6.3 Solutions de coexistence
6.3.2 Construction des solutions : preuve du th´ eor` eme 6.1.9
Nous construisons ic des solutions de bifurcation `a partir des solutions semi-triviales. Soit c1 > c01 fix´e et voyonsc2 comme un param`etre. Dans la suite de cette partie, nous entendons par solution une famille (c2, R, U, V)∈R+×X+3. D’apr`es le lemme 6.1.3, on a le r´esultat suivant.
Lemme 6.3.3. Soitc1 > c01 . Le probl`eme aux valeurs propresA2ψ−µf2(R∗u(c1))ψ = 0
a une valeur propre principale c∗2(c1) > 0 et une fonction propre associ´ee ψ∗ > 0. De plus, c∗2(c1) = inf φ∈H1(Ω) φ6=0 R Ωa2∇φ2+m2φ2 R Ωc1f2(R∗ u(c1))φ2.
Proposition 6.3.4. Fixons c1 > c01. Il existe cmax2 (c1) > c02 tel que, si (R, U, V) ∈
142
CHAPITRE 6. SOLUTIONS STATIONNAIRES DE COEXISTENCE POUR DEUX ESP`ECES
Preuve : c1 > c01 ´etant fix´e, on suppose, par contradiction, qu’il existe une suite (ck2, Rk, Uk, Vk) ∈ (c02,+∞)×X+∗ ×X+∗ ×X+∗ solution de (6.1.1) telle que ck2 → +∞. Comme dans la preuve de 6.2.1, ceci impliquekRkk∞ →0. Par continuit´e de l’applica-tion R 7→λ1(A1−c1f1(R)) (Lemme 6.1.3), on a λ1(A1−c1f1(Rk))→ λ1(A1) lorsque
k →+∞. On aλ1(A1)>0 et, par ailleurs, ∀k,λ1(A1−c1f1(Rk)) = 0, ce qui constitue une contradiction.
Par la proposition 6.3.5, si (c2, R, U, V) = (c2, R∗u−r, U∗−u, v)∈X+∗ ×X+∗ ×X+∗ est une solution de(6.1.1), alors (c2, r, u, v)∈X×X+∗ ×X+∗ est solution de
A0r+c1U∗ f1(Ru∗)−f1(R∗u−r) +c1uf1(R∗u−r)−c2f2(Ru−r)v = 0 sur Ω A1(u)−c1f1(R∗u−r)u−c1U∗ f1(R∗u)−f1(R∗u−r) = 0 sur Ω A2v −c2f2(R∗u−r)v = 0 sur Ω. (6.3.2) Pour tout W = (r, u, v)∈X3, d´efinissons
T(c2, W) = K00 K01 00 0 0 K2 −c1U ∗ f1(R∗u)−f1(R∗u−r) −c1uf1(R∗u−r) +c2f2(Ru−r)v +c1f1(R∗u−r)u+c1U∗ f1(R∗u)−f1(R∗u−r) c2f2(R∗u−r)v . En notant K(c2) =DWT(c2,0), on aT(c2, W) = K(c2)W +R(c2, W) o`u K(c2) est un op´erateur compact et lin´eaire et la d´eriv´ee de Fr´echet deR v´erifie DWR(c2,0) = 0. De mani`ere ´evidente, (c2, r, u, v)∈X3 est solution de (6.3.2) si et seulement si
T(c2, r, u, v) = (r, u, v). (6.3.3) De plus, pour tout c2 ∈R, on a T(c2,0,0,0) = 0. Nous ´etudions les bifurcations pour l’´equation (6.3.3).
Proposition 6.3.5. Soit c∗2 la valeur propre d´efinie dans le lemme 6.3.3 et ψ∗ la fonction propre associ´ee. Il existe ρ∗ et φ∗ telles que
ker(Id−K(c∗2)) =vect(ρ∗, φ∗, ψ∗).
Il existe ε >0, une application (er,u,e ev)∈C1((−ε, ε), X3) v´erifiant (er(0),eu(0),ev(0)) = (0,0,0) et une fonction c2 ∈C1((−ε, ε),R+) v´erifiant c2(0) =c∗2 tels que ∀s∈(−ε, ε),
(c2(s), s(ρ+re(s)), s(φ+ue(s)), s(ψ∗+ev(s))) est solution de (6.3.2).
