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Chapitre VI Evaluation à l’échelle du périmètre d’étude

VII- 3 Quelles conséquences d’une mise en œuvre de la protection pour les élevages sur la

Dans les scenarii 1 à 4, avec la mise en œuvre des moyens de protection, c’est toute la dynamique agricole du périmètre d’étude qui pourrait se trouver modifiée. Cette dynamique actuelle, présentée au Chapitre II, est caractérisée par l’érosion du nombre d’élevages ovins, en particulier laitiers, érosion certes moins importante qu’ailleurs sur le territoire français, associée à une tendance générale de concentration de l’activité (agrandissement des cheptels, intensification de la production laitière par brebis et par hectare) et à la recherche d’une plus grande valorisation des surfaces par le pâturage pour une partie des élevages.

Nous avons montré (section VI-2.i) une augmentation de la part des élevages qui dégageraient un revenu en dessous du seuil de viabilité, défini à 12 000 euros par actif non-salarié, quel que soit le scenario et ce, même avec une prise en charge partielle par l’Etat via les aides de l’actuel plan loup. Cela signifie que la mise en œuvre des moyens de protection accroitrait la vitesse de disparition des élevages, par cessation prématurée d’activités et absence de succession.

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Par ailleurs, la mise en œuvre des moyens de protection engendre, quel que soit le scenario, une augmentation de la charge de travail des éleveurs. Pour l’entretien des clôtures fixes sécurisées et le déplacement des filets (scenarii 1 à 3), nous avons fait le choix de l’embauche de salariés, ce qui pourrait générer la création d’emplois, que nous avons évaluée à une centaine, autour des élevages ovins du périmètre. Mais une part du travail supplémentaire est à la charge des éleveurs (scenarii 1 à 4), à savoir les activités d’éducation et de soin des chiens. L’ensemble de ces tâches : élevage des chiens de protection, entretien des clôtures fixes sécurisées, déplacement des filets, activités, s’ajoute ou déborde largement le travail habituel en élevage ovin et n’en constitue donc pas les fondements. Cette mise en œuvre est un changement conséquent dans le métier d’éleveur, qui en diminue l’attractivité. Par ailleurs, malgré l’adoption de moyens de protection, le risque de prédation demeure (Chapitre III), ce qui détériore encore l’attractivité du métier d’éleveur ovin.

Avec la diminution de la viabilité des élevages et la perte d’attractivité du métier d’éleveur, le nombre d’installations en élevage ne peut qu’évoluer à la baisse, dans tous les scenarii, altérant ainsi la dynamique en cours (cf. Chapitre II).

Cette mise en œuvre des moyens de protection, dans le cadre des scenarii 2 à 4, va également générer une intensification des systèmes d’élevage, avec diminution de l’utilisation des parcours et intensification de la conduite des surfaces cultivées, en particulier des prairies temporaires, soit par le pâturage (scenario 2) ou par la fauche (scenario 4) pour faire des stocks, dans la limite des possibilités de ces sols. Et, par voie de conséquence, nous l’avons vu, l’achat de fourrages augmente réduisant l’autonomie des élevages. Pour éviter ces achats, les éleveurs pourrait soit diminuer la taille des cheptels en la calant sur les capacités de production des surfaces cultivées, soit, inversement, acquérir des surfaces cultivées, auprès des producteurs cessionnaires. Dans le premier cas, de redimensionnement du cheptel à la surface actuelle des élevages, le maintien du revenu nécessiterait de trouver des débouchés encore plus rémunérateurs. Certains débouchés présentent actuellement cette caractéristique, mais cette possibilité de plus forte rémunération n’existe que parce que le nombre d’élevages qui utilisent ces circuits sont finalement peu nombreux au regard du nombre total d’élevages de la zone.

La cession de l’activité laitière pourrait se faire en faveur d’autres productions (bovins allaitants, équidés), bien que ces dernières ne soient pas épargnées par la prédation (Garde et Meuret, 2017). Elle pourrait également conduire à l’apparition d’exploitations spécialisées dans la production exclusive de fourrages, d’autant que, dans des scenarii comme le 3, la demande en fourrages conservés issus du Rayon de Roquefort resterait probablement importante, pour satisfaire aux critères du cahier des charges de l’AOP. Ce type d’exploitations spécialisées en production et vente de fourrages existe déjà dans certaines petites zones du Rayon de Roquefort.

Avec l’ensemble de ces transformations, c’est probablement une majorité d’élevages ovins laitiers de taille très importante qui se maintiendraient sur le périmètre d’étude. En effet, ce sont des élevages qui auraient conservé leurs effectifs de brebis en reprenant les prairies des éleveurs cessionnaire, afin de ne pas dégrader l’autonomie alimentaire, tout en cherchant des débouchés très rémunérateurs, le tout pour maintenir leur revenu,.

Dans les élevages ovins allaitants de plus de 100 têtes, la mise en œuvre des moyens de protection (scenarii 1 et 2) conduirait à des revenus négatifs pour les élevages les plus pâturants, et ce, malgré la prise en charge partielle de la protection par l’Etat dans le cadre de l’actuel plan loup (section VI-2.i).

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Dans ces cas, c’est la cessation d’activité et la disparition progressive au sein du périmètre d’étude de ce type d’élevage. En revanche, les élevages ovins allaitants les moins pâturants et avec une productivité élevée pourraient probablement se maintenir, malgré une baisse de leur revenu. Des conversions vers la production ovine laitière pourraient également s’observer dans les cas où la surface cultivée disponible est finalement assez importante, ces élevages profitant d’une collecte hors bassin ou d’opportunités de vente directe pour assurer un débouché rémunérateur.

Enfin, nous avons fait le choix dans notre étude de ne pas analyser les modifications de fonctionnement liées à la mise en œuvre des moyens de protection pour un élevage possédant moins de 100 têtes. Pour mémoire, sur le périmètre d’étude, ces élevages sont au nombre de 86 en 2015, essentiellement des ovins allaitants. Ils élèvent 2,5 % des reproducteurs de la zone et c’est pour cette raison que l’incidence économique globale de la mise en œuvre de la protection dans ces élevages ne serait probablement pas très forte. Ils constituent cependant une composante importante pour un tissu socio-économique diversifié. L’équilibre économique de certains de ces élevages pourrait être remis en question, tel que dans la trentaine d’élevages détenant entre 20 et 100 reproducteurs, où les cheptels d’ovins allaitants permettent souvent de jouer sur une diversité de produits (ovins associés avec des caprins allaitants, des volailles, accueil à la ferme…), bien valorisés au travers de circuits courts. De plus, dans ces élevages à petits effectifs ovins, le risque de prédation demeure aussi, malgré la mise en œuvre des moyens de protection (Chapitre III). Cette menace est difficile à supporter pour les élevages à finalité productive, mais elle remet en cause complètement l’existence d’une petite troupe animale quand celle-ci a une finalité de loisirs, d’entretien d’un jardin et d’auto-consommation, ce qui est souvent le cas des élevages de moins de 20 têtes. Cette menace et la fragilisation de l’équilibre économique des élevages ovins de très petite taille conduiraient probablement à la disparition « silencieuse » de tous les cheptels de moins de 100 têtes ovines dans une hypothèse de présence permanente d’une population lupine sur le périmètre, et ce d’autant plus que ces élevages ou ateliers ovins sont aux marges des dispositifs publics d’accompagnement à la mise en œuvre des moyens de protection, voire des indemnisations.

VII-4. Quelles conséquences d’une mise en œuvre de la protection pour les