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Chapitre 2. Le processus de lecture et de compréhension de texte

2.4. Conséquences pour les dyslexiques

En conclusion de ce deuxième chapitre, je reviendrai sur les aspects du processus de compréhension de texte qui risquent d'être affectés chez les lecteurs dyslexiques.

Les dyslexiques souffrent potentiellement de troubles dans les processus de bas niveau nécessaires à la bonne compréhension du texte. Parmi les difficultés impliquées, je note : les troubles phonologiques, les problèmes d'identification et de segmentation des mots, la lenteur d'accès au lexique mental et la rapide surcharge de la mémoire de travail. Certaines de ces difficultés sont liées et sont causes ou conséquences d'autres difficultés. Lors de la lecture d’un texte, une vitesse minimale est nécessaire pour que le lecteur ait conservé en mémoire le début d’une phrase au moment où il arrive à la fin de celle-ci. Si la vitesse de lecture n'est pas suffisante, l'intégration de la phrase est impossible et l'accès au sens est compromis. De plus, la mémoire de travail est limitée et si elle est surchargée par le décodage et l’assemblage des mots, elle ne peut être utilisée pour interpréter le sens des

phrases. Pour comprendre le sens d’un texte, une vitesse de lecture minimale de 200 mots par minute est requise (Delamare, 2012). Lalain et al. (2012) affirment également que la fluence en lecture est nécessaire à la bonne compréhension de texte, mais aussi qu'il y a un lien direct entre habilités prosodiques et compréhension.

La cadence de lecture minimale requise pour la compréhension ne serait pas atteinte par les dyslexiques, ce qui entraîne des difficultés à accéder au sens d’un texte alors même que leurs capacités cognitives seraient suffisantes à cette compréhension. Par exemple, dans l'étude de Elkind (1998), les 26 lycéens dyslexiques étudiés atteignent une vitesse de lecture d'environ 150 mots par minute, pour 250 mots par minute chez les normo-lecteurs.

Ce problème de traitement sémantique d'une phrase par les dyslexiques est d'autant plus important lorsque la phrase est longue, qu'elle comprend plusieurs propositions, qu'elle est à la forme passive, qu'elle est disposée de façon non-canonique ou qu'elle contient des mots de basse fréquence lexicale (Margarido et al., 2008).

Les implications de la dyslexie sur l'accès au sens sont mal connues, cependant il est évident que les troubles de la lecture ont des conséquences au niveau du traitement sémantique. D'après les résultats de l’étude de Ferrer et al. (2015), il y a bien un retard en termes de compréhension chez les dyslexiques, induit par leurs problèmes de décodage, même si ce retard reste moins important que celui qu’ils présentent pour les tâches de décodage. Afin d'écarter la possibilité d'un problème de compréhension global chez les dyslexiques, qui ne serait pas lié aux difficultés que j'ai listées ci-dessus, il est nécessaire de comparer la compréhension d'un texte entendu avec celle d'un texte lu. Peu d'études ont été menées directement sur cette question.

Lalain et al. (2012) ont comparé les temps de pauses inter-mot et intra-mot entre un groupe d’enfants normo-lecteurs et un groupe d’enfants dyslexiques au cours de deux tâches : une tâche de lecture de texte et une tâche au cours de laquelle les enfants doivent raconter une histoire à partir d’images. Comme attendu, les dyslexiques présentent des temps de pauses plus importants dans la tâche de lecture, que ce soit des pauses intra-mots ou des pauses inter-mots. De plus, alors qu’il ne devrait pas y avoir de différence en production orale, il y a un nombre de pauses inter-mots plus grands chez les dyslexiques. Ces pauses pourraient être dues à des difficultés de planification des unités syntaxiques et sémantiques. Bien que ces résultats devraient être confirmés, la pertinence d'aider les dyslexiques pour la compréhension de texte ne peut être en aucun cas remise en cause par des difficultés qui seraient rencontrées à l'oral.

En résumé, un lecteur doit mobiliser quatre niveaux de compétences pour comprendre un texte :

 les compétences associées aux caractéristiques de la langue (pour traiter les composants organisationnels);

Le processus de lecture et de compréhension de texte

 ses connaissances préalables sur le domaine de référence (propriétés du monde physique, schéma sociaux, ...);

 les connaissances qu'il a du contexte énonciatif et de la tâche de lecture (intention de l'auteur et objectif de sa propre lecture);

 ses compétences pour faire appel et construire des structures cognitives (ce qui implique une bonne gestion de la mémoire et de l'attention).

Les travaux réalisés sur les objectifs de lecture et sur la flexibilité des stratégies de traitement montrent que chaque opération n’est pas nécessaire ou obligatoire mais dépend du locuteur, du contexte et de l’étape de traitement (Coirier et al., 1996).

La difficulté centrale en production comme en compréhension de texte est la structure du texte. Concernant la production, il est nécessaire de passer d’une configuration d’unités symboliques, imaginée par le cerveau humain, à une séquence ordonnée et unidimensionnelle, composée d'éléments du lexique et organisée suivant les règles de la langue. Concernant la tâche de compréhension, il faut faire le cheminement inverse. En situation de production, l’utilisation d'un plan, des scripts en mémoire ou l'établissement d'une superstructure sont une aide précieuse. En situation de compréhension, l'identification du type de texte, du thème, de la structure et, également, l'appel à des scripts permettent une appréhension plus rapide et efficace du texte.

La mise en valeur de la structure d'un texte et de son thème par l'affichage des termes les plus importants est donc une solution d'aide à la compréhension de texte évidente. Cette solution peut être apportée par les cartes, heuristiques ou conceptuelles. Je développerai la méthode de composition et les usages de celles-ci dans le chapitre suivant.