De plus, toute solution de (6.3.2), dans le voisinage de(c∗2,0,0,0), est soit sur la courbe
(c2,0,0,0) soit sur la courbe
6.3. SOLUTIONS DE COEXISTENCE 143
Preuve : D´efinissons l’op´erateur T1 deC1(Ω)×C1(Ω) →X+×X+ par
T1(R, U) = K0 0 0 K1 Id−c1f1(R)U c1f1(R)U .
D’apr`es la partie 6.2, (R∗u, U∗) est un point fixe de T1 dans X+∗ ×X+∗. La d´eriv´ee de Fr´echetK(c∗2) de T en (c∗2,0,0,0) v´erifie K(c∗2) φρ ψ = L(c1) ρ φ + c∗2K0(f2(R∗u)ψ 0 c∗2K2(f2(R∗u)ψ) (6.3.4) o`u L1 =DR,UT1(Ru∗(c1), U∗(c1)).
Tout (φ, ψ, ρ)∈ker((Id−K(c∗2)) v´erifie ρ φ −L(c1) ρ φ = c∗2K0(f2(R∗u)ψ) 0 , (6.3.5) ψ−c∗2K2(f2(R∗u)ψ) = 0. (6.3.6) Par la proposition 6.2.9, on sait que 1 n’est pas une valeur propre deL1, doncId−L(c1) est injectif et si ψ ≡0, alors ρ≡φ ≡0. Par cons´equent,ψ 6≡0 est solution de (6.3.6) et le lemme 6.3.3 montre que ψ = ψ∗ `a constante multiplicative pr`es. On en d´eduit que (ρ∗, φ∗) est l’unique solution de (6.3.5). Ainsi, ker(Id−K(c∗2)) = vect(ρ∗, φ∗, ψ∗),
dim(ker(Id−K(c∗2))) = 1 et par l’alternative de Fredholm,codim(Im(Id−K(c∗2))) = 1. Pour appliquer le th´eor`eme 6.1.5, il reste `a montrer que Dc2(Id−K(c∗2))(ρ∗, φ∗, ψ∗)∈/ Im(L(c∗2)). Un calcul direct montre que
Dc2(Id−K(c∗2))t(ρ∗, φ∗, ψ∗) = t(−K0(f2(R∗u)ψ∗),0,−K2(f2(R∗u)ψ∗)).
Supposons, par contradiction, qu’il existeψ1tel que−K2(f2(R∗u)ψ∗) = ψ1−c∗2K2(f2(Ru∗)ψ1). Comme dans la preuve du th´eor`eme 6.2.7, en appliquant A2, en multipliant par ψ∗ et en int´egrant sur Ω, on obtient
− Z f2(Ru∗)ψ∗ψ∗ = Z Ω (A2ψ1−c∗2f(R∗u)ψ1)ψ∗ = 0,
ce qui contredit ψ∗ >0. Finalement, toutes les hypoth`eses du th´eor`eme 1.7 dans [19] sont v´erifi´ees et la proposition en d´ecoule.
Proposition 6.3.6. L’´equation (6.3.2) admet un continuum de solutions
C0 ={(c2, u, v, r)} ⊂R×X3
´
emanant de (c∗2,0,0,0) et rejoignant +∞ ou (cb2,0,0,0) o`u cb2 6=c∗2 et Id−K(cb2) n’est pas inversible.
144
CHAPITRE 6. SOLUTIONS STATIONNAIRES DE COEXISTENCE POUR DEUX ESP`ECES
Preuve : Ce r´esultat est une cons´equence du th´eor`eme de bifurcation globale 6.1.6. Montrons donc que i(T(c2,·),0) change de signe pr`es de c∗2. Soit µ > 1 une valeur propre de K(c2). D’apr`es l’expression de K(c2) vue dans l’´equation (6.3.4), il existe (ρ, φ, ψ)6≡(0,0,0) tel que K(c2) ρφ ψ =µ φρ ψ .
