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Bilan de l’usage de l’adjectif épithète

L’usage de l’adjectif épithète

7.4 Bilan de l’usage de l’adjectif épithète

productions des adultes que Rayan est aussi l’enfant dont les usages montrent l’indépen-dance la plus faible par rapport à ceux de ses interlocuteurs. Autrement dit, Rayan est conservateur, par rapport à ses propres usages antérieurs, mais aussi par rapport à ceux de ses interlocuteurs.

7.4 Bilan de l’usage de l’adjectif épithète

Les données générales concernant l’emploi des adjectifs en tant qu’épithètes montrent que l’usage des enfants a une évolution qui peut être considérée comme paradoxale. D’un côté, certaines différences attestées dans la première session entre les enfants et les adultes tendent à être moins visibles. Dans la première session, la comparaison des distributions individuelles montre que les rapports des indices de diversité lexicale ne sont pas les mêmes entre locuteurs de même statut. Par exemple, Rayan est l’enfant dont l’indice est le plus faible alors que ses interlocuteurs montrent au contraire le plus de diversité parmi les adultes. De plus, les rapports enfant-adulte à cet égard indiquent des différences selon le groupe envisagé. Ensuite, bien que les enfants et les adultes montrent les mêmes tendances dans les proportions d’emploi et de placement au sein de chaque groupe, on constate que les distributions individuelles des adultes sont un peu plus harmonieuses entre elles par rapport à celles des enfants. Notamment, les adjectifs constituent toujours la catégorie de modifieurs la plus présente chez les adultes. Dans les distributions enfantines, Guillaume se démarque par un usage plus important de SP. Les données de la session suivante indiquent que ces différences tendent à être gommées. Les proportions des adjectifs sur l’ensemble des modifieurs sont tout à fait semblables chez les trois enfants. On constate également que les chiffres bruts ont augmenté de telle sorte que l’écart avec ceux des adultes sont réduits comparativement à la première session. D’autre part, on peut voir un ajustement des indices de diversité lexicale dans la mesure où les enfants montrent entre eux le même rapport que celui observé entre les adultes. Ils ont aussi cette fois tous un indice inférieur à celui de leurs interlocuteurs. Enfin, le fond des adjectifs partagés entre eux est un peu plus conséquent que dans la première session.

D’un autre côté, des éléments qui présentaient certaines similarités dans la première session montrent plus de différences dans la deuxième : les occurrences d’adjectifs sont cette fois significativement plus importantes chez les enfants comparativement aux adultes.

Cette tendance était déjà visible dans la première session, mais il semblerait que l’aug-mentation des emplois en termes de chiffres bruts ait permis de confirmer cet écart. On note également une diminution de l’indice de diversité lexicale par rapport à la première session. Bien que cela soit aussi le cas chez les adultes, la baisse de cet indice est net-tement plus importante chez les enfants. En outre, alors que les indices des enfants et des adultes s’inscrivaient dans la même fourchette de valeurs, nous avons dans la seconde session des fourchettes différentes, et celle des enfants est inférieure à celles des adultes.

En d’autres termes, les enfants emploient les adjectifs de façon plus fréquente en moyenne par rapport à la première session, et par rapport aux adultes. Par ailleurs, la hausse du fond commun des enfants n’est pas attestée chez les adultes. Nous passons donc d’une situation où adultes et enfants présentent des adjectifs communs et spécifiques dans les mêmes proportions à un état où les enfants partagent entre eux plus d’adjectifs que le adultes. Ces divers éléments semblent indiquer une forme d’exagération des caractéris-tiques retrouvées chez les adultes : la hausse du fond commun peut être perçue comme une harmonisation accrue des distributions enfantines. De même, la fréquence moyenne plus élevée des adjectifs et l’accentuation de leur dominance générale par rapport aux autres types de dépendants nominaux peuvent être vues comme des indices d’une assise de l’usage des adjectifs épithètes en particulier, mais aussi en tant que modifieur nominal par excellence.

En ce qui concerne les paradigmes adjectivaux de façon plus qualitative, les données des deux sessions montrent une proximité importante dans les classes lexicales attestées chez les enfants et les adultes. Elle est cependant un peu plus marquée dans la seconde puisqu’une seule classe présente chez les adultes n’est pas retrouvée chez les enfants.

