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1.3 La place du PCTA[12] parmi les ligands polyaminocarboxyliques

1.3.1 Considérations thermodynamiques et cinétiques

Afin de permettre une meilleure approche des potentialités du PCTA[12], d’autres ligands polyaminocarboxyliques linéaires ou cycliques sont présentés ci- après pour une étude comparative. En plus du DTPA, du NOTA et du DOTA déjà évoqués, deux autres chélatants heptadentes sont considérés (Figure 1.10). Le chélatant Py a initialement été développé en tant que sonde bimodale IRM/imagerie optique, et est l’homologue acyclique du PCTA[12].41,42,43,44 Le second est le DO3A, un

dérivé heptadente du DOTA proposant seulement trois groupements acide acétique.

Figure 1.10. Différents ligands polyaminocarboxyliques présentés à des fins de comparaison

1.3.1.1 Stabilité thermodynamique

La stabilité thermodynamique d’un complexe reflète la force de l’interaction entre un ligand et un métal donné. Cette grandeur est caractérisée par une constante (log KML), et est dépendante de plusieurs paramètres tels que la basicité totale ou la

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denticité du ligand. De manière générale, les ligands macrocycliques ayant le plus d’atomes donneurs basiques forment les complexes les plus stables thermodynamiquement.45 De plus, la stabilité des complexes de lanthanides est

relative à la basicité totale du ligand (log Ki), il est donc à prévoir que les chélates

dérivés du PCTA[12] soient moins stables que ceux du DO3A, du DTPA, ou du DOTA (Tableau 1.5).

NOTA 40 Py 43 PCTA 40 DO3A 40 DTPA 12 DOTA 40

log K1 11,96 8,95 11,36 11,59 10,58 12,09 log K2 5,65 7,85 7,35 9,24 8,60 9,70 log K3 3,17 3,38 3,83 4,43 4,30 4,50 log K4 - 2,48 2,12 3,48 2,59 4,14 log K5 - - 1,29 - 1,08 2,32 log Ki 20,78 22,66 25,95 28,74 27,15 32,75 log KCaL 8,92 9,43 12,72 12,6 10,8 17,23 log KCuL 21,63 15,69 18,79 25,6 21,5 22,25 log KZnL 18,3 15,84 20,48 21,8 18,6 21,1 log KYL - - 20,3 21,1 22,1 24,3 log KCeL 13,2 - 18,2 19,7 20,5 23,4 log KEuL 13,9 - 20,3 - 22,4 23,5 log KGdL 14,3 18,60 20,4 21,1 22,5 24,7 log KYbL 15,4 - 20,6 23,0 22,6 25,0 Fonctions coordinantes 6 7 7 7 8 8

Tableau 1.5 Constantes de protonation et constantes de stabilité de complexes polyamino-

carboxyliques vis-à-vis de cations divalents et trivalents en milieu aqueux

En prenant le gadolinium comme exemple, les constantes de stabilité thermodynamique (log KGdL) du PCTA[12], du DO3A et du DOTA sont

respectivement de 20,4, 21,1, et 24,7, pour des valeurs de constantes de basicité totale de 25,95, 28,74 et 32,75. Les complexes de métaux de transition et le complexe de gadolinium du PCTA[12] sont respectivement jusqu’à quatre ordres de grandeur et près de deux ordres de grandeur plus élevés que leurs homologues acycliques issus du ligand Py (log KGdPy = 18,6), mettant en évidence l’influence de l’effet macrocyclique

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sur la stabilité des complexes. Trois autres considérations peuvent également être observées :

o parmi tous les ligands heptadentes, donc à nombre de fonctions coordinantes égal, le PCTA[12] forme des complexes cent fois plus stables que son homologue linéaire, et presque aussi stables que ceux du DO3A,

o bien que plus rigide, la cavité du PCTA[12] semble être parfaitement adaptée à la coordination des lanthanides et forme des complexes dont les constantes de stabilité sont jusqu’à six ordres de grandeur plus élevées que celles du NOTA (log

KGdNOTA = 14,3),

o la plus haute stabilité (opposée à ce qu’aurait prédit la série d’Irving-William) de [Zn(PCTA)]- comparée à celle de [Cu(PCTA)]- montre que le PCTA[12] pourrait

être utilisé à des fins de complexation sélective du cation Zn2+,

o dans le cas du PCTA[12], Tircsó et al. rapportent des valeurs de constantes de stabilité des complexes d’ions lanthanides similaires à celle du complexe de zinc (log KZnPCTA = 20.48) contrairement à ce qu’avait rapporté Delgado et al. (log

KZnPCTA = 18.22).39,40 Des réactions de transmétallation entre ces complexes ne sont

donc pas à exclure.

1.3.1.2 Inertie cinétique

La détermination de la constante de stabilité thermodynamique est un critère incontournable pour la caractérisation d’un complexe métallique. Plusieurs publications ont cependant mis en évidence l’importance de l’évaluation de la stabilité cinétique de ces complexes si une application in vivo est envisagée. D’autres facteurs tels que le pH, la résistance à la transmétallation ou à la transchélation sont en effet à prendre en compte lorsque la stabilité des complexes d’ions lanthanides en milieux biologiques est évoquée. La présence d’ions endogènes compétiteurs comme le zinc, le cuivre ou le fer, ou la grande affinité des lanthanides pour les ions phosphates, citrates ou carbonates peuvent déplacer l’équilibre de complexation et conduire au relargage in vivo du métal. La manière la plus simple d’appréhender l’inertie cinétique d’un complexe est de le placer en milieu acide (i.e. dans un état thermodynamiquement

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instable), et de mesurer, suivant les techniques employées, l’évolution de sa concentration ou celle de l’ion dissocié en fonction du temps. Une constante de vitesse de dissociation peut alors être déterminée, caractérisant la capacité du complexe à se dissocier. Plus la valeur de cette constante sera grande, plus le complexe se dissociera facilement (Tableau 1.6).

DTPA DO3A PCTA DOTA

Ce3+ - 1,1.10-1 9,6.10-4 8.10-4

Eu3+ - - 5,1.10-4 1,5.10-5

Gd3+ 0,6 1,6.10-3 - 8,4.10-6

Tableau 1.6 Constantes de vitesse (M-1.s-1) caractérisant la dissociation de complexes issus de

ligands polyaminocarboxyliques linéaires ou cycliques (I = 1,0 M KCl 25 °C pour le PCTA)40,46

Comme attendu, le chélate de gadolinium basé sur le ligand linéaire DTPA est celui qui se dissocie le plus rapidement. En ce qui concerne les macrocycles, la comparaison des données montre que la perte d’une des fonctions acétate du DOTA, donc le passage d’un ligand octadente à un ligand heptadente, engendre une augmentation drastique de la constante de vitesse de dissociation. Cependant, si un noyau pyridine est introduit dans le macrocycle comme dans le cas du PCTA[12], les complexes formés restent cinétiquement inertes.

Bien qu’important, ce type d’études ne doit cependant pas exclure le recours à des tests permettant d’évaluer une stabilité cinétique à pH physiologique, notamment vis-à-vis des réactions de transmétallation et de transchélation.

1.3.1.3 Cinétique de formation

La cinétique de complexation est également un critère important, notamment dans le cadre de la conception de radiopharmaceutiques. Celle-ci dépend de plusieurs facteurs facilement contrôlables tels que le pH, la température ou la concentration des réactifs, mais également de la structure du ligand. Si les complexes issus de ligands linéaires se dissocient plus facilement, ils présentent l’avantage d’une cinétique de formation rapide du fait de la plus haute flexibilité de leur structure. Lorsqu’un

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complexe basé sur un ligand polyaminocarboxylique acyclique se forme, l’ion lanthanide est d’abord électrostatiquement attiré par les charges négatives des fonctions acétate, puis, en s’organisant autour de lui, le squelette aminé permet d’exclure les molécules d’eau de sa première sphère de coordination. Dans le cas d’un ligand macrocyclique, la même étape d’attraction de l’ion par les fonctions acétate a lieu mais le ligand étant plus rigide, l’encapsulation de l’ion dans la cavité est plus longue. De plus, les amines macrocycliques ont tendance à être plus basiques que les amines linéaires, une première étape de déprotonation peut donc être nécessaire, abaissant encore la vitesse de complexation.47 Egalement, il est possible de mesurer la

vitesse de formation d’un complexe en suivant l’évolution de sa concentration en fonction du temps. Plus la valeur de la constante de vitesse sera grande, plus la cinétique de formation sera rapide (Tableau 1.7).

DOTA DO3A PCTA

Ce3+ 3,5.106 - 9,7.107

Eu3+ 1,1.107 - 1,7.108

Gd3+ 5,9.106 2,1.107 1,1.108

Tableau 1.7 Constantes de vitesse (M-1.s-1) caractérisant la formation de complexes issus de

ligands polyaminocarboxyliques cycliques (I = 1,0 M KCl 25 °C pour le PCTA)40

Les fonctions amine du PCTA[12] sont moins basiques que celles du DO3A ou du DOTA, il formerait donc, a priori, des complexes plus facilement. Les valeurs de constantes de formation confirment cette hypothèse, et montrent que la cinétique de complexation du PCTA[12] peut aller jusqu’à près de vingt fois plus vite que celle du DOTA dans le cas du gadolinium. La nature préorganisée du ligand due à la présence du noyau pyridine expliquerait, au moins en partie, ces résultats.