Par (6.3.4), deux cas sont possibles. Ou bien ψ ≡0, dans ce cas on a
L ρ φ =µ ρ φ . (6.3.7)
Ou bien ψ 6= 0 et dans ce cas
K2(f2(R∗u)ψ) =µψ. (6.3.8) Par la proposition 6.2.11, pour tout c2, le probl`eme aux valeurs propres (6.3.7) a un nombre pair de valeurs propres n(c1). Comme dans la preuve du th´eor`eme 6.2.7, on montre que le probl`eme 6.3.8 n’a pas de valeur propre plus grande que 1 si c2 < c∗2 et exactement une si c∗2 < c2+ε pour un certain ε >0 suffisamment petit.
Par cons´equent, si c2 < c∗2, i(T(c2,·),0) = 1 et, si c∗2 < c2 +ε, i(T(c2,·),0) = −1.
L’application du th´eor`eme 6.1.6 termine la preuve.
L’unicit´e de la solution non triviale au voisinage du point de bifurcation (c∗2,0,0,0) montre que, dans le voisinage de (c∗2,0,0,0), la courbeC0 est confondue avec la courbe de solutions
{(c2(s), r(s), u(s), v(s),−ε < s < ε} d´efinie dans la proposition 6.3.5.
Puisque l’on ne s’int´eresse qu’aux solutions positives et que v(s) < 0 pour s < 0, on d´efinit C1 la plus grande composante connexe contenue dans
C0/{(c2(s), r(s), u(s), v(s),−ε < s <0}.
Si (c2, r, u, v) ∈ C1, alors (c2, R∗u −r, U∗−u, v) est une solution de (6.1.1). Ainsi, on d´efinit C = {(c2, R∗u−r, U∗−u, v), (c2, r, u, v) ∈ C1}. Par construction, tout point deC est une solution de (6.1.1). On peut montrer exactement comme dans [71] queC satisfait l’une des trois alternatives suivantes.
(i) Il existe (c2, Ru∗ −r, U∗ −u, v) ∈ C tel que (c2, R∗u −r, U∗ +u,−v) ∈ C avec (u, v, r)6= (0,0,0).
(ii) C joint (c∗2, R∗u, U∗,0) `a (bc2, R∗u, U∗,0) o`uId−K(cb2) n’est pas inversible etbc2 6=c∗2. (iii) C joint (c∗2, R∗u, U∗,0) `a +∞ dans R×X3.
6.3. SOLUTIONS DE COEXISTENCE 145 Pr`es du point de bifurcation (c∗2, R∗u, U∗,0), C consiste en des solutions positives, c’est-`
a-dire qu’elle est incluse dans R+×X+∗ ×X+∗ ×X+∗. La proposition suivante ´enonce qu’elle ne peut y rester.
Proposition 6.3.7. {(R, U, V),∃c2 > c02,(c2, R, U, V) ∈ C/(c∗2, Ru∗,0, U∗)} n’est pas contenue dans X+∗ ×X+∗ ×X+∗.
Preuve : Supposons, par contradiction, queC/(c∗2, Ru∗,0, U∗)⊂R+×X+∗ ×X+∗ ×X+∗.
La discussion pr´ec´edente implique que C/(c∗2, R∗u,0, U∗) rejoint ∞.
Soit (c2, R, U, V) ⊂ C. Par le lemme 6.3.3, il existe cmax2 > 0 tel que c02 < c2 < cmax2 . Les propositions 6.3.2 et 6.3.4 et un argument de bootstrap montrent que
kRkX +kUkX +kVkX < M1
pour une certaine constanteM1 >0 ind´ependante dec2. Par cons´equent,C est born´ee dans R×X+3 ce qui est une contradiction.
Finalement, C quitte le cˆone positif. Afin d’´etudier les points o`u l’un des termes s’an-nule, ´enon¸cons tout d’abord un lemme g´en´eral.
Lemme 6.3.8. Fixons c1 > c01. Soit (c∗∗2 , R∗∗, U∗∗, V∗∗)∈ R×X+3 une limite de solu-tions strictement positives (cn2, Rn, Un, Vn)∈ ×R×X+∗ ×X+∗ ×X+∗. Alors,
λ1(A1−c1f1(R∗∗)) =λ1(A2−c∗∗2 f2(R∗∗)) = 0.
