diffèrent au niveau de la nature des soins qui sont donnés. Les unités de psychiatrie au CHUSJ accueillent des patients pour une longue période d’hospitalisation et fonctionnent sur trois quarts de travail, tandis que l’unité d’endoscopie au CHUS accueille les patients lors d’une clinique de jour pour effectuer divers examens. Les objectifs des projets ne sont donc pas les mêmes, bien que tous les deux visent en général de revoir l’ensemble des processus des unités.

Des équipes de projets dédiées et représentatives des professions sur les unités ont été créées et dirigées par un expert Lean dans les deux établissements, de façon à identifier les problématiques ainsi que de formuler des solutions à implanter. Les deux projets ont utilisé différents outils Lean pour tenter d’atteindre les objectifs énoncés.

7.1.1.3 Description des équipes et des environnements de travail 7.1.1.3.1 Caractéristiques démographiques

Pour les deux projets, l’ancienneté dans l’unité est légèrement moins élevée, mais la plupart des employés cumulent plus de 20 ans d’expérience dans l’hôpital et le milieu hospitalier. Les répondants connaissent donc assez bien leur milieu de travail et ses processus spécifiques.

7.1.1.3.2 Environnements psychosociaux

Les équipes de travail au CHUSJ et au CHUS vivent toutes deux des situations de tension au travail légèrement supérieures aux moyennes des deux études présentées, l’EQCOTESST (Vézina et al., 2011) et l’ESS 1998 (Daveluy et al., 2001). Ce qui ressort particulièrement au CHUSJ, c’est le travail exigeant vécu par la majorité des répondants au questionnaire. Au CHUS, c’est le faible soutien social au travail pour une grande majorité.

7.1.1.3.3 Ouverture et perceptions du changement

Le scepticisme par rapport aux changements est fréquent dans les deux hôpitaux. Pourtant, les répondants se disent ouverts en général à ce qu’un projet modifiant l’organisation du travail soit entrepris. On remarque au CHUSJ du scepticisme par rapport à la réalisation du projet, au stade de pré-implantation. Au CHUS, les mêmes réactions en début de projet sont rapportées, même si

maintenant tous ne voudraient pas revenir en arrière et acceptent les changements. Un changement de mentalité s’est donc produit durant le déroulement du projet alors que les changements ont été convaincants. La résistance au changement dénoncée dans la littérature (Brandao de Souza & Pidd, 2011) était donc présente en début de projet.

7.1.1.3.4 Connaissances et perceptions du Lean

Contrairement à ce qui a été énoncé dans la littérature (Kim et al., 2006), il ne semble pas y avoir dans le milieu de la santé une grande résistance à l’approche Lean provenant du milieu manufacturier. En général, les membres du personnel des deux hôpitaux sont assez positifs par rapport à cette approche, bien qu’il est mentionné à plusieurs reprises d’adapter au contexte cette approche et de ne pas négliger les enjeux humains associés à son implantation en santé, comme plusieurs articles de la littérature le mentionnent (Fillingham, 2007; Radnor et al., 2006). Il n’y a pas eu non plus de crainte de perte d’emploi suite à l’introduction de cette approche manufacturière, contrairement à ce qu’Holden (2011) mentionne dans la littérature. Plusieurs employés du CHUSJ ne connaissent toutefois pas l’approche Lean et son implantation dans le milieu de la santé.

Le Lean devrait être adapté au contexte de l’hôpital et du département où le projet Lean a lieu. Comme la littérature le mentionne (Kollberg et al., 2007; Poksinska, 2010), il est important de cibler le ou les bons clients lors de l’analyse des processus, de façon à conserver toutes les activités à valeur ajoutée pour tous.

Les activités cliniques ou soins ne sont généralement pas touchés par les changements Lean, comme le professionnel passe alors du temps avec le patient et que ce temps est à valeur ajoutée. Comme la démarche au CHUSJ l’indique, il est important de revoir en santé l’ensemble des processus entourant les processus cliniques, de façon à simplifier par exemple les processus administratifs ou matériels. Lors des deux projets, le Lean semble avoir un impact positif sur les déplacements et la gestion du matériel. En ayant le bon matériel ou l’information au bon moment et en bonne quantité, le professionnel de la santé maximise donc son temps auprès du patient en pouvant utiliser ses compétences au maximum. Il s’agit donc de processus pour lesquels le Lean semble adapté. Bien que les soins et activités cliniques ne soient généralement pas touchés par le Lean selon les projets étudiés, il faut tout de même les étudier si les employés soulèvent certaines

problématiques de travail à améliorer durant ces activités. Le temps qu’un professionnel passe avec le patient est à valeur ajoutée, mais il se peut que des interruptions ou délais non nécessaires se produisent même lors de ces activités. Des améliorations pourraient alors être apportées. Il est important d’adapter le Lean à chaque contexte de travail. L’unité de psychiatrie où des patients sont hospitalisés pendant une longue durée diffère du département d’endoscopie ou il s’agit d’une clinique de jour. L’expert Lean a le rôle d’amener les employés à comprendre l’approche Lean dans leur contexte de soins. Par exemple, en psychiatrie, le Lean peut être appliqué pour la gestion de l’information, comme la retranscription et le partage des données sur un patient. En endoscopie, c’est la préparation du matériel avant chaque patient et le partage des équipements tout au long de la clinique qui se sont améliorés. Les problématiques choisies sont réalistes et adaptées à chacun des contextes, et ce même si a priori il peut être plus difficile de penser que le Lean peut être appliqué dans un département moins séquentiel et standardisé comme la psychiatrie.

7.1.2 Impacts des projets étudiés