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B.2 Le construit de représentations en perspective dynamique : un point de vue constructiviste

CHAPITRE PREMIER

1. PROBLÉMATIQUE 1 CONTEXTE

1.2. B.2 Le construit de représentations en perspective dynamique : un point de vue constructiviste

Si, comme nous l’avons vu auparavant il y a transition du sens que prend le terme représentation au cours de "l’évolution" de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, c’est que le rapport au réel de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte évolue. Il existe essentiellement trois positions épistémologiques en regard de la construction du rapport que l’individu entretient avec le monde. La première est illustrée par la position des béhavioristes radicaux (Watson, 1924; Skinner, 1938). Elle consiste à considérer de façon exclusive la prédominance de l’action de l’univers physique puis de l’environnement social sur le processus de construction des représentations (images mentales), des attitudes et des conduites de l’individu tout au long de son développement.

La seconde correspond plus particulièrement aux postulats des psychologues mentalistes du siècle dernier et du début de ce siècle, tels que Freud, Jung et Adler ainsi que, sous certains aspects, à ceux de certains psychologues "cognitivistes" américains contemporains (Ellis et Harper, 1973). Elle tend à considérer que le développement intellectuel de l’humain est essentiellement centré sur une relation non dialectique entre l’individu et l’environnement. Dans cette approche, les facteurs contrôlant le développement psychologique de l’individu lui sont exclusivement internes et les stratégies ou les moyens dont il dispose pour influencer son environnement social ou physique ne sont guère pris en considération. Les tenants de ces deux premières approches s’intéressent principalement par les perspectives cliniques de la psychologie.

La troisième approche pourrait être désignée en tant qu’interactionniste et correspond au courant désigné généralement en tant que constructivisme, que coconstructivisme ou que socioconstructivisme. Dans cette perspective, la connaissance n'est ni une copie de l'objet ni une simple prise de conscience de formes qui existent a priori. La conscience de l’objet réel ou symbolique n’est pas prédéterminée à l'intérieur ou à l'extérieur du sujet mais constitue plutôt le résultat d'une construction symbolique perpétuelle par échange entre la pensée (sujet) et l'objet (physique ou social) (Piaget, 1950; Piaget et Inhelder, 1966). Bien entendu, la capacité de

reconstruction imaginaire de l’objet varie qualitativement chez les individus selon leur âge ou selon l’importance et la complexité des structures qu’ils ont précédemment développées. Dans ce sens, la perspective socioconstructiviste de Vygotsky s’avère moins restrictive que ne l’était le modèle piagétien original. Elle ne limite pas le développement de la capacité de l’individu de fonctionner à un niveau d’abstraction déterminé en relation directe avec l’âge mais plutôt en fonction de son degré d’indépendance en regard des contraintes sociales qui sous-tendent et qui déterminent les "savoirs".

Les savoirs étant par essence présumés "transmissibles" sont des construits sociaux. Ils peuvent être modifiés ou restructurés mais, pour y parvenir, les individus doivent pouvoir en abstraire les aspects procéduraux de leurs contextes d’apprentissage originaux (Biggs, 1992; Valsiner, 1992). Dans une perspective constructiviste, les individus doivent d’abord construire leur propre représentation directe et unifiée du monde puis au travers du développement de la fonction symbolique et notamment du langage, ils établissent une distinction entre ce qui caractérise les contextes qui réfèrent aux connaissances déclaratives et procédurales auxquelles ils sont exposés. Ils apprennent ainsi à distinguer le général du particulier et à identifier des domaines d’application pertinents pour les règles qu’ils intègrent (connaissances procédurales appliquées essentiellement à la cognition sociale) ou les algorithmes (schèmes permettant la résolution de problèmes dans un univers abstrait, par exemple, celui propre à une discipline scolaire) qu’ils construisent.

La connaissance que l’individu développe par rapport à l’univers à partir du moment où il s’agit du résultat d’un processus d’interaction continue est toujours reliée à une contextualisation formelle ou informelle. Par exemple, l’apprentissage de l’arithmétique correspond chez l’enfant à un besoin d’efficacité de son action sur l’environnement immédiat. La numération permet l’opération directe sur les objets et la transaction quotidienne avec l’univers social (Winegar et Valsiner, 1992). Compter mes billes représente une opération concrète et représente une fonction “utilitaire” lorsque je joue avec mes camarades.

C’est pour cette raison qu’on retrouve, sous une forme ou sous une autre, des systèmes d’arithmétique correspondant à l’acquisition d’habiletés de sériation et de classement dans l’ensemble des sociétés aussi peu développées soient-elles sur le plan technologique (Wassman et Dasen 1994). L’apprentissage de l’algèbre, construit social s'il en est, ne rencontre guère de critère d’applicabilité équivalent. Son champ de contextualisation s’avère informel et la

motivation à la construction des schèmes cognitifs opératoires implique l’action de facteurs autres que la fonctionnalité directe. Ces schèmes n’ont d’utilité sur le plan de l’application qu’en tant que facilitateur d’opérations à caractère symbolique. En bref, disons simplement que dans notre exemple, l’aspect conditionnel de l’application des connaissances procédurales qui régissent l’arithmétique s’avère moins restrictif que lorsqu’on traite d’algèbre. En conséquence, les habiletés arithmétiques seront acquises antérieurement aux secondes utilisées plus aisément et maîtrisées par un plus grand nombre d’individus, indépendamment de leur milieu de vie ou de leur environnement social. Leur construction par le jeune enfant ne requiert aucunement la fréquentation d'un environnement de type scolaire.

Une part importante des apprentissages que nous réalisons durant notre existence concerne les conduites sociales. En effet, la qualité et la quantité des interactions que nous établissons avec notre environnement dépendent directement de notre capacité à respecter ou à utiliser adéquatement des codes de communication qui s’avèrent fonctionnels. La probabilité que nous amorcions des interactions avec notre environnement ou que nous y manifestions des conduites particulières dépend aussi de nos attentes d’efficacité ainsi que de nos attentes en regard des effets agréables, utiles, désagréables ou contre-productifs de ces mêmes conduites (De Ridder et All, 1991).

Comme l’ensemble des structures symboliques que nous développons, les représentations de nature sociale sont acquises en fonction de l’existence préalable de structures mentales auxquelles elles s’intègrent ou auxquelles elles confèrent un certain degré de fonctionnalité, dans la mesure où elles en favorisent la contextualisation. Ainsi, peut-on se demander s’il existe une représentation “socialisée” de l’école chez les enfants d’âge préscolaire ? C’est peu probable. Il peut exister une représentation de l’école correspondant à un schème intégrant les aspects physiques du bâtiment, des éléments discursifs plus ou moins assimilés tirés de l’exposition au discours des adultes ou d’autres enfants plus âgés lorsqu’il porte sur ce thème ainsi que de l’impression (contexte de référence) auquel ce discours est associé (enthousiasme ou le contraire). Néanmoins, ce schème est propre à l’enfant en tant qu’individu. Il n’est ni partagé par la catégorie sociale "enfants", ni produit par les sujets appartenant à cette catégorie, ni à plus forte raison modifié par ces derniers. On ne peut donc pas affirmer que l’exposition au discours où l’intégration d’informations véhiculées par le milieu familial déterminera a priori un

ensemble d’attitudes et de conduites stables et durables partagées par un ensemble d’enfants lorsque ces derniers fréquenteront l’environnement scolaire.

1.2.B.3 Révision constructiviste du modèle piagétien du développement de