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Conclusion : verba sunt nomina ?

Dans le document Quand la Suisse s’expose (Page 124-143)

à la nouvelle Constitution : une histoire des institutions

ET « CONSTITUTIONS » NEUCHÂTELOISES DU MOYEN ÂGE À LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME,

6. Conclusion : verba sunt nomina ?

Il serait tentant à première vue de voir dans les franchises une forme primitive de constitution comme le laisse entendre la définition, abstraite, que nous avons proposée au début de cet article. Nous sommes persuadés qu’une définition in abstracto n’est pas la même selon les personnes qui la proposent et selon le lieu où l’on se trouve, les textes neuchâtelois sont là pour l’attester ; c’est bien en faisant l’histoire de ces franchises, en remontant dans le temps, que nous arrivons à distinguer « franchises » et

« constitution ».

A cet égard les nombreux procès qui opposèrent les bourgeois de Neuchâtel à leurs seigneurs sont une véritable aubaine pour l’archiviste : ces textes nous permettent de saisir sur le vif la façon dont s’élaboraient et s’interprétaient les franchises, et surtout d’observer comment elles étaient comprises dans le passé.

Mais il nous semble surtout important d’insister sur le fait que les fran-chises étaient concédées par le prince, et qu’elles l’étaient à un nombre

46 AEN, Chancellerie, AC 522/51, No1, dossier No3 et SDN, I, No160 (25 mai 1793), p. 372 : loi des Trois-Etats empêchant les officiers de judicature de siéger au tribunal souverain dans certaines causes.

47 Dominique FAVARGER, « L’élaboration des lois à Neuchâtel aux XVIIeet XVIIIesiècles », Musée neuchâtelois, 1972, pp. 186-212.

limité de privilégiés appelés bourgeois, condition personnelle concédée par le seigneur moyennant finance. C’est pourquoi l’on ne peut parler, au Moyen Age et sous l’Ancien Régime, d’une constitution dans le sens contemporain du terme, dans la mesure où celle-ci postule l’égalité de tous les citoyens, ce qui ne sera pas le cas jusqu’en 1848 en Pays neuchâtelois.

Comme l’écrit à juste titre Jean-François Poudret : « Le Moyen Age est par excellence l’époque des libertés, conçues comme des privilèges différen-ciant le statut des uns de celui des autres, et non de la liberté, conçue comme un droit naturel de l’être humain. »48Et c’est bien là que réside la différence fondamentale entre libertés et liberté.

Maurice de TRIBOLET

Adresse de l’auteur : Maurice de Tribolet, 8, rue de la Bâla, 2012 Auvernier.

48Jean-François POUDRET, op. cit., p. 113.

Origine des Articles généraux

Les Articles généraux de 1707 sont souvent considérés dans l’historio-graphie comme la première constitution neuchâteloise formelle, progressiste, fondant un ordre étatique « associant des éléments monarchiques, aristo-cratiques et démoaristo-cratiques »1, qui aurait fait de Neuchâtel « le régime le plus libéral qu’il y eût à cette époque entre les Alpes et le Jura »2. Pour pouvoir vérifier le bien-fondé de tels jugements, il faut en premier lieu revenir sur les circonstances dans lesquelles les Articles généraux sont devenus la base politique de la principauté de Neuchâtel.

Lorsqu’au début du XVIIIe siècle l’état de santé de la comtesse Marie de Nemours s’aggrava, l’affaire fut suivie avec attention dans de nombreuses maisons princières d’Europe, pour deux raisons : Marie n’avait pas d’héritier direct ; la question de savoir selon quels critères juridiques la succession dynastique serait réglée dans la seigneurie n’avait pas de réponse évidente.

Ainsi vingt-cinq petits et grands princes européens pensaient avoir de bonnes chances dans l’ordre successoral, c’est-à-dire de relayer Marie de Nemours dans sa fonction de souveraine de Neuchâtel.

Contrairement à la question des modalités juridiques de la succession, celle de l’organe compétent pour en décider était claire, au moins dans la principauté. Cette compétence relevait du tribunal suprême, les Trois-Etats, qui, depuis 1551, avait déjà statué cinq fois dans des cas de succession contestée.