Preuve : Pour tout n≥0, la fonction ψn =UnkUnk−1
X >0 v´erifie
A1ψn−c1f1(Rn)ψn= 0 et par cons´equent,
ψn =K1[c1f1(Rn)ψn].
D’apr`es la proposition 6.1.7, Rn est uniform´ement born´ee dans L∞ et des arguments standards de bootstrap montrent que Rn est uniform´ement born´ee dans X. Puisque kψnkX = 1, il vient kc1f1(Rn)ψnkX < M pour un certain M > 0 ne d´ependant pas de n. La compacit´e de K1 comme op´erateur de C1(Ω) dans lui-mˆeme implique que l’on peut extraire une sous-suite, encore not´een, telle que ψn converge fortement dans
C1(Ω) vers une certaine fonction ψ ≥0 v´erifiant kψkX = 1 et
ψ =K1[c1f1(R∗∗)ψ].
Ainsi, ψ > 0 et, par le lemme 6.1.4, on a λ1(A1 −c1f1(R∗∗)) = 0. La preuve pour
λ1(A2−c∗∗2 f2(R∗∗)) est similaire.
146
CHAPITRE 6. SOLUTIONS STATIONNAIRES DE COEXISTENCE POUR DEUX ESP`ECES
Proposition 6.3.9. Il existe c∗∗2 > c02 tel que C joint (c∗2, R∗u, U∗,0)∈Cu
avec (c∗∗2 , R∗v(c∗∗2 ),0, V∗(c∗∗2 ))∈Cv.
Preuve : Au voisinage de (c∗2, R∗u, U∗,0), on a C/{(c∗3, Ru∗, U∗,0) ⊂ X+∗ ×X+∗ ×X+∗. Donc, d’apr`es la proposition 6.3.7, il existe (cb2,R,b U ,b Vb) ∈ {C − (c∗2, R∗, U∗,0)} ∩
∂ X+∗ ×X+∗ ×X+∗
limite d’une suite {(cn, Rn, Un, Vn)} ⊆ C ∩R+×X+∗ ×X+∗ ×X+∗. Par cons´equent, (R,b U ,b Vb) est une solution de (6.1.1) dans ∈ X+ et, pour un certain
x∈Ω, on a Rb(x)Ub(x)Vb(x) = 0.
Par le principe du maximum et le lemme de Hopf, si Ub (resp. Vb, resp. Rb) s’annule en un point de Ω tout en ´etant positif, alors Ub ≡ 0 (resp. Vb ≡ 0, resp. Rb≡ 0) sur Ω. Si
b
R ≡0, alorsI = 0, ce qui est faux par hypoth`ese. Par cons´equent, on a soitUb ≡0 soit b
V ≡ 0. Si Ub = Vb ≡ 0, alors (cb2,U ,b V ,b Rb) est la solution triviale. Par le lemme 6.3.8, ceci implique que c1 est une valeur propre de A1φ−c1f1(S)φ = 0, avec une fonction propre associ´ee φ >0. Ainsi, c1 =c01 ce qui contreditc1 > c01.
Supposons que Vb ≡0 et U >b 0, alors par unicit´e de la solution semi-triviale, Ub =U∗
et Rb=R∗u. Par le lemme 6.3.8, il existe ψ >0 v´erifiant
A2ψ−cb2f2(R∗u)ψ = 0 on Ω, ∂nψ = 0 on∂Ω. (6.3.9) D’apr`es le lemme 6.3.3, on a cb2 =c∗2 ce qui est `a nouveau contradictoire. Finalement, l’unique possibilit´e est que V >b 0,R >b 0 et Ub ≡0. Ainsi (cb2,U ,b V ,b Rb)∈Cv.
Par sym´etrie du probl`eme, on peut fixer c2 > c02 et voir c1 comme un param`etre. Le th´eor`eme 6.1.9 n’est alors que la combinaison des propositions 6.3.6 et 6.3.9.