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Construction d’un corps de racines au moyen d’une résolvante de Galois, théorie de Galois de base

Dans ce paragraphe f ∈ K[T ] est un polynôme unitaire séparable de degré n et A = AduK,f avec f (T ) =Qi(T − xi) dans A.

Le but du paragraphe présent est de montrer le résultat suivant : si K est infini, et si l’on sait factoriser les polynômes unitaires séparables dans K[T ], alors on sait construire un corps de racines pour n’importe quel polynôme unitaire séparable, et l’extension obtenue rentre dans le cadre élémentaire du théorème 6.14.

Nous construisons ce corps de racines par une méthodehhuniformeii. Comme

le corps de racines construit est strictement fini, le théorème 6.7 nous dit que tout autre corps de racines lui est isomorphe.

6.15. Théorème. On introduit des indéterminées u1, . . ., un. Pour σ ∈ Sn

on note uσ =Piuixσi. On pose

R(u, T ) :=Y

σ∈Sn

(T − uσ) ∈ K[u, T ],

et D(u) := discT(R) ∈ K[u].

1. Un des coefficients de D est égal à ± disc(f )(n−2)!(n!−1).

Dans la suite on suppose que l’on spécialise les ui en des éléments ai∈ K

et que D(a) 6= 0 (c’est toujours possible si K est infini).

2. Pour n’importe quel σ ∈ Sn, l’élément aσ = Piaixσi admet le

polynôme R(a, T ) ∈ K[T ] pour polynôme minimal, de sorte que

A = K[aσ] ' K[T ]/hR(a, T )i .

On note a = aId=Piaixi.

3. Les seuls éléments de A fixés par Sn sont les éléments de K.

4. Supposons que l’on sache décomposer R(a, T ) en produit de facteurs irréductibles dans K[T ] : R(a, T ) =Q`

j=1Qj.

a. Si ` = 1, A est un corps, l’extension A/K est un corps de racines pour le polynôme f , ainsi que pour R(a, T ), et la situation relève du théorème 6.14. En particulier, Gal(A/K) ' Sn.

b. Si ` > 1, alors A 'Q

jKj

Kj= K[πj(a)] = A/hQj(a)i ' K[T ]/hQji .

(πj: A → Kj est la projection canonique.)

Soit Hj le sous-groupe de Sn qui stabilise l’idéal hQj(a)iA. Alors :

– Sn opère transitivement sur les idéaux hQj(a)iA, de sorte que

les Qj ont tous même degré, |Hj| = deg(Qj) = [ Kj : K ], et

– l’extension K1/K est un corps de racines pour f , ainsi que

pour chacun des Qj, et la situation relève du théorème 6.14,

en particulier, H1= Gal(K1/K).

J

1. Le discriminant D est égal (au signe près) au produit des uσ− uτ

pour σ 6= τ ∈ Sn. Chaque uσ− uτ est une somme d’éléments ui(xσi− xτ i) :

chaque ui a pour coefficient 0 ou un xj− xk (j 6= k). Le premier monôme

pour l’ordre lexicographique qui apparaît dans le produit D est le monôme

un!(n!−(n−1)!)1 un! (n−1)!−(n−2)!



2 · · · u

n!(2!−1!) n−1 ,

avec pour coefficient un produit d’éléments du type xi− xj (i 6= j). Plus

précisément si δ = disc(f ), le coefficient en question sera, au signe près,

δ(n−2)!(n!−1).

2. On utilise la proposition 5.10 puisque R(a, T ) est le polynôme caractéris-

tique de a (lemme 5.12).

3. Voir le point 1b de la proposition 6.12. 4a. C’est clair.

4b. Le fait que A 'Q

jKj résulte du théorème des restes chinois.

L’égalitéQ

jQj(T ) =

Q

σ(T − aσ) dans A[T ] reste valable dans K1[T ].

Donc, il existe pour tout j un σj tel que Qj π1(aσj)



= 0, autrement dit, Qj(aσj) ∈ hQ1(a)iA. D’autre part, dans A on a Qj(aσj) = σj Qj(a)

 parce que Qj ∈ K[T ]. Donc σj hQj(a)iA ⊆ hQ1(a)iA.

Ceci nous donne une surjection σj : A/hQj(a)i → A/hQ1(a)i, i.e. une

surjection K[T ]/hQji → K[T ]/hQ1i. Il en résulte deg Q1 6 deg Qj, et par

symétrie deg Qj= deg Q1, d’où σj hQj(a)iA = hQ1(a)iA.

Ainsi Sn opère transitivement sur les idéaux hQj(a)iA et les Kj sont deux

à deux isomorphes. 

Remarque. La construction du corps de racines suggérée ici est en fait à

peu près impraticable dès que le degré n de f est supérieur ou égal à 7, car elle nécessite de factoriser un polynôme de degré n!. Nous proposons dans le chapitre VII une méthode dynamique moins brutale qui a l’avantage supplémentaire de ne pas réclamer de savoir factoriser les polynômes sépa- rables de K[T ]. La contrepartie de cette absence de factorisation sera que, bien que l’on sache calculer danshhuniicorps de racines, on n’est a priori

jamais certain de le connaître de manière complète (au sens où on connaîtrait sa dimension comme K-espace vectoriel). En outre, le même manque de précision se retrouve pour ce qui concerne le groupe de Galois.

Exemple. On considère le polynôme p(T)∈ Q[T ] ci-dessous. On demande

à Magma de prendre au hasard une combinaison linéaire z des xi (les zé- ros de p(T) dans l’algèbre de décomposition universelle A = AduQ,p), de

6. Théorie de Galois de base (1) 121

polynôme minimal pm de degré 720 et le décompose en un produit de 30 facteurs de degré 24 (le tout en une ou deux minutes). Un de ces facteurs est le polynôme q. Comme q est très encombrant, on demande à Magma de calculer une base de Gröbner de l’idéal engendré par les modules de Cauchy d’une part, et par q(z) d’autre part, ce qui fournit une description plus claire du corps de racines A/hq(z)i : x6 est annulé par p, x5 est annulé par un polynôme de degré 4 à coefficients dans Q[x6], x1, . . ., x4 s’expriment

en fonction de x5 et x6. Le calcul de la base de Gröbner prend plusieurs heures. Magma peut ensuite calculer le groupe de Galois, qui est donné par deux générateurs. Voici les résultats :

p:=T^6 - 3*T^5 + 6*T^4 - 7*T^3 + 2*T^2 + T - 1; z:=x1 + 2*x2 + 13*x3 - 24*x4 + 35*x5 - 436*x6; pm:=T^720 + 147240*T^719 + 10877951340*T^718 + 537614218119000*T^717 + 19994843992714365210*T^716 + 596880113924932859498208*T^715 + 14896247531385087685472255280*T^714 + ... q:= T^24 + 4908*T^23 + 13278966*T^22 + 25122595960*T^21 + 36160999067785*T^20 + 41348091425849608*T^19 + 38304456918334801182*T^18 + 28901611463650323108996*T^17 +... //on annule q(z): description du corps des racines;

Affine Algebra of rank 6 over Rational Field Variables: x1, x2, x3, x4, x5, x6 Quotient relations: x1 + 18/37*x5^3*x6^5 - 45/37*x5^3*x6^4 + 104/37*x5^3*x6^3 - 3*x5^3*x6^2 + 36/37*x5^3*x6 - 1/37*x5^3 - 27/37*x5^2*x6^5 + 135/74*x5^2*x6^4 - 156/37*x5^2*x6^3 + 9/2*x5^2*x6^2 - 54/37*x5^2*x6 + 3/74*x5^2 + 91/37*x5*x6^5 - 455/74*x5*x6^4 + 460/37*x5*x6^3 - 25/2*x5*x6^2 + 108/37*x5*x6 + 31/74*x5 - 41/37*x6^5 + 205/74*x6^4 - 204/37*x6^3 + 11/2*x6^2 - 45/37*x6 - 53/74, x2 + x6 - 1, x3 + x5 - 1, x4 - 18/37*x5^3*x6^5 + 45/37*x5^3*x6^4 - 104/37*x5^3*x6^3 + 3*x5^3*x6^2 - 36/37*x5^3*x6 + 1/37*x5^3 + 27/37*x5^2*x6^5 - 135/74*x5^2*x6^4 + 156/37*x5^2*x6^3 - 9/2*x5^2*x6^2 + 54/37*x5^2*x6 - 3/74*x5^2 - 91/37*x5*x6^5 + 455/74*x5*x6^4 - 460/37*x5*x6^3 + 25/2*x5*x6^2 - 108/37*x5*x6 - 31/74*x5 + 41/37*x6^5 - 205/74*x6^4 + 204/37*x6^3 - 11/2*x6^2 + 45/37*x6 - 21/74, x5^4 - 2*x5^3 + x5^2*x6^2 - x5^2*x6 + 4*x5^2 - x5*x6^2 + x5*x6 - 3*x5 + x6^4 - 2*x6^3 + 4*x6^2 - 3*x6 - 1, x6^6 - 3*x6^5 + 6*x6^4 - 7*x6^3 + 2*x6^2 + x6 - 1 // le groupe de Galois;

Permutation group acting on a set of cardinality 6 Order = 24 = 2^3 * 3

(1, 4)(2, 5)(3, 6) (1, 2, 4, 6)

On notera que discT(p) = 24× 373, ce qui n’est pas sans rapport avec les

page 436 avec la méthode dynamique.

Remarque. Nous interrompons ici le traitement de la théorie de Galois de

base. Nous reprendrons le fil de ces idées dans les sections VI -1 et VI -2 qui peuvent être lues directement ici (les résultats des chapitres intermédiaires ne seront pas utilisés). Dans le chapitre VII nous aborderons une théorie plus sophistiquée qui s’avère nécessaire lorsque l’on ne dispose d’aucun algorithme de factorisation des polynômes séparables sur le corps de base.

7. Le résultant

Le résultant est l’outil de base de la théorie de l’élimination. Ceci est basé sur le lemme d’élimination de base 7.5 qui s’applique avec n’importe quel anneau et sur son corollaire 7.7 pour le cas géométrique.