Le grand nombre de prétendants au titre de prince d’un côté, la compétence d’un tribunal local de l’autre faisaient que tant les responsables individuels de la décision que les Corps du comté pouvaient espérer tirer bénéfice de la situation. Le problème des avantages individuels et de la corruption a déjà été étudié ailleurs3. Le contenu des Articles généraux doit être considéré comme l’essentiel des privilèges que les Corps ont obtenus en échange de leur soutien dans la succession. Mais nombreux sont les autres promesses faites aux Corps de l’Etat par les différents prétendants,

1 Wolfgang STRIBRNY, Die Könige von Preussen als Fürsten von Neuenburg-Neuchâtel (1707-1848) Geschichte einer Personalunion (Quellen und Forschungen zur Brandenburgischen und Preussischen Geschichte, Bd. 14), Berlin, 1998, p. 294.

2 Louis GRANDPIERRE, Mémoires politiques – Histoire du Canton de Neuchâtel sous les rois de Prusse 1707-1848, Leipzig/Neuchâtel/Paris, 1880, p. 14.

3 Adrian BACHMANN, Die preussische Sukzession in Neuchâtel – ein ständisches Verfahren um die Landesherrschaft im Spannungsfeld zwischen Recht und Utilitarismus (1694-1715), thèse de doctorat, Zurich, 1993 (Zürcher Studien zur Rechtsgeschichte, Bd. 24), pp. 244-293.

dans une véritable campagne de propagande : par exemple la construction d’églises, de nouvelles écoles et d’une Académie à Neuchâtel, l’assistance aux déshérités, la réduction des impôts et des redevances, la création d’emplois, etc.4. A la différence de ces promesses, qui dans un certain sens rappellent les campagnes électorales modernes, les Articles généraux ne furent pas proposés aux Corps neuchâtelois, comme une offre, mais ce furent au contraire ces Corps eux-mêmes qui communiquèrent les Articles aux prétendants, pour ainsi dire comme une condition contractuelle.

Paternité des Articles généraux

La paternité des Articles n’est pas établie avec certitude. Ce qui est clair, c’est que l’initiative de leur élaboration vint des Quatre-Ministraux, l’exécutif de la Ville de Neuchâtel, au sein duquel le banneret Emer de Montmollin semble avoir joué un rôle décisif. Sur requête des Quatre-Ministraux, le Petit et le Grand Conseil de la Ville décidèrent les 19 et 20 juillet 1707 – une semaine exactement avant le début du « procès » devant le tribunal des Trois-Etats – de soumettre les Articles à l’approbation de tous les prétendants5. Dès le début, la Ville avait été soutenue par la Compagnie des pasteurs, qui put intégrer ses propres demandes dans le premier article de ce « contrat ».

Cependant, pour éviter de donner l’impression d’une action isolée de sa part et « pour (...) faciliter l’obtention » des Articles, la Ville essaya d’obtenir le soutien des autres Corps de l’Etat. C’est pourquoi elle convo-qua le 11 août l’Assemblée des Corps et Communautés, qui jusque-là ne s’était réunie qu’à deux reprises, en 1699 et 1703 ; toutes les Bourgeoisies et les communes furent invitées par une circulaire à déléguer à Neuchâtel

« une ou deux Personnes intelligentes & de confiance »6. En même temps, la Ville tentait d’obtenir le soutien du gouvernement ; à cette fin, une délé-gation formée des Quatre-Ministraux et de représentants de la Compagnie des pasteurs se rendit le 23 juillet 1707 au château, pour présenter le projet au gouverneur et au Conseil d’Etat.

