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Le 11 mars 2011, le plus gros séisme jamais enregistré au Japon secoue l’archipel et déclenche un tsunami qui s’abat sur la côte Est du pays. À la catastrophe naturelle qui a engendré plus 18 000 morts, s’est ajoutée une catastrophe nucléaire après que la vague ait submergé la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, endommageant les systèmes de refroidissement du cœur de plusieurs réacteurs et entraînant leur fusion. Au-delà des aspects techniques, l’accident nucléaire de Fukushima, en février 2011, a été identifié comme une défaillance globale de la régulation des risques. A la suite de réunion de la commission indépendante sur l’accident de Fukushima, qui a mis en évidence le caractère « humain » de la catastrophe1, de nombreuses institutions et chercheurs ont alors tenté d’identifier les défaillances ayant conduit à l’accident. Ont été notamment mis en cause les méthodes d’analyse des risques (Downer, 2013) ou encore le modèle de gouvernance2 (Delamotte, 2013). Sur ce dernier point, ce sont notamment des défaillances dans la relation entre TEPCO (l’exploitant de la centrale de Fukushima Daiichi) et l'Agence de sûreté nucléaire et industrielle (NISA) qui sont pointées du doigt. En effet, le rattachement de la NISA au METI (Ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie) aurait fortement entaché son indépendance. En 2012, la NISA sera d’ailleurs remplacée par la Nuclear Regulatory Authority (NRA), qui sera alors chargée de mettre en place de nouvelles règles de sûreté des centrales nucléaires japonaises. On peut donc l’observer, c’est tout un système de gouvernance, allant de l’analyse des risques, à la communication, en passant par la relation contrôleur (l’autorité de sûreté/ contrôlé (l’exploitant nucléaire), qui est mis en cause par cet accident.

Si dans son histoire nucléaire, la France n’a pas connu d’accidents d’ampleur et nature similaire à celui de Fukushima3, l’inondation du site du Blayais en décembre 1999, semble toutefois être l’événement marquant qui s’en rapproche le plus. Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999, des vagues remontant la Gironde, issues de la conjonction de la marée et d’un vent d’une force

1 Voir le rapport « The Fukushima nuclear accident » de la National Diet of Japan Fukushima Nuclear Accident

Independent Investigation Commission de 2012.

2

Sur le retour d’expérience institutionnel de l’accident de Fukushima, on trouve l’INSAG 27 « Ensuring Robust National Nuclear Safety Systems - Institutional strenght in depth», publié par l’AIEA en 2017.

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La France a tout de même connu deux accidents de « fusion du cœur », avec peu de conséquences sur l’environnement. Voir la « Note d’information sur les accidents ayant affecté les réacteurs nucléaires du site de Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 et en 1980 » publiée par l’IRSN en 2015.

exceptionnelle, submergent en partie le site du Blayais comprenant quatre réacteurs nucléaires. Cette inondation a entraîné la perte de plusieurs systèmes essentiels pour la sûreté de l’installation sans toutefois déboucher sur un accident. Le 17 janvier 2000, à la suite des critiques formulées par le député écologiste Noël Mamère, l’Assemblée Nationale met en place une commission d’enquête. L'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST)4 publiera ensuite un rapport sur l’incident. Comme à Fukushima, le rapport de l’OPECST pointe un problème technique « à la conception » concernant la prise en compte des risques naturels (ici l’inondation) et un problème de communication sur la période de crise. De leur côté, Noël Mamère et les Verts, s’inscrivant dans une critique de longue date du système de régulation lui-même (Simmonot, 1978), (Roqueplo, 1997), se montrent particulièrement acerbes, en mettant en cause son opacité et l’absence de frontière entre le contrôleur et le contrôlé. D’autres critiques seront également formulées, qui rejoignent celles qui ont été énoncées après l’accident de Fukushima (défaut de prise en compte d’évènements climatiques, mauvaise communication…).

Ces deux évènements, d’ampleur évidemment très différente, ont en commun d’avoir induit tous deux un questionnement sur les systèmes de gouvernance, suivi, dans le cas japonais, de modifications institutionnelles. Sans qu’il y ait de lien direct avec l’incident du Blayais, il est à noter que dans les années 2000, la France a également modifié son système de gouvernance de la sûreté nucléaire, avec la création d’une autorité de sûreté indépendante et d’un expert public autonome, détaché des exploitants. Le système français est actuellement organisé autour d’un « tripode » comprenant les exploitants, responsables de la sûreté de leurs installations, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), en charge du contrôle des installations et de la réglementation et l’expert public, l’Institut de Radioprotection et de sûreté Nucléaire (IRSN), qui rend des avis d’expertise.

Au-delà de ces deux exemples, nous pouvons constater que, dans les différents pays concernés par l’industrie nucléaire, l’évaluation des risques, l’organisation institutionnelle ou encore la réglementation en matière de sûreté nucléaire sont régulièrement questionnées, et que, en tout état de cause, des réponses différentes selon les pays ont été apportées au fil du temps. Aucune réponse univoque et stabilisée n’existe sur ces questions. A travers ces différentes dimensions, on peut donc se demander comment les systèmes de gouvernance des risques nucléaires se constituent dans un pays et comment ils évoluent. Cette question est à l’origine de notre travail de thèse qui a cherché à l’instruire sur le cas français.

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Rapport du Sénat n°316 (1999-2000) : Analyse des incidents survenus à la centrale nucléaire du Blayais lors de la tempête du 27 décembre 1999 : enseignements sur le risque d'inondation des installations nucléaires.

2. La montée de la thématique de la gouvernance des risques dans les