• Aucun résultat trouvé

INTERVENTIONS UNIVERSELLES  Favoriser l’émergence de compor-

3) Prévention tertiaire : à l’école et dans le milieu familial

2.4. Considérations sur les outils de dépistage et contribu tion aux objectifs de recherche

Comme en attestent les nombreuses recherches consultées, les enseignants ont tendance à signaler principalement les élèves manifestant des troubles comportementaux externalisés. Les élèves avec des troubles émotionnels internalisés sont en général sous-identifiés car leurs comportements ne sont pas particulièrement dérangeants pour l’environnement social (Gresham et Kern, 2007). Dans une perspective en psychopathologie développementale, tout enfant engagé dans une trajectoire développementale défavorable a la possibilité de poursuivre son développement dans une voie positive grâce à des interventions ciblées vi- sant à modifier les facteurs de risque (Cummings et al., 2000). Pour ce faire, il importe de former le corps enseignant sur la manière dont les troubles émotionnels et comportementaux se manifestent ainsi que sur la manière de les gérer en classe, lui fournir les outils de dépis- tage adaptés pour maximaliser leurs compétences d’évaluation et lui mettre à disposition des interventions ciblées aux trois niveaux de prévention. Grâce à ses évaluations et ses obser- vations, l’enseignant représente le lien principal entre certains élèves en souffrance psy- chique et l’accès aux services psychologiques (Gresham et Kern, 2007). Au vu du nombre d’heures passées en classe, le point de vue et le soutien de l’enseignant ont une influence déterminante dans le traitement et la guérison de l’enfant (Stark, 1990). Une fois l’intervention ciblée mise en place, l’enseignant collabore à la prise en charge en adaptant ses pratiques pédagogiques au besoin de l’élève et apporte une assistance à la prise en charge thérapeutique.

74

L’enfance est une période propice à la prévention des problèmes émotionnels et comporte- mentaux. La promotion de la santé mentale chez les 6-12 ans donne des résultats efficaces à court et à moyen terme (Farrell et Barrett, 2007 ; Greenberg et al., 2000). De nombreux troubles mentaux à l’âge adulte ont leur origine dans des problèmes liés à l’enfance (Centre for Mental Health in Schools, 2004). Par exemple, les troubles anxieux et dépressifs persis- tants chez l’enfant s’associent à d’autres formes de psychopathologie et évoluent en dys- fonctionnement social et affectif à l’âge adulte (Purper-Ouakil et Bailly, 2002). L’identification et l’intervention précoce sont les mesures évaluées les plus efficaces à moyen terme pour contrer la psychopathologie infantile (Greenberg et al., 2000). L'identification précoce suivie d'une prise en charge éducative et thérapeutique améliore les résultats scolaires, les rela- tions sociales et familiales des enfants (Nurcombe, 2007). Sur le terrain, les soutiens propo- sés au niveau de la prévention primaire et secondaire sont souvent inexistants ou inadé- quats. Les écoles peinent à faire reconnaître la pertinence de ces interventions.

Les enseignants sont parfois opposés au dépistage précoce par crainte d’étiqueter et de stigmatiser les élèves durant leur trajectoire scolaire (Tyler-Merrick et Church, 2013). Ces résistances se rencontrent plus souvent dans les écoles où les enseignants et le personnel d’encadrement ressentent une surcharge de travail, les relations école-parents sont pertur- bées et les prises en charge des élèves dépistés sont inexistantes ou inadéquates (Nishioka, 2006). Dans ces établissements scolaires, le signalement des élèves en souffrance a lieu lorsque leur fonctionnement scolaire est entravé de manière significative. Des difficultés structurelles empêchent aussi la mise en place d’interventions préventives. Un manque d’espaces ou de locaux, le changement fréquent de personnel, des divergences de connais- sances et de cultures en santé mentale sont connus pour être des freins à la prévention (Weist et al., 2007). Pour une prévention efficace des troubles émotionnels et comportemen- taux, le dépistage précoce est indissociable des interventions ciblées et d’un accès facilité au soin clinique (Davis, Young, Hardman et Winters, 2011 ; Levitt, Saka, Hunter Romanelli et Hoagwood, 2007). Lorsque le système scolaire identifie des troubles émotionnels et compor- tementaux, il est en son devoir de fournir les soins adaptés et diversifiés dans un délai cor- rect (Purper-Ouakil et Bailly, 2002). Autrement, les professionnels de l’enfance se trouvent confronté à des dilemmes éthiques majeurs.

La mise en place d’instruments de dépistage et d’interventions spécifiques doit être soigneu- sement réfléchie à savoir comment les prestations de services seront fournies et coordon- nées (Chafouleas, Kilgus et Wallach, 2010). Pour dépasser les questionnements éthiques que soulèvent l’établissement de procédure de dépistage et des services de soutien relatifs,

75

il incombe de suivre certaines directives, à savoir (Lane et al., 2012; Levitt et al., 2007; Wal- ker, 2010) :

• Former aux bénéfices et aux conséquences du dépistage précoce les enseignants et les professionnels encadrant les enfants ;

• Fournir des interventions spécifiques ou des traitements appropriés aux élèves iden- tifiés ;

• Travailler en étroite collaboration avec les parents (les informer de toutes interven- tions ayant lieu hors du cadre de la classe) ;

• Travailler en partenariat entre les professionnels (enseignants, psychologues, éduca- teurs, etc.) afin d’assurer la confidentialité et le respect des droits de chacun.

Même s’ils requièrent une planification avisée et une mise en œuvre minutieuse, les avan- tages de la détection et des interventions précoces sont importants. Les répercussions posi- tives touchent autant les élèves en souffrance que l’ensemble de l’école. Le gain de temps et d’énergie acquis lors de cette démarche préventive sont consacrés à des activités scolaires et sociales enrichissantes au lieu d’en découdre avec les effets dommageables des troubles émotionnels et comportementaux (Walker, 2010). Les conséquences négatives des troubles ne sont plus assumées uniquement par l’enfant en souffrance, ses parents, son enseignant et ses pairs, mais aussi par des intervenants compétents collaborant en réseau. Le meilleur moment pour effectuer le dépistage précoce se situe dans les six à huit premières semaines d’école (Lane, Oakes, Menzies et Germer, 2014). A cette période, les enseignants connais- sent suffisamment les élèves pour compléter un outil de dépistage et il est assez tôt dans l’année scolaire pour envisager les interventions préventives selon les besoins des élèves identifiés. Grâce à leurs compétences d’observation, leur connaissance des élèves et leur capacité à les comparer à la norme, les enseignants sont les acteurs principaux de l’identification précoce des troubles émotionnels et comportementaux. Leurs compétences d’évaluateur à l’aide d’échelles d’évaluation ont été investiguées empiriquement (Dwyer et al., 2006 ; Eliott et Busse, 2007 ; Nishioka, 2006). L’enseignant est une ressource essentielle à la prévention des troubles survenant en cours de processus développemental.

L’objectif de l’élaboration d’un outil de dépistage à l’intention des enseignants répond au be- soin de leur fournir un outil visant à optimiser l’identification des comportements et des atti- tudes inadaptées en classe chez les élèves en souffrance psychique. Le dépistage précoce des troubles émotionnels et comportementaux intervient dans le but d’instaurer des interven- tions préventives selon les besoins de chacun ou en vue d’un signalement pour une prise en

76

charge thérapeutique en psychologie scolaire. Ces considérations théoriques amènent à une démarche psychométrique d’édification d’un outil de dépistage.

77

3.

P

RINCIPES PSYCHOMETRIQUES POUR