La Seigneurie, irritée par la manière qu’avait la Ville d’agir de sa propre autorité, interdit à cette dernière toute démarche ultérieure auprès des autres Corps et Communautés. Tant que les Articles ne visaient qu’à assurer pour l’avenir les pratiques et droits existants, on ne voulait certes

4 Voir, pour détails, BACHMANN, op. cit., pp. 188-222.

5 Archives de la Ville de Neuchâtel (AVN), Manuel du Conseil de Ville (MCV) No 10, 100 (20 juillet 1707).

6 AVN, MCV No 10, 233 f. « Lettre circulaire écrite au Corps et Communautés du Pays » du 25 juillet 1707.

pas s’opposer au projet, mais tout ce qui le dépassait ne pourrait être réglé que quand le nouveau souverain serait investi. La Seigneurie, qui pendant la période de l’interrègne s’était considérée comme administratrice des droits souverains, ne s’opposa pas seulement énergiquement aux exigences de présenter les Articles devant le tribunal. Elle considérait en outre l’idée de les soumettre à l’acceptation des prétendants, en dehors de la procédure, comme dangereuse et « très préjudiciable à la Souveraineté ». Pour sa propre décharge, le Conseil d’Etat décida, par le biais du procureur général, d’informer les prétendants de l’importance de cette affaire et de la menace pesant sur les droits seigneuriaux7.

Malgré l’obstruction du gouvernement et avec le soutien unanime de tous les Corps et Communautés, la Ville poursuivit son intention de fonder les Articles généraux sur une base plus large. Le projet d’un « Acte d’asso-ciation » fut distribué à toutes les communes, qui auraient à le faire ratifier par leurs délégués8. Bien que seul Le Landeron eût donné une réponse négative, avec pour justification qu’il n’était pas concerné par une partie des Articles9, les représentants de la Bourgeoisie de Boudry et de sept autres communes manquèrent à l’assemblée de l’Hôtel de Ville, le 11 août10. En plus de problèmes techniques11, les efforts de la Seigneurie ont dû contri-buer à ce que des communes ne participent pas à cette réunion. Lorsque, par exemple, le Conseil d’Etat apprit l’envoi du maire et d’un justicier comme députés du Val-de-Travers, il chargea le procureur général de leur communiquer l’« étonnement » du gouvernement, devant cette acceptation d’une commission allant à l’encontre de leur serment de défendre les droits seigneuriaux. Il leur fut interdit de prendre part à l’assemblée – convoquée par un « corps subalterne » – et ils furent sommés de retourner chez eux12. Les représentants des autres Corps ratifièrent, le 11 août 1707, malgré l’opposition persistante de la Seigneurie, l’Acte d’association élaboré par le Conseil de la Ville, dans lequel les Corps prenaient l’engagement réciproque de « travailler de tout nôtre pouvoir à procurer & obtenir les susdits Articles par les moïens justes & légitimes. »13

7 Archives de l’Etat de Neuchâtel (AEN), Manuel du Conseil d’Etat (MCE) Vol. 50, pp. 330-339, 347 f. (23, 25, 26 et 27 juillet 1707).

8 AVN, MCV No10, 108 (3 août 1707).

9 AVN, MCV No10, 235 f., lettre du Landeron du 1eraoût 1707.

10 En comparaison avec l’Acte d’association de 1709, il manque dans les documents d’août 1707 les signatures des représentants des communes de Cressier, Combes, Enges, Boudevilliers, de La Chaux d’Etalières et des Verrières, ainsi que de la seigneurie de Gorgier (Recueil de diverses Pièces concernant les franchises et libertés des peuples de la Principauté de Neuchâtel et Valangin, Neuchâtel, 1762, pp. 151-168).

11 Sur la complexité de la prise de décision dans les communes, cf. Philippe HENRY, Crime, justice et société dans la Principauté de Neuchâtel au XVIIIesiècle (1707-1806), Neuchâtel, 1984, pp. 82-84.

12 AEN, MCE, Vol. 50, p. 356 (2 août 1707).

13 Recueil..., op. cit., pp. 151-155.

L’Assemblée des Corps et Communautés a souvent été considérée par la suite, particulièrement par l’historiographie républicaine, comme une institution quasi démocratique qui aurait exprimé la « volonté du peuple » dans la procédure de succession14, comme une union « patriotique »15pour la défense des intérêts nationaux16. Par l’Acte d’association, les Articles généraux disposaient effectivement d’un véritable soutien. Les ratifications ultérieures17étant incluses, les 113 envoyés représentaient 61 des 63 com-munes, trois des quatre Bourgeoisies ainsi que la Compagnie des pasteurs.

