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Les connaissances du placement de l’adjectif chez les adultes

La question du placement de l’adjectif épithète

4.2 Le placement du point de vue du locuteur

4.2.1 Les connaissances du placement de l’adjectif chez les adultes

D’après ce que nous avons vu avec la description des contraintes ci-dessus, très peu d’affirmations catégoriques peuvent être faites à propos du placement de l’adjectif épithète.

La première est que nous devons admettre que tout adjectif est susceptible d’alterner en position, comme cela a été avancé par Wagner et Pinchon (1962). La contrainte de la postposition d’un adjectif avec un dépendant post-adjectival est la seconde. Rappelons cependant que notre étude des contraintes n’est pas exhaustive. Nous n’excluons donc pas la possibilité que d’autres contraintes catégoriques existent. Nous avons toutefois pu mettre en lumière le fait que la majorité sont d’ordre préférentiel.

Dans la perspective d’une formalisation de la connaissance de la question du placement de l’adjectif chez les locuteurs dans un cadre génératif, ces deux affirmations impliquent l’existence de très peu de règles ou contraintes dans la composante grammaticale de la connaissance linguistique. Nous pouvons en proposer trois :

– le nom peut être modifié par un SAdj qui lui est antéposé – le nom peut être modifié par un SAdj qui lui est postposé

– lorsque le nom est modifié par un SAdj qui comporte un dépendant post-adjectival, le SAdj est postposé

4.2 : Le placement du point de vue du locuteur 73 Les autres contraintes qui peuvent être liées à la façon dont l’adjectif (ou le SAdj) se combine avec le nom sont préférentielles, qu’elles soient d’ordre syntaxique, sémantique ou encore qu’elles relèvent de la longueur en termes relatifs. Elles ne peuvent donc pas faire l’objet d’une formalisation dans la grammaire.

En ce qui concerne les informations que l’on peut intégrer dans le lexique, il a été proposé, notamment par Abeillé et Godard (1999); Knittel (2005), que certaines classes d’adjectifs comportent dans leur entrée un trait indiquant leur placement. Par exemple, les adjectifs indéfinis et intensionnels sont lexicalement spécifiés comme étant antéposés, les adjectifs que Abeillé et Godard appellent intersectifs classifiants selon la nomenclature de Kamp (1975) portent le trait postposé (couleur, forme, adjectifs techniques...). Enfin, les adjectifs intersectifs non classifiants sont ceux qui alternent, ils sont par conséquent in-déterminés quant à leur position dans leur entrée lexicale. Nous avons vu dans le chapitre précédent que les approches génératives postulent le principe de projection lors de l’appa-riement entre le lexique et la structure syntaxique : les informations de l’entrée lexicale de l’unité doivent être retrouvées sur la structure syntaxique. Cela signifie que les adjectifs portant une information spécifiée dans le lexique ne peuvent être instanciés que dans des structures ordonnées où l’adjectif est pré-nominal lorsqu’il porte le trait d’antéposition, et où il est post-nominal quand il est marqué pour la postposition. La seule possibilité pour qu’ils apparaissent dans l’autre position est que les règles de la grammaire outrepassent cette information et imposent d’aller à l’encontre de la position par défaut de l’entité lexicale. Or, nous trouvons toujours des cas parfaitement acceptables où la position alter-native est choisie sans que l’une des règles de la grammaire puisse être considérée comme la cause de cet ordre (nous rappelons que le premier ordre donné est celui qui est attesté) : (27) a. il leur donne une signification nouvelle, une histoire autre/une autre

histoire18

b. [...] gérer les applications futures/les futures applications en temps réel de l’Internet des objets19

c. [...] un fleuve qui sait se mettre subitement dans une noire colère/une colère noire20

d. La première infrastructure à être inaugurée a été le boulevard qui quitte la circulaire route de Pô/la route circulaire de Pô et qui [...]21

L’exemple (27) montre des cas de postposition d’un adjectif indéfini (27-a) et d’un in-tensionnel (27-b), supposés n’admettre que l’antéposition, et l’antéposition d’un adjectif de couleur (27-c) et d’un adjectif de forme (27-d), qui ne permettraient que la

postposi-18. www.erudit.org/culture/liberte1026896/liberte1038944/32638ac.pdf

19. http ://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do ?uri=OJ :C :2009 :077 :0060 :0063 :FR :PDF 20. blog.bebook.fr/debernet/index.php/post/1969/12/31/la-pirogue

