députés le 17 mars 1879 et par le Sénat le 5 avril. Les travaux débutent en 1882, mais ils sont
suspendus à deux reprises: une première fois entre 1894 et 1897 et une seconde fois pendant
la Première Guerre Mondiale. La première interruption s’explique par les difficultés
rencontrées lors du percement des tunnels de Châlonvillars et du Chérimont. En effet, le
volume de déblais à évacuer avait été sous-estimé; à d’autres endroits, les remblais à effectuer
avaient été insuffisamment évalués. Dès lors le budget initial s’avérait insuffisant et par
conséquent, il fallait des crédits supplémentaires pour achever le canal. Mais les crédits votés
tardent à être versés et les travaux n’ont pu être achevés avant le début de la guerre. Ensuite
avec le retour de l’Alsace-Moselle à la France en 1919, le canal perdait sa vocation initiale.
Une décision ministérielle du 22 octobre 1919 exige toutefois que les études soient
poursuivies jusqu’à la Lanterne. Un tracé entre Ronchamp et la Saône est arrêté en août 1921
qui empruntait, à partir de Lure, la vallée de la Lanterne pour passer à proximité de
Luxeuil-les-Bains et rejoindre la Saône au niveau de Conflandey au confluent de la Lanterne et de la
Saône (cf. figure n°27).
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IGURE27 :L
E CANAL DEM
ONTBELIARD A LAS
AONESource62 : Lannoir, 1931 Cette figure montre le tracé retenu pour la construction du canal à l’ouest de Ronchamp. Elle indique également les parties mises ou non en eau. Cette carte, vieille de plus de 75 ans, a le mérite d’être précise et claire.
62 M. Lannoir, Le canal de Montbéliard à la Haute-Saône, Annales de Géographie, vol. 40, n°228, 1931, p 664-669.
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Mais au peu d’entrain montré par l’administration, s’ajoute un désaccord entre les
collectivités et les chambres de commerce intéressées par ce canal. Les acteurs favorables au
canal sont la société des mines de Ronchamp et les chambres de commerce et d’industrie de
Lure-Luxeuil-les-Bains, de Vesoul-Gray et de Besançon qui voyaient dans ce canal, le moyen
d’élargir leurs débouchés. Ainsi pour la C.C.I. de Lure-Luxeuil-les-Bains et l’office des
transports de l’est basé à Nancy, la mission primordiale était de relier le bassin industriel
franc-comtois à celui de la Lorraine. En revanche, pour le port de Gray et les chambres de
commerce et d’industrie de Gray-Vesoul et de Besançon, ce canal au gabarit de 600 tonnes
constituait le maillon essentiel de la grande liaison Rhin-Rhône, malgré une distance
supérieure de 52 kilomètres par rapport au canal Rhin-Rhône empruntant la vallée du Doubs.
Cette liaison était plus rapide, car elle comporte nettement moins d’écluses. Étrangement, la
C.C.I. de Belfort se désintéresse du projet, satisfaite des performances du chemin de fer.
Au premier abord, le tracé du canal peut paraître surprenant, car il longe la bordure
sud du massif vosgien. Néanmoins, en étudiant la morphologie du relief de cette région et plus
particulièrement les environs de la commune de Ronchamp, on comprend le choix des
ingénieurs. À l’est, le canal remonte la vallée de la Lizaine, rivière appartenant au bassin
versant du Doubs. La Lizaine prend sa source sur un conglomérat de grès datant du trias
recouvrant la partie ouest du bassin permien de Giromagny-Ronchamp. Comme au début du
XX
esiècle, les techniques employées ne permettaient pas de construire des ascenseurs à
bateaux performants, les ingénieurs ont opté pour un tunnel. Ces grès, d’une épaisseur de
200 mètres, ont imposé le percement d’un tunnel, afin que le canal de la Haute-Saône rejoigne
la vallée du ruisseau du Beuveroux qui appartient au bassin versant de l’Ognon. Cette couche
de grès forme donc un bief de partage entre le bassin versant de l’Ognon et celui du Doubs.
Cette tâche est rendue d’autant plus facile que les altitudes sont quasiment identiques aux
deux extrémités du tunnel. (cf. figure n°28).
Le projet du canal de Haute-Saône est définitivement abandonné en 1930. Sur les
83 kilomètres prévus, seuls 30 ont été creusés. Les travaux réalisés se situent dans la partie
orientale, entre le Ban de Champagney et Montbéliard. Ils se divisent en deux parties ; la
première va de Montbéliard à Châlonvillars, partie mise en eau et exploitée ; la seconde va de
Châlonvillars au Ban de Champagney ; là le canal n’est qu’un chenal non mis en eau (cf.
figure n°29). Sur la portion mise en eau, seule la partie allant de Montbéliard à Botans (90) est
ouverte à la navigation, le reste servant de réserve de pêche; le chemin de halage a été
aménagé comme celui des rives de Saône prenant ici le nom de « coulée verte »
63.
63 Coulée verte : C’est un aménagement paysager dans un milieu urbanisé, le plus souvent suivant des axes de communication tel qu’une voie ferrée ou un canal. Cet aménagement est destiné à pratiquer une activité de promenade avec des modes de transports doux (marche, vélo, rollers, etc.).
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IGURE28C
ROQUIS DE LA REGION DER
ONCHAMP-C
HAMPAGNEY
Source : .B.R.G.M., Carte géologique de Lure 1/80 000, Paris
Ce croquis montre que le canal de la Haute-Saône suit le relief en empruntant le plus possible les vallées creusées par les cours d’eau. Le souterrain du Chérimont est creusé sous les grès qui remblaient le bassin permien de Giromagny-Ronchamp. Au niveau morphologique, le tunnel suit le graben c’est-à-dire un compartiment abaissé.
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IGURE29 :L
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ANAL DE LAH
AUTE-S
AONELe canal de la Haute-Saône n’est qu’en partie mis en eau et donc qu’en partie navigable. En Haute-Saône, le canal est simplement creusé, mais on retrouve aisément son tracé par la présence des ouvrages d’art. Par contre dans le Territoire de Belfort, le canal est mis en eau, mais n’est navigable que jusqu’à Botans ; à l’amont de cette commune, il a été déclassé du domaine navigable en 1957 et actuellement sert de réserve de pêche.