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Contexte juridique

Dans le document Journée 2007 de droit bancaire et financier (Page 131-134)

les trusts et l’exécution forcée en suisse

I. Contexte juridique

A. La Convention de la Haye du 1er juillet 1985

La Convention de la Haye (ci-après la Convention), qui a pour but de déterminer la loi applicable au trust et à régir sa reconnaissance (article premier), comporte des règles qui peuvent avoir des incidences plus ou moins directes sur la problé-matique de l’exécution forcée.

Plusieurs dispositions de la Convention sont notamment consacrées au prin-cipe de la séparation des patrimoines, postulat fondamental du droit des trusts :

− L’art. 2 al. 2 recense les caractéristiques essentielles que doit présenter une en-tité pour être qualifiée de “trust” au sens de la Convention et tomber dans son champ d’application. Parmi ces éléments, il est indiqué en tête de liste que les biens du trust doivent former une masse distincte et ne pas faire partie du patrimoine personnel du trustee (let. a).

− Faisant écho à cette dernière disposition, l’art. 11 al. 2 de la Convention énonce notamment que la reconnaissance d’un trust dans un ordre juridique déter-miné implique au moins que ses biens soient distincts du patrimoine person-nel du trustee et que le trustee puisse agir comme demandeur ou défendeur ou comparaître en qualité de trustee.

− Vient s’ajouter à ces éléments l’art. 11 al. 3 de la Convention, selon lequel la reconnaissance implique aussi, dans la mesure où la loi applicable au trust le prévoit, que les créanciers personnels du trustee ne puissent pas saisir les biens du trust (let. a) et que ces derniers soient séparés du patrimoine du trustee en cas d’insolvabilité ou de faillite de celui-ci (let. b).

Les biens du trust bénéficient ainsi d’une solide protection à l’égard des créanciers personnels du trustee. Cela suppose toutefois en pratique que le trustee prenne

Von Overbeck A., “Rapport explicatif”, in Actes et documents de la Quinzième session, t. II, La Haye 1, p. 3, § 3.

toutes les mesures nécessaires pour séparer le patrimoine du trust, dit aussi “fonds du trust” (trust fund), de son patrimoine propre. S’il gère plusieurs trusts, il doit également veiller à la ségrégation des fonds des divers trusts entre eux. Ces règles ne souffrent pas d’exceptions. Le simple constat que les fonds ont été mélangés suffit en principe à engager la responsabilité du trustee. Elles devraient ainsi le dissuader de faire preuve de négligence ou de malhonnêteté à cet égard.

Comme indiqué, la Convention a notamment pour but de déterminer la loi applicable à un trust. Il n’est bien évidemment pas indifférent de savoir quelle loi le régit, car chacune peut prévoir des règles différentes, notamment en ce qui concerne la responsabilité pour les dettes du trust. Selon l’art. 6 de la Conven-tion, la loi applicable est d’abord celle qui a été choisie par le settlor. A défaut d’élection de droit, il s’agira de celle avec laquelle le trust présente les liens les plus étroits, conformément à l’art. 7 al. 1 de la Convention.

Une fois la loi applicable déterminée, il est nécessaire de distinguer entre les éléments qui tombent dans et hors de son champ d’application. On relèvera par exemple que certains moyens dont disposent les créanciers du settlor pour atta-quer la constitution du trust sont régis par la loi applicable au trust, tandis que d’autres relèvent du droit désigné par les règles de conflit du for. Cette probléma-tique, aussi délicate que fondamentale, doit être résolue en application de l’art. 8 de la Convention (sous réserve de ses art. 15, 16 et 18). Aux termes de cette dispo-sition, la loi applicable au trust régit les éléments suivants : la validité du trust, son interprétation, ses effets et son administration (al. 1). Elle s’applique en particulier aux aspects recensés à l’al. 2, tels que la désignation et la révocation du trustee (let. a), le droit du trustee de déléguer en tout ou en partie l’exécution de ses obli-gations ou l’exercice de ses pouvoirs (let. c), les pouvoirs du trustee d’administrer et de disposer des biens du trust, de les constituer en sûretés et d’acquérir des biens nouveaux (let. d).