21. http ://www.lefaso.net/spip.php ?page=impression&id_article=7576

tion. Dans les deux cas, les deux ordres semblent parfaitement acceptables. Nous voyons d’autre part que l’adjectif est la seule composante du SAdj, et, bien que les deux ordres peuvent exprimer des nuances de sens différentes, la sémantique de l’adjectif ne change pas en termes véri-conditionnels. Autrement dit, aucune règle de la grammaire ne permet d’expliquer pourquoi la position alternative est possible.

Il apparaît ainsi qu’un traitement lexicaliste du type de celui proposé par Abeillé et Godard (1999); Knittel (2005) est trop restrictif puisqu’il prédit l’agrammaticalité des exemples en (27). Par conséquent, une approche qui cherche à rendre compte de la connais-sance des locuteurs du français en termes catégoriques ne peut pas intégrer d’informations sur la position de l’adjectif dans le lexique. Elle doit se limiter aux contraintes que nous avons formulées ci-dessus au niveau de la grammaire. En d’autres termes, ce type d’ap-proche doit considérer que les locuteurs ont connaissance du fait que tous les adjectifs sont a priori susceptibles d’alterner en position, et que cette possibilité n’est invalidée que dans le cas de la présence d’un dépendant post-adjectival.

À notre connaissance, il n’existe pas de travaux expérimentaux qui permettent de dé-terminer si l’on peut attribuer avec certitude une telle connaissance aux locuteurs du français. On trouve cependant un certain nombre d’indices culturels qui suggèrent qu’elle existe bien. Nous avons par exemple l’expression idiomatique « c’est blanc bonnet et bon-net blanc », ou sa variante belge « c’est chou vert et vert chou », qui sont employées pour moquer le fait que deux choses présentées sous des apparences distinctes sont en réa-lité identiques. Or, l’effet de ces expressions repose précisément sur l’agencement linéaire entre le nom et l’adjectif. Nous pouvons ainsi penser qu’elles témoignent du fait que la possibilité d’alternance est une connaissance linguistique suffisamment ancrée pour être cristallisée dans des expressions idiomatiques. D’autre part, il est intéressant de noter que deux communautés francophones distinctes ont utilisé des procédés identiques avec des mots différents pour exprimer la même idée.

Par ailleurs, c’est un fait bien connu que des ordres qui ne sont en général pas utilisés ou qui sont difficilement acceptés dans certains genres de discours, comme par exemple les conversations courantes ou des écrits à caractère technique, le sont beaucoup plus aisément dès lors qu’ils apparaissent dans des textes littéraires :

(28) a. Elles (les gouttes d’eau) ne se séparent point, elles ne vont pas à l’aventure pendant la rapide traversée, mais chacune tenant à sa place, attire à elle celle qui la suit ...

(Marcel Proust, Du côté de chez Swann)

b. Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages

4.2 : Le placement du point de vue du locuteur 75 Qui pendent sur tes eaux.

(Alphonse de Lamartine, « Le lac », Les méditations poétiques)

c. Monceau un petit lot favorisé de candidats voyageurs aux moites confins de la dissolution sudoripare.

(Raymond Queneau, Exercices de Style)

d. [...] d’un bon pied pendait sur son menton son inférieure lèvre.

(Boris Vian, Conte de fée à l’usage des moyennes personnes)

e. [...] à ce bruit s’ajoutaisle métallique cliquetisdes plats à barbe en cuivre grelottant [...]

