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Chapitre VI Evaluation à l’échelle du périmètre d’étude

VII- 4 Quelles conséquences d’une mise en œuvre de la protection pour les élevages sur la

a- Un aval de la filière lait de brebis qui serait fortement impacté

Une diminution du nombre d’élevages, qui se produirait quel que soit le scenario (cf. supra), ou une réduction des effectifs de brebis pour être cohérence avec les surfaces cultivées (uniquement fauchées) dans un scenario 4 qui seraient poussé encore plus loin, pourrait poser à long terme des problèmes de volume de lait livré aux industriels de Roquefort. Nous avons estimé la production totale des 257 élevages ovins laitiers du périmètre d’étude en adoptant la même démarche que celle du Chapitre VI, en extrapolant la production laitière des 139 élevages en appui technique de la zone que nous connaissions (Données : SIEOL, Source : France Génétique Elevage, Traitement : Inra- Montpellier SupAgro-Cerpam). C’est un peu plus de 30 millions de litres qui sont produits sur ce périmètre, soit 15% de la production du Rayon de Roquefort (cf. Annexe 4), qui seraient remis en cause. Les questions de changement dans la répartition temporelle des livraisons et d’évolution de la qualité du lait ne sont pas traitées ici ; néanmoins on peut faire l’hypothèse que ces deux aspects se trouveraient modifiés, induisant des évolutions possibles du prix du lait (lissage sur l’année ?) et des

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transformations profondes dans l’organisation de la collecte. S’ajoute le fait que la présence de loups risque de se manifester et de poser les mêmes problèmes bien au-delà de la zone restreinte d’étude. Or, aux producteurs de lait pour les 7 fabricants de fromages (cf. Annexe 4 et encadré A), s’ajoutent actuellement 1 700 emplois, salariés dans l’Industrie de Roquefort (Source Confédération Générale de Roquefort, 2017), qui seraient ainsi fragilisés par les scenarii 1, 2 et 3.

Dans le scenario 4, le lait produit dans le périmètre d’étude ne serait plus destiné à la fabrication de l’AOP Roquefort, puisque les élevages sortiraient du cahier des charges. C’est dans ce scenario que la viabilité des élevages du périmètre d’étude est la plus en question, avec, par voie de conséquence un risque de disparition d’un grand nombre d’élevages. Les élevages restants seraient peu nombreux, de grande taille et leur lait transformé uniquement en produits de diversification (tomme de pérail, fromages à salade…) et payé en conséquence. Ceci remettrait en question l’équilibre de la filière et la production de Roquefort, d’autant plus que cette dynamique de développement d’élevages en zéro- pâturage pourrait s’étendre, au-delà du périmètre d’étude, à d’autres zones du Rayon de Roquefort, selon l’expansion de la population de loups.

Dans cette hypothèse, de sortie du cahier des charges de l’AOP Roquefort des élevages laitiers restant dans ce périmètre, ces derniers auraient deux possibilités pour conserver leur niveau de revenu. La première serait de livrer leur lait à des opérateurs « hors bassin », comme Bergers du Larzac (dans le périmètre) qui proposent actuellement un prix du lait de l’ordre d’1,3 euros/litre de lait. Ces structures vendent des fromages de brebis de type « tomme de pérail » ou d’autres dont ils ont mis au point les recettes. Certains de ces industriels ont également développé une gamme d’ultra frais. Néanmoins, ces structures n’ont pas aujourd’hui la possibilité de traiter le très gros volume de lait collecté qui serait ainsi généré. Pour gérer plus de volumes, il serait nécessaire qu’elles investissent de façon importante et embauchent. Dans le même temps, il n’est pas certain qu’elles parviennent à conserver ce prix du lait, puisque ce dernier est dépendant de la demande en fromages, et que l’évolution de cette demande et les possibilités de développement de ce marché ne sont pas connues. L’autre possibilité des éleveurs du périmètre d’étude, pour conserver leur niveau de revenu, serait la vente directe après transformation du lait à la ferme. Ceci nécessiterait investissements et main d’œuvre supplémentaire, ce que tous les élevages n’ont pas la possibilité d’effectuer. Actuellement, nous assistons globalement sur le territoire national, et le périmètre d’étude ne fait pas exception à une relocalisation partielle de l’approvisionnement en produits alimentaires. Ainsi par exemple, une étude confirme que de plus en plus de terres situées autour de Millau (+18,3% de 2006 à 2014) sont mobilisées pour l’approvisionnement local en circuit court (Baysse-Lainé et Perrin, 2017). Néanmoins, en ce qui concerne le lait de brebis et les produits laitiers qui en sont issus, le ratio entre le niveau de production global dans le périmètre et la population consommatrice localement est très déséquilibré. Ceci induit le besoin d’aller chercher des marchés à l’extérieur de la région, mais génère aussi des coûts de transports, du temps pour les déplacements etc. Par ailleurs, si aujourd’hui, avec des coûts maitrisés, ce type de mode de mise en marché permet de générer des marges intéressantes pour les éleveurs qui l’ont choisi, il n’est pas dit que cette possibilité demeure : avec l’expansion de l’offre, le prix de vente des fromages, yaourts, lait liquide, glaces et savons serait probablement amené à baisser.

106 b- Tout un secteur économique impacté

A l’aval de la filière ovine, les industriels laitiers ne seraient potentiellement pas les seuls impactés par cette évolution de la dynamique agricole. Si une baisse du nombre d’élevages et des modifications profondes de conduite pour ceux qui restent, observées quels que soient les scenarii, induiraient moins de lait au total dans le périmètre d’étude, une intensification de la production à la brebis, et/ou des débouchés différents, elles auraient également pour conséquence la diminution du nombre d’agneaux produits dans le périmètre d’étude. L’ensemble de la filière viande ovine (collecteurs, transformateurs, distributeurs…) en serait donc impactée. Du Rayon de Roquefort sont issus environ 800 000 agneaux/an, soit 1/5 à 1/4 des agneaux français (Nozières-Petit et Boutonnet, 2017). Le périmètre d’étude représente 18 % de ces 800 000 agneaux. La diminution de cet apport, voir sa complète disparition, s’ajoutant à l’effacement potentiel de l’offre issue des élevages ovins allaitants du périmètre d’étude, qui abandonneraient cette production, renforcerait la fragilité d’une filière déjà en fort déclin (Nozières, 2014).

D’autres structures, à l’amont de ces filières, seraient également appelés à changer de stratégie devant ces modifications profondes de la dynamique agricole dans le périmètre d’étude. Certains acteurs économiques pourraient se développer : Fournisseurs de matériel, d’intrants, CUMA, élevages de chiens de protection… L’accroissement de la demande en chiens et en pose de clôtures fixes sécurisées pour la mise en œuvre de la protection, en particulier dans le scenario 1, induirait probablement le développement d’une offre, plus lentement que cette demande, et génèrerait potentiellement une évolution à la hausse des prix des moyens de protection.

Enfin, l’existence d’entreprises d’amont et d’aval dans le périmètre d’étude amène le développement de toute une économie de services (transports ...) qui se trouverait, par ricochet, également fragilisée. Pour la seule transformation de Roquefort, c’est au moins autant d’emplois indirects qui sont liés aux emplois directs nécessaires à la transformation de Roquefort (environ 1700 salariés, Source Confédération Générale de Roquefort). Ce sont aussi des commerces et des services publics qui seraient fragilisés.

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