L’art. 15 al. 1 de la Convention réserve les dispositions impératives de la loi désignée par les règles de conflit du for dans d’autres matières que le trust, lors-qu’elles sont incompatibles avec certaines clauses du trust ou avec des dispositions de la loi applicable. Tel est notamment le cas des règles sur la protection des créanciers en cas d’insolvabilité (art. 15 al. 1 let. e). Cette formulation ne permet pas d’identifier avec certitude les éléments qui tombent dans cette réserve. Cer-tains auteurs y incluent l’action révocatoire à disposition des créanciers du settlor

Ces deux aspects sont notamment énoncés à l’art. III (3) des Principles of European Trust Law, Hay-ton D. J., Kortmann S. C. J. J., Verhagen H. L. E. (édit.), Deventer (Kluwer Law International) 1.

A ce sujet, cf. infra III/B.

Cf. infra IV/B. Cf. aussi infra II/A pour une autre illustration de la problématique.

Von Overbeck (n. ), p. 400, § 13.

(art. 285 ss LP)10, d’autres la protection des créanciers des bénéficiaires, en par-ticulier la possibilité de remettre en cause un protective trust11, d’autres encore y voient plus largement une réserve en faveur du droit de la faillite des divers Etats et notamment en faveur du principe de l’égalité de traitement entre les créanciers dans la faillite, en ce qui concerne le droit suisse12.

B. Les modifications de la LP

Les modifications de la LP, entrées en vigueur le 1er juillet 2007, ont pris la forme d’un titre neuvièmebis, intitulé “dispositions particulières sur les relations de trust”, qui comprend deux nouveaux articles. L’art. 284a LP régit la poursuite pour les dettes qui grèvent le patrimoine d’un trust, tandis que l’art. 284b LP vise à mettre en œuvre dans notre droit interne le principe de la séparation des patri-moines en cas de faillite d’un trustee13.

Le champ d’application respectif des art. 284a et 284b LP est difficile à ap- préhender pour celui qui en prend connaissance pour la première fois. Il faut rele-ver que ces deux normes ne s’appliquent pas aux mêmes types de dettes. Celles-ci peuvent être de trois sortes, en fonction du contexte dans lequel elles naissent et du patrimoine qu’elles grèvent :

− Lorsque le trustee s’engage à titre privé à l’égard de tiers, les dettes ainsi encou-rues représentent des dettes personnelles, sans rapport avec le ou les trust(s) qu’il gère (1).

− Si le trustee contracte des obligations ès qualité, ces dettes naissent dans la sphère du trust. En fonction de ce que prévoit la loi applicable au trust14, ces dernières dettes peuvent être alternativement :

– à charge du patrimoine personnel du trustee (2), ou – à charge du fonds du trust (3).

10 Thévenoz L., “Créer et gérer des trusts après l’adoption de la Convention de la Haye”, in Journée 2006 de droit bancaire et financier, Zurich (Schulthess) 200, p. .

11 Gutzwiller P. M., Schweizerisches Internationales Trustrecht, Bâle (Helbing & Lichtenhahn) 200, p. 113, § 1-44 ; Harris J., The Hague Trusts Convention, Oxford (Hart) 2002, p. 3 ; Underhill A., Hayton D., Law Relating to Trusts and Trustees, 1th ed. by Hayton D., Matthews P., Mitchell C., Londres (Butterworth) 200, p. 120, § 102.1.

12 Staehelin D., “Trusts im schweizerischen Zwangsvollstreckungsrecht”, in Markus A., Keller-hals A., Jametti Greiner M. (édit.), Das Haager Trust-Übereinkommen und die Schweiz, Zurich (Schulthess) 2003, p. .

13 Message du 2 décembre 200 concernant l’approbation et l’exécution de la Convention de la Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, Feuille fédérale 200, p. 1-1 (ci-après Message), p. .

14 Cf. infra III/B.

L’art. 284a LP s’applique à cette troisième catégorie de dettes exclusivement.

Quant à l’art. 284b LP, il vise à garantir la distraction des biens en trust en cas de faillite du trustee et s’applique donc lorsque le trustee répond de la dette sur son patrimoine propre, soit dans le cadre des première et deuxième catégories.

Aperçu synthétique

1 HR v JAPT & Others [1] Pensions Law Reports ; Cross v Benitrust International (1/) 2OFLR 33 ; Alhamrani v Alhamrani [200] JRC 02.

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