Si l’on ne peut pas tenir les Articles généraux comme le produit de la

« volonté du peuple », cela tient d’une part au fait que, dans les assemblées de Bourgeoisies et de communes qui prenaient les décisions, seuls les bour-geois ou les communiers pleinement habilités étaient représentés. Comme conséquence des efforts de fermeture des Bourgeoisies et des communes à la fin de l’Ancien Régime, la proportion des simples « habitants » était au XVIIIesiècle, en de nombreux endroits, plus élevée que celle des résidents jouissant de leurs droits politiques18. Contre une telle interprétation des Articles généraux, on peut aussi citer le fait que l’initiative de la Ville apparaissait clairement au premier plan et qu’on ne constate presque aucune influence des autres Corps sur le contenu des Articles, abstraction faite des deux exceptions suivantes.

Le contenu des Articles généraux19

La première concerne le premier des neuf articles, qui est aussi le plus long. Dans une disposition particulière, il s’agissait pour la Compagnie des pasteurs d’assurer le statu quo dans les questions religieuses, et avant tout de garantir à l’avenir la large autonomie dont elle avait joui sous les souverains catholiques : « Que la Religion soit inviolablement conservée &

maintenue dans son état présent, sans qu’il soit fait à cet égard aucune innovation. » Un second alinéa garantit à la corporation des pasteurs la juridiction consistoriale et le droit de continuer à pouvoir élire ses membres librement.

14Arthur PIAGET, Histoire de la Révolution neuchâteloise, vol. 1, Neuchâtel, 1909, p. 93.

15Ulysse GUINAND, Fragmens Neuchâtelois ou Essai Historique sur le droit public Neuchâtelois, sur la domination prussienne et sur les événemens de 1830 à 1832, Lausanne, 1833, p. 81.

16Louis GRANDPIERRE, op. cit., p. 16.

17La plupart des communes qui n’étaient pas représentées à l’assemblée du 11 août ratifièrent dans les deux semaines suivantes, de sorte que pour finir seules les deux communes catholiques du Landeron et de Cressier, ainsi que la Bourgeoisie de Boudry ne furent pas intégrées à l’Acte d’association.

18Philippe HENRY, op. cit., pp. 80-85.

19Le texte se trouve p. ex. dans Sammlung schweizerischer Rechtsquellen, XXI. Abt. : Die Rechtsquellen des Kantons Neuenburg, Aarau, 1982, No143, pp. 333-338.

L’autre exception se trouve dans l’invitation faite au nouveau souverain, contenue dans le deuxième alinéa de l’article 4, à veiller à ce que les coutumes locales soient enfin remaniées et fixées par écrit. Il est sûr que cette disposition ne résulte pas d’un vœu de la Ville : le Petit Conseil s’était en effet opposé avec succès depuis 1532 à toutes les tentatives de restreindre son droit à interpréter le droit coutumier20 en vigueur dans l’Etat, et avait en particulier boycotté l’introduction, dans la pratique des tribunaux, du coutumier Hory, élaboré en 1618 sur ordre du comte Henri II d’Orléans-Longueville21. La compilation du droit coutumier en vigueur était une vieille revendication des communes rurales, qui espéraient par là davantage de sécurité juridique, ressentant souvent comme arbitraires les usages juridiques du magistrat de la Ville22.

L’attitude fondamentalement conservatrice, reconnaissable dans l’article sur la religion, marque de son empreinte l’ensemble des Articles généraux.

Cela s’exprime en particulier dans le neuvième article, programmatique, qui conserve globalement la composition existante des ordres de l’Etat, en pres-crivant au nouveau souverain la confirmation de l’ensemble des anciennes libertés, privilèges et coutumes de tous les Corps et Communautés :

« Enfin, qu’à l’avenir, le Souverain d’abord après qu’il aura été reconnu &

investi de la Souveraineté, prête le serment accoutumé, tant à la ville de Neuchâtel, qu’aux autres Corps de l’Etat (...) ainsi qu’il est pratiqué de toute ancienneté, à quoi il ajoutera une promesse & assurance générale, qu’il confirme, en tant que de besoin, les loix & constitutions fondamentales de l’Etat en général, y compris les articles ci-dessus, & tous les droits, franchises & libertés spirituelles

& temporelles, bonