• Aucun résultat trouvé

CONSIDERATIONS GENERALES

Partie I C ADRE CONCEPTUEL

APPROCHE QUANTITATIVE

3.2.1 CONSIDERATIONS GENERALES

Avant de nous intéresser aux indicateurs à proprement parler, quelques considérations générales s’imposent.

Premièrement, de la même manière qu’il existait une multiplicité des définitions de la famille, il est également possible d’identifier trois approches pour la définition des indicateurs relatifs aux parcours migratoires : sociodémographiques, légale, déclarative. Dans le premier cas, c’est la combinaison des critères sociodémographiques (âge, situation conjugale, ordre des migrations…) qui permet d’identifier un événement. L’adoption d’une approche légale se base sur la reconnaissance de la personne par l’administration, par exemple lorsque cette personne remplit les critères d’accès à un dispositif légal et en est le bénéficiaire. Dans le dernier cas, c’est la déclaration de l’individu, par exemple dans le cadre d’un entretien ou d’une question ouverte dans une enquête statistique, comme appartenant à la catégorie en question qui permet de la définir. Le Tableau 3-2 illustre ces trois approches avec l’exemple des migrations familiales. Tableau 3-2 Définition de la migration familiale : trois approches

Approche Définition

Sociodémographique Une migration est définie comme familiale lorsqu’une personne migre pour rejoindre un conjoint ou un parent déjà résidant dans le pays de destination

Légale Une migration est définie comme familiale lorsqu’une personne bénéficie d’une procédure de migration familiale (regroupement familial, famille de Français…)

Déclarative Une migration est définie comme familiale lorsque la personne déclare avoir migré pour des motifs familiaux, pour rejoindre ou accompagner son conjoint / parent / autre membre de famille.

Source : Élaboration de l’auteur.

Dans certaines situations les trois définitions peuvent correspondre, mais il peut également y avoir des discordances entre les catégorisations. Par exemple, une personne peut être venue pour rejoindre ses parents, mais ne pas être passé par une procédure correspondante. De la même manière, la migration d’un enfant peut être postérieure à celle des parents, mais c’est la poursuite de ses études qui l’a motivé à les suivre.

Dans la description qui suit, nous nous intéressons plus longuement au premier type d’indicateurs dans la mesure où ils sont les seuls pouvant être construits à partir des informations disponibles dans les sources statistiques, et notamment les enquêtes. Les deux autres types d’indicateurs existent et laissent peu de marge de manœuvre au chercheur pour les modifier, à moins de remonter à la source initiale et changer le mode de collecte des informations dans un fichier administratif ou réaliser une enquête statistique soi-même.

170

Deuxièmement, lorsque l’on travaille sur les familles, le choix de l’unité d’analyse – famille, parent ou enfant – est important dans la mesure où il détermine les indicateurs pouvant être estimés et les niveaux du phénomène130. S’il l’on s’intéresse aux pays d’origine des familles transnationales, la distribution sera modifiée selon que l’on la mesure au niveau des familles ou des enfants, du fait que les familles originaires de certaines régions du monde sont plus nombreuses (due à une forte fécondité ou l’absence de réunification partielle des enfants). Cependant en contexte migratoire d’autres choix déterminent également le niveau, mais plus généralement la signification des indicateurs. Par exemple, la mesure de la fréquence des configurations familiales transnationales différera selon qu’elle porte sur le parent migrant dans le pays d’arrivée ou l’enfant resté dans le pays d’origine. Les indicateurs décrits dans la suite de cette section sont conçus pour refléter au plus près les expériences spécifiques des enfants dans le contexte migratoire ; cependant, compte tenu des données disponibles, certains ne peuvent pas être estimés au niveau des enfants ou du tout, tandis que d’autres doivent être adaptés (plus de précisions dans la partie II).

3.2.1 TRAJECTOIRES MIGRATOIRES

Pour décrire les trajectoires migratoires des enfants nés à l’étranger nous distinguons deux groupes d’indicateurs relatifs d’une part au calendrier et à l’intensité de la migration de l’enfant dans le cadre familial, et d’autre part aux conditions de celles-ci.

a) CALENDRIER ET INTENSITE DE LA MIGRATION DE L’ENFANT

MODELE GENERAL

Lorsqu’une famille s’engage dans la migration internationale, à savoir l’un des parents migre à l’étranger, quel est le devenir des enfants concernés en termes de leurs propres trajectoires migratoires ? Deux trajectoires peuvent se présenter :

- Migrant familial : l’enfant migre également vers le pays de destination ; si la famille a été séparée elle connait une réunification dans le pays de destination ;

- Non-migrant : l’enfant ne migre pas ; la famille connait éventuellement une réunification dans le pays d’origine lorsque le parent primo-migrant rentre.

Les théories des migrations internationales, NE et NELM, proposent deux idéaux-types de migrants – le migrant permanent et le migrant temporaire – qui permettent de prédire le pays où aura lieu la réunification, ainsi que le calendrier (approximatif) que celle-ci suivra. Le Tableau 3-3 présente de manière synthétique l’évolution d’une cohorte de familles migrantes lorsque le seul événement observé est la réunification dans chacun des modèles migratoires, ainsi que dans un modèle migratoire mixte (présence des migrants temporaires et permanents).

130 A titre d’exemple, la fréquence des familles recomposées mesurée au niveau des familles est moindre que celle mesurée au niveau des enfants du fait que ces familles sont généralement de taille plus grande que les familles nucléaires ou monoparentales.

171 Tableau 3-3 Modèle de migration et pays de réunification des familles

Modèle Description Représentation graphique

Migration temporaire

L’ensemble des migrants retournent dans le pays d’origine. Les familles transnationales se réunissent dans le pays d’origine.

Migration permanente

L’ensemble des migrants s’installent de manière permanente dans le pays de destination. Les familles transnationales se réunissent dans le pays de destination.

Mixte Une partie des migrants restent de manière permanente dans le pays de destination, l’autre retourne dans le pays d’origine. Les réunifications des familles transnationales ont lieu dans les deux pays.

Source : Élaboration de l’auteur.

Dans les deux premiers modèles, il n’y a qu’un seul événement étudié et l’analyse de la réunification des familles transnationales correspond à un modèle d’analyse démographique classique. Dans le cas d’un modèle de migration mixte (plus réaliste), les deux types de réunification (dans le pays d’origine ou de destination) sont les événements étudiés et différentes hypothèses peuvent être faites quant à leur relation (indépendance, compétition). Cependant, comme le suggère la littérature, quel que soit le projet migratoire initial, il évolue

t

Famille transnationale

S

Famille réunie au pays d’origine

t Famille transnationale

S

Famille réunie au pays de destination

t

Famille transnationale

S

Famille réunie au pays de destination

Famille réunie au pays d’origine

172

avec le temps, et dépend notamment de l’événement étudié, soit les réunifications des familles. Compte tenu de la multiplicité des facteurs pouvant influer les chances de réunification des familles, mais également le projet migratoire, et l’absence des sources de données adéquates, nous sommes souvent amené à observer les trajectoires effectives, sans toutefois pouvoir les rattacher à un projet migratoire spécifique.

Certains événements, notamment le décès et l’accès de l’enfant à un statut indépendant, empêchent l’observation des événements étudiés. Il ne paraît pas excessif d’affirmer que le décès est indépendant de la réunification des familles, bien qu’il puisse y avoir une relation avec les situations de santé des protagonistes et leurs comportements de réunification. Cependant, la situation semble être plus complexe lorsque l’on considère l’accès à l’indépendance de l’enfant. Les décisions relatives aux deux processus – réunification et accès à l’indépendance de l’enfant – se font en parallèles. Les enfants qui deviennent indépendants plus rapidement sont probablement ceux qui ont des relations moins étroites avec les parents et qui connaitraient donc des taux de réunification moindres. L’observation de la réunification des enfants risque donc d’être biaisée, surtout pour les enfants les plus âgés. La relation entre la dissolution du lien familial et la réunification risque d’être encore plus étroite lorsque l’on considère les couples131. Lorsqu’un système de suivi longitudinal permet de suivre les familles dans le temps, il est possible d’observer l’ensemble des événements constitutifs du modèle. Or, ces systèmes existent rarement et les sources de données mobilisées correspondent le plus souvent à des observations rétrospectives des familles dont les membres sont encore vivants, ce qui peut résulter dans les biais s’il existe une relation entre les deux évènements. Ces dispositifs couvrent également un seul territoire national (soit le pays d’origine, soit le pays de destination) ce qui résulte en des biais supplémentaires. Ainsi, lorsque l’observation n’a lieu que dans un seul des pays, les familles réunies dans l’autre pays ne sont plus observées et les mesures à partir de chaque pays surestiment donc la proportion finale des réunifications (qui tend vers 1). Les implications de cette situation font davantage l’objet de discussions dans le chapitre 5. Cependant, il est possible dès maintenant de noter que compte tenu de la présence assez longue des migrants dans le pays de destination (qui peut durer plusieurs décennies), y compris lorsqu’ils ont des enfants à charge, ces biais sont limités. Le développement des enquêtes multi-situées auprès des populations migrantes permet également de limiter ces biais en permettant d’analyser à la fois les réunifications dans les pays de destination et d’origine (Baizán, Beauchemin et al., 2014 ; Gonzalez-Ferrer, Baizán et al., 2012).

MOMENT DE LA MIGRATION INITIALE

Lorsque l’enfant migre avec le parent, la famille ne connait a priori pas de séparation géographique et ne formera donc pas de famille transnationale. La notion de « famille accompagnante » fait référence à ces situations familiales.

131 L’hypothèse que les couples qui rompent durant cette étape de vie à distance auraient le même comportement de réunification que les couples encore ensemble n’apparait pas justifié (couples plus instables, moindre désir de cohabitation).

173 Quels critères permettent de définir la simultanéité de la migration ? Pour pouvoir bénéficier de la procédure de « famille accompagnante » et ainsi être identifié comme telle dans les sources administratives, la famille en question doit remplir des critères relatives à sa composition (lien conjugal ou filial, âge des enfants) et à son statut socio-économique (niveau d’éducation, revenus, catégorie socio-professionnelle). Cependant, cette approche permet d’identifier seulement une partie des familles migrant ensemble.

Une seconde approche consiste à demander aux personnes si elles ont migré ensemble avec des membres de leurs familles132. Selon la formulation de la question et l’interprétation qui en sera faite par le répondant, cette simultanéité pourrait comprendre des migrations des personnes arrivant ensemble au cours d’une période plus ou moins longue (journée, mois, année). Cependant, cette approche pose davantage de problèmes lorsque l’on s’intéresse aux dynamiques de groupe et replaçons la migration de l’enfant au sein du couple parental et non plus en référence à un seul parent. Si l’ensemble des membres sont venus en même temps, la famille est identifié comme ayant migré ensemble. A partir du moment où les migrations ont lieu à différents moments par rapport au parent répondant, il n’est plus possible d’établir une chronologie des arrivées des membres.

Une dernière possibilité consiste à reconstruire a posteriori les trajectoires migratoires d’une famille pour voir si les membres sont arrivés au cours d’une même période. Cette période pouvant être plus ou moins étendue selon les informations disponibles (année, mois, jour de l’arrivée de chacun des membres), l’identification d’une migration comme « simultanée » sera d’autant plus fréquente lorsque la période de référence est longue (année) que lorsqu’elle est plus courte (mois, jour). La majorité des enquêtes contiennent uniquement les années d’arrivée des personnes. Dans cette situation, une migration simultanée est définie comme la migration de deux membres de la famille la même année ; l’arrivée des membres en deux années distinctes constitue une migration par étapes. Cette approche peut aboutir à la classification de certaines familles comme étant séparées durant au moins un an, alors que leur séparation aurait pu être de très courte durée et ne pas révéler d’un choix explicite (retardement de quelques mois le temps de permettre aux enfants de terminer une année scolaire…)133.

b) CONDITIONS DE LA MIGRATION DES ENFANTS

Le groupe des mineurs isolés étrangers est défini par l’absence de parents dans le pays de destination134. Dans certains contextes uniquement les enfants sans autorisation d’entrée sur le territoire sont identifiés comme tels : au sein de l’UE seuls les étrangers mineurs ressortissants des pays tiers sont désignés comme MIE. D’autres pays regroupent l’ensemble des enfants sans

132 Cette approche est utilisée dans l’enquête PPM dans laquelle le primo-migrant renseigne pour chacun des habitants du logement né à l’étranger si « est-il/elle arrivé en France en même temps / après / avant

vous ? ». (Source : questionnaire)

133 La procédure de famille accompagnante précise que l’arrivée de la famille peut être concomitante ou postérieure à celle du migrant travailleur (Source: http://www.immigration-professionnelle.gouv.fr). 134 Cette notion de « isolé » doit également être discutée car s’ils n’ont pas de tutelle légale en France, ils peuvent néanmoins avoir des rapports avec leur famille restée dans le pays d’origine.

174

autorisation d’entrée sur le territoire, quelle que soit leur situation familiale135. Dans le cadre de cette recherche les enfants migrants accompagnent ou rejoignent un parent déjà résidant et ne rentrent donc pas dans cette catégorie. Cependant, il est également possible qu’un enfant migrant dans le cadre familial soit identifié comme étant « seul » selon certaines approches ou à certaines étapes de son parcours.

La procédure de regroupement familial distingue si l’enfant figure seul dans la demande ou avec un autre parent. L’adoption d’une approche sociodémographique en combinant les années d’arrivée des membres d’une famille permet d’identifier les situations où l’enfant a migré seul (pas de parents migrants dans la même année). Des enfants ayant pu faire le voyage avec les autres membres de la famille, mais régularisés séparément après seront identifiés comme « seuls » (davantage sur ce point dans le chapitre 7). Si l’enfant a effectué le voyage sans ses parents, ces derniers résident néanmoins dans le pays de destination et l’enfant vivra avec eux une fois sur place. D’autres trajectoires plus complexes peuvent également exister, tel un enfant venu en France avec son ou ses parents, qui décident de rentrer ultérieurement et le laisse avec d’autres membres de famille dans le pays de destination.