(Alfred Vallette, Monsieur Babylas, feuilleton du Scapin)

On peut bien sûr considérer que ces exemples sont le résultat d’un choix conscient et délibéré des auteurs qui transgressent en quelques sortes les contraintes de leur langue à des fins stylistiques. L’exemple en (28-d) de Boris Vian est particulièrement notoire de ce point de vue. Néanmoins, toutes les transgressions ne sont pas permises en littérature. Il est par exemple impossible de jouer de la même façon avec l’ordre entre le déterminant et le nom. L’agencement entre ces deux mots est toujours le même quel que soit le genre de texte envisagé : le déterminant précède systématiquement le nom. On peut d’ailleurs penser qu’un locuteur serait très surpris de rencontrer l’ordre inverse, voire dans l’impossibilité d’interpréter une telle séquence (*... pendait sur menton son ...) alors que ce type de procédé est tout à fait admis avec l’adjectif. En d’autres termes, il semble que lorsque l’ordre est agrammatical, il n’est simplement pas attesté, et aucun genre de discours n’y fait exception. Il apparaît ainsi que les ordres non conventionnels entre un nom et son épithète dans les textes littéraires provoquent un effet particulier non pas parce que ces auteurs transgressent les règles de la langue, mais plutôt parce qu’ils jouent avec les possibilités de la langue en se plaçant à la fois dans le domaine de ce qui est permis par la langue et dans celui du non habituel.

Là encore, on peut trouver des éléments culturels indiquant que l’inversion d’ordre entre le nom et l’adjectif pour des raisons stylistiques est assez communément admise. Ce procédé est notamment exploité à des fins humoristiques par Alexandre Astier dans la série Kaamelott, qui parodie la légende du roi Arthur :

(29) Arthur : Ils peuvent pas s’empêcher de foutre des épithètes à tout ce qui bouge ces poètes !

Même à ce qui bouge pas : la fleur goguenarde, l’abeille malicieuse, le roseau pliable, l’ourson rabat-joie

Et même des fois ils le mettent avant le mot comme ça ça fait genre : le gai souriceau, le prompt madrigal, la frisotée moustache

...

est-ce que je vous dis moi : « passez moi la blanche sauce » ? non !

est-ce que je vous dis : « tiens c’est bon ça c’est quoi ? de la hachée viande et des secs raisins »

Guenièvre : Mais vous ne comprenez rien à rien c’est une licence poétique ! (Kaamelott, Livre II, « Le poème »)

Si l’on s’appuie sur les différents exemples ci-dessus, il semble bien que l’on peut considérer que les locuteurs du français ont la connaissance des possibilités d’alternance pour les adjectifs de façon générale. Toutefois, ces exemples indiquent aussi la connaissance d’un ordre conventionnel entre le nom et l’adjectif. L’exemple du roi Arthur avec la séquence « la blanche sauce » témoigne notamment du fait que ces ordres ne sont pas nécessairement admis dans toutes les situations et que l’on fait clairement la distinction entre ce qui est permis par la « licence poétique » d’un côté, et les usages courants de l’autre. Ceci n’invalide pas en soi une approche générative du phénomène puisque que l’on pourrait considérer que les deux types de connaissances relèvent de dimensions séparées de la langue : l’alternance en compétence et les distinctions d’usage selon le type de discours en performance. L’exemple tend cependant à montrer que cette séparation entre compétence et performance n’est pas faite de la part des locuteurs. Les deux sont envisagées sur le même plan et contribuent tout autant à déterminer si un locuteur natif d’une langue peut produire une séquence particulière ou non. Si nous reprenons l’exemple de « passez moi la blanche sauce », le locuteur natif du français saura interpréter le sens de la phrase et pourra reconnaître qu’il est possible d’avoirblanc en antéposition dans certaines conditions particulières. Mais il est peu probable que lui-même choisisse cet ordre dans ce type de production. D’autre part, il n’est pas certain qu’un locuteur fasse une distinction dans ses jugements entre cette phrase et une séquence comme « moi vouloir ça » qui est clairement agrammaticale.

Par ailleurs, si l’on trouve des indices culturels d’une connaissance de l’alternance, nous en trouvons aussi qui montrent que les locuteurs ont des préférences de placement très marquées pour certains adjectifs et que celles-ci font partie de leur savoir linguistique.