De même, la façon dont les adjectifs se distribuent dans ces classes est plutôt sem-blable à travers les deux sessions lorsque l’on considère les occurrences : les adjectifs appartenant à la classe de la dimension dominent largement, notamment grâce à l’ap-parition très importante de petit dans toutes les distributions individuelles. Les enfants montrent cependant quelques différences par rapport à leurs interlocuteurs, et entre les deux sessions. Dans la première, la prédominance des adjectifs de dimension est massive dans les données enfantines. C’est la seule classe qui se dégage véritablement du reste de leur distribution. Ces adjectifs sont en revanche globalement moins représentés dans la seconde session, principalement au profit de la classe de la couleur, mais aussi de celle des indéfinis. Ceci a pour conséquence que la dimension n’est plus l’unique classe à se dé-marquer du reste de la distribution générale, les deux sus-mentionnées montrent aussi des parts nettement supérieures aux autres classes qui restent pour la plupart relativement rares. Par cette évolution dans leurs usages, les enfants se rapprochent des pratiques de leurs interlocuteurs. Notons cependant que les distributions de la seconde session diffèrent toujours sur l’importance attribuée à ces 3 classes. Les écarts sont toujours très marqués chez les enfants, avec le reste de la distribution, mais aussi entre ces classes. Les adultes montrent quant à eux des différences moins prononcées, ce qui signifie qu’ils présentent une distribution générale un peu plus équilibrée de leurs occurrences à travers diverses classes lexicales.

La répartition des types montre plus de différences entre les enfants et les adultes dans les deux sessions, et dans les usages enfantins à ces deux périodes. La distribution des adultes reste globalement semblable dans les deux sessions, avec les adjectifs de propriété

7.4 : Bilan de l’usage de l’adjectif épithète 187 qui ont un paradigme beaucoup plus fourni que les autres classes, puis celles des participes et expressifs qui constituent chacune environ la moitié de la première classe. De plus, les diverses classes lexicales sont globalement composées d’un nombre de membres analogue dans les deux sessions. Les emplois des enfants indiquent plus de variation dans leurs propres productions entre les deux sessions, mais ils ne se rapprochent pas pour autant des usages des adultes dans la seconde. La différence la plus notoire dans leurs distributions des deux sessions réside dans les rapports qu’entretiennent les diverses classes en fonction du nombre de types qu’elles regroupent. En particulier, la classe la plus fournie n’est pas la même : dans la première session il s’agit de la couleur, et dans la seconde ce sont les adjectifs expressifs. Ces derniers correspondent par ailleurs à l’ensemble qui s’est étendu le plus entre les deux sessions. Toutefois, en raison d’une augmentation assez importante du paradigme adjectival global (de 32 à 50 membres), et du fait que ce dernier reste malgré tout plutôt réduit comparativement aux adultes (126 adj.), d’autres classes voient leur paradigme s’élargir de façon presque aussi importante que les expressifs : couleur, dimension, propriété, modaux. Il s’ensuit que le type de paysage général est relativement semblable chez les enfants entre les deux sessions : les différentes classes ont un nombre de membres plutôt équilibré au sein d’une même distribution. Les changements portent surtout sur le rang d’importance des classes selon leur nature. Autrement dit, la classe dominante chez les enfants en termes de types ne se distingue jamais du reste de la distribution de la même manière que les adjectifs de propriété chez les adultes.

En somme, nous avons des répartitions à tendances inversées chez les enfants et les adultes entre les occurrences et les types quelle que soit la session examinée : chez les enfants, la distribution des occurrences indique une prépondérance nette d’un groupe res-treint de classes par rapport aux autres, mais ils montrent une distribution beaucoup plus équilibrée des adjectifs à travers ces classes en termes de types. Les adultes tendent quant à eux à amenuiser la dominance de cet ensemble restreint et à répartir leurs occurrences de manière un peu plus équilibrée sur un plus grand nombre de classes mais ils marquent par contre des écarts bien plus conséquents au niveau de leurs étendues paradigmatiques respectives.

En ce qui concerne le paradigme des adjectifs au niveau des unités lexicales, nous observons des caractéristiques générales communes entre les deux sessions. Les adjectifs partagés par les enfants apparaissent dans leur vaste majorité dans les mêmes dispositions chez les adultes. Ils sont globalement parmi les plus fréquents, au niveau des données générales, mais aussi chez chacun des locuteurs. On note en revanche un changement chez les enfants entre les deux sessions qui n’est pas observé chez les adultes : le fond commun des trois enfants est constitué d’un nombre d’adjectifs environ deux fois supérieur dans la seconde session alors que celui des adultes reste relativement stable.

L’élargissement du fond commun des enfants se fait dans sa vaste majorité à l’aide

d’unités déjà présentes dans les données de l’un (ou deux) d’entre eux dans la première session. Par contre, il ne relève que de 3 classes lexicales chez les enfants, indépendam-ment de la session envisagée : nous avons l’indéfini autre, des adjectifs de couleur et de dimension. Il s’est donc étendu dans la limite de ces classes, ou plus exactement des deux dernières dans la seconde session. Or, les adultes montrent nettement plus de diversité à cet égard dans les unités qu’ils partagent aux deux sessions. En outre, les enfants pro-duisent des adjectifs relevant de 10 classes différentes dès la première session. Autrement dit, bien que l’on observe une correspondance avec les données adultes et avec leur propres productions de la session précédente, l’élargissement de leur fond commun n’est pas fait à partir de n’importe quel type d’adjectif, il semble avoir lieu en fonction de l’appartenance à une classe lexicale particulière.

Enfin, malgré ce fond commun plus important, nous observons quelques différences dans l’évolution de l’usage adjectival des enfants entre les deux sessions. Guillaume se caractérise par la hausse la plus conséquente de la fréquence avec laquelle il emploie les adjectifs, en particulier ceux relevant de la couleur. Ceci se traduit notamment par un usage plus important de cette classe par rapport à celle de la dimension, et par une inver-sion des tendances de placement des adjectifs relativement au nom puisqu’il montre une très légère préférence pour la postposition. Ce dernier point suggère que les proportions d’occurrences d’adjectifs selon leur position dépendent surtout de la nature des unités employées et que l’on ne peut pas se baser sur les occurrences de la catégorie adjectivale en termes généraux pour décider de sa position par défaut.

Louise présente de son côté la spécificité d’utiliser un nombre d’adjectifs différents beaucoup plus important. Son paradigme s’est considérablement élargi entre les deux sessions. Il s’est en outre beaucoup diversifié et elle fait preuve d’une indépendance plus importante par rapport aux emplois de ses interlocuteurs comparativement aux autres en-fants. On peut ainsi penser qu’elle montre une aptitude plus importante que les garçons à utiliser des adjectifs qui relèvent d’une connaissance sur le long terme. En contraste, la forte fréquence de certains adjectifs chez Guillaume peut être vue comme une ten-dance à employer des adjectifs dont la représentation mentale est régulièrement activée, notamment par ses propres usages.

Pour finir, Rayan se démarque par un usage très conservateur entre les deux sessions : il présente l’augmentation la plus faible de ses emplois adjectivaux aussi bien en termes de types que d’occurrences, et il réutilise presque tous les adjectifs qu’il produit dans la première session. Il montre par ailleurs une grande proximité avec ses interlocuteurs, notamment dans le fait que les unités lexicales qu’il emploie apparaissent aussi chez les adultes dans leur vaste majorité. Il se différencie aussi des autres enfants dans le fait que son comportement général à l’égard de la modification adjectivale se distingue de celui de ses interlocuteurs puisque nous n’observons pas le même conservatisme chez eux entre les

7.5 : Conclusion 189 deux sessions, en particulier au niveau lexical. À l’inverse, l’augmentation de l’usage des adjectifs de couleur chez Guillaume et la diversification lexicale chez Louise sont également attestées dans la distribution de leurs interlocuteurs respectifs. On constate par contre dans les deux cas une accentuation de caractéristiques tendancielles chez les adultes.

7.5 Conclusion

Nous avons proposé dans ce chapitre une description de l’usage général des adjec-tifs épithètes. Celle-ci repose sur trois aspects différents : les informations quantitatives générales sur la catégorie, la répartition des données adjectivales en classes lexicales, et l’examen des divers paradigmes selon les adjectifs spécifiques employés.

Globalement, nous avons pu constater que les enfants montrent des correspondances importantes avec les usages de leurs interlocuteurs. On note toutefois des rapports diffé-rents au données de ces derniers selon la nature de l’information envisagée. Les caractéris-tiques quantitatives sont généralement exagérées : les adjectifs sont les modifieurs les plus présents chez les enfants comme chez les adultes mais dans des proportions plus consé-quentes chez les premiers, de même la dominance des adjectifs de dimension sur l’ensemble des classes lexicales en termes d’occurrences est accentuée dans les données enfantines, et les écarts de fréquence sont plus importants entre les différentes classes lexicales, et entre les adjectifs qu’ils emploient.

Par contre, l’analyse qualitative montre que les données des enfants constituent plutôt un sous-ensemble de ce que l’on observe chez les adultes, et que leur sensibilité à la diversité attestée chez leurs interlocuteurs est moindre. Ceci est particulièrement visible à l’observation de l’extension de leur fond commun, qui n’a lieu qu’au sein des classes dont ils partagent déjà des éléments à la première session. Ceci semble indiquer que les enfants ont une sensibilité accrue à certaines classes lexicales particulières.

On observe par ailleurs une tendance à l’harmonisation des données enfantines entre les deux sessions : leurs distributions quantitatives se ressemblent plus dans la seconde session, et leur fond commun s’élargit du simple au double. Malgré cela, les enfants montrent des profils d’usage et d’évolution différents :

– Guillaume se caractérise par une augmentation considérable de la fréquence à la-quelle il emploie les adjectifs de couleur,

– Louise se distingue par une diversification plus importante de ses usages adjectivaux, par rapport à ses propres productions antérieures, et par rapport à ses interlocuteurs, – enfin, Rayan montre à l’inverse un conservatisme important en élargissant sont pa-radigme sur la base presque intégrale de ses usages de la première session à l’aide d’unités retrouvées chez ses interlocuteurs.

Chapitre 8

Le placement de l’adjectif par rapport