Ceci est notamment retrouvé dans la bande dessinéeAstérix chez les Bretons de Goscinny et Uderzo. Dans ce volume, Astérix et Obélix partent en Grande-Bretagne pour une mission. Pour marquer la différence de langues entre les Bretons et les Gaulois, les auteurs jouent sur la traduction littérale et font utiliser aux Bretons des structures et expressions idiomatiques de l’anglais avec des mots du français. En particulier, ils n’emploient que l’antéposition pour placer leurs épithètes. Obélix remarque cette inversion par rapport à sa propre langue et décide d’adopter les usages locaux. Ceci le conduit à produire des séquences comme « des romaines patrouilles », « de la magique potion », mais il fait de l’hypercorrection et choisit une stratégie d’inversion, y compris avec les adjectifs normalement antéposés qui restent tels quels chez les Bretons :

4.2 : Le placement du point de vue du locuteur 77 (30) a. vous avez vu mon chien petit?

b. je commençais à avoir un appétit gros.

Ici, les auteurs ne placent pas Obélix dans une situation où il va à l’encontre de ses préférences dans sa langue, il lui font adopter une démarche analogue à quelqu’un qui apprend une langue seconde et compare le fonctionnement de cette nouvelle langue avec la sienne. Autrement dit, les inversions en (30) sont le résultat d’une traduction d’un code à un autre, ce qui signifie qu’ils attribuent à la langue française un fonctionnement où l’antéposition est la position par défaut de certains adjectifs particuliers, et la postposi-tion la place attitrée pour d’autres, même si, comme nous l’avons vu, elles ne sont pas catégoriques.

Enfin, bien que l’on puisse considérer que tout adjectif est susceptible d’alterner en position, on peut trouver des combinaisons particulières qui ne sont pas attestées et qui sont catégoriquement rejetées pour différentes raisons, mais toujours à cause du contexte spécifique dans lequel l’adjectif est instancié. Les exemples (31) à (35) montrent divers cas de figures possibles.

(31) a. L’ancien gouvernement/*Le gouvernement ancienavait programmé[...]22 b. Comme le peuple ancien/l’ancien peuple, le peuple actuel de Rome est

prompt encore [...] (M Valery,Voyages historiques et littéraires en Italie) (32) Les Mongols sont un peuple ancien/un ancien peuple23

L’exemple (31) montre deux SN de constitution syntaxique identique impliquant ancien en combinaison avec un nom renvoyant à une organisation regroupant plusieurs personnes.

Dans les deux cas, le groupe désigné n’existe plus en tant que tel. La seule chose qui change dans le sens que l’on attribue à ces deux SN est que l’on ne sait pas si les membres du gouvernement sont toujours en vie ou non en (31-a), alors que le peuple est clairement éteint en (31-b). Toutefois, comme en atteste l’exemple (32), nous ne pouvons pas attribuer la différence de possibilités d’agencement à cette différence sémantique puisque le peuple mongol existe encore de nos jours. Il semble plutôt ici que c’est la nature du nom spécifique avec lequel ancien est combiné qui conditionne les possibilités de placement de l’adjectif.

(33) a. C’est un homme bon/*un bon homme donc il passe pour un idiot.24 b. Ça veut dire quoi être un bon gars/un gars bon?25

Le cas de (33) montre deux SN impliquant l’usage de bon avec deux noms renvoyant à un

22. http ://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2012/07/05/l-enseignement-prive-obtient-70-nouveaux-postes-dans-le-primaire-a-la-rentree_1729681_1473688.html

23. http ://www.horseback-mongolia.com/informations-generales-mongolie/histoire 24. www.evene.fr/citation/homme-bon-passe-idiot-28861.php

25. www.celuiquiparle.com/bon-gars/

homme. Les deux exemples ne montrent pas les mêmes acceptabilités pour l’antéposition : en (33-a), elle est impossible alors qu’en (33-b) elle est parfaitement acceptable, et même préférable à la postposition. La raison de cette différence est que la séquencebon + homme à fait l’objet d’une lexicalisation au fil du temps qui résulte dans le nombonhomme. Malgré le fait que ce nom n’a plus le sens de la composition des deux mots, son existence semble empêcher de façon catégorique l’utilisation de bon ethomme dans cet ordre.

(34) a. le canari jaune/*le jaune canariest probablement l’oiseau le plus élevé26 b. [...] où flottaient au hasard

Les Lions de Castille et le jaune Lézard/le Lézard jaune

De Compostelle [...](Charles Marie René Leconte De Lisle, « Le Suaire De Mohammed Ben-Amer-Al-Mançour », Oeuvre Poétique Complète)

En (34), nous avons deux SN où l’adjectifjaune est combiné avec des noms d’animaux. La différence entre les deux combinaisons réside ici dans le fait que l’antéposition de l’adjectif conduit à une réanalyse syntaxique et sémantique de la séquence en (34-a). Dans la version où il est postposé au nom, la combinaison est tout à fait semblable à l’exemple (34-b) : l’entité désignée est un animal de couleur jaune. Dans la version où jaune est antéposé (34-a), on n’attribue plus au mot le statut d’adjectif mais celui de nom. On réfère ici à une couleur d’une nuance particulière par opposition àjaune citron oujaune paille. Cette réanalyse n’est pas faite en (34-b) parce qu’il n’existe pas de couleurjaune lézard. On peut ainsi antéposer ou postposer le mot jaune sans que cela ait d’incidence sur la sémantique de l’ensemble.

(35) a. le revenant imaginaire versus l’imaginaire revenant (tiré de Goes (1999), p102)

b. la revenante imaginaire = l’imaginaire revenante

Le dernier exemple que nous exploitons présente des similarités avec le précédent dans le fait que le changement d’ordre conduit à des analyses différentes de la séquence en (35-a) alors que les deux ordres permettent la même lecture en (35-b). En (35-a), la première séquence pourrait être paraphrasée par ’fantôme chimérique’ alors que la seconde est synonyme de ’retour d’une capacité à imaginer des choses’. En (35-b), nous comprenons dans les deux cas la séquence comme ’fantôme chimérique’. Nous avons des interprétations différentes dans le premier cas en raison du type des mots impliqués, mais aussi du genre que l’on peut leur attribuer. Le motimaginaire est épicène en tant qu’adjectif. Il présente donc une forme identique selon qu’il modifie un nom masculin ou un nom féminin. En revanche, il est nécessairement masculin en tant que nom. Comme les deux mots en (35-a) sont au masculin quand ils ont des statuts de nom, il est possible de faire une analyse

26. www.ahcc.be/Art002Lipojaune.html

4.2 : Le placement du point de vue du locuteur 79 différente de la séquence selon l’agencement linéaire. Par contre, lorsque la séquence est au féminin, comme en (35-b), il y a un problème d’incompatibilité d’accord si l’on considère imaginaire comme un nom. Les deux mots gardent par conséquent le même statut quel que soit l’ordre de la séquence.

En somme, il semblerait que nous puissions attribuer aux locuteurs du français la connaissance des possibilités d’alternance pour tous les adjectifs de façon générale. Une approche en termes catégoriques est donc compatible avec cet élément concernant leur savoir linguistique. Cependant, il apparaît également que les locuteurs montrent d’autres types de connaissances qui indiquent que l’on ne peut pas réduire le phénomène de l’alter-nance aux règles que nous avons postulées au début de cette section. Premièrement, nous avons tout autant de raisons de considérer que les locuteurs ont des préférences de posi-tion particulières selon l’adjectif envisagé et qu’ils perçoivent ces préférences comme des caractéristiques de leur langue au même titre que la possibilité d’alternance. Deuxième-ment, une approche catégorique ne permet pas de rendre compte de l’agrammaticalité de certaines combinaisons parce qu’elles nécessitent que l’on se place à un niveau beaucoup trop spécifique de la langue, tout en relevant de la combinatoire : il faut à la fois tenir compte des formes spécifiques impliquées, de leur compatibilité sémantique, morpholo-gique... Une approche catégorique autorise de façon générale, ou un traitement lexical, mais nous avons vu qu’une telle option est trop restrictive dans le cas des adjectifs, ou un traitement se basant uniquement sur des contraintes syntaxiques, et dans ce cas, le modèle est trop permissif puisqu’il autorise les exemples que nous venons de présenter.

Par ailleurs, nous avons vu qu’il ne va pas de soi d’attribuer aux locuteurs des

Par ailleurs, nous avons vu qu’il ne va pas de soi d’attribuer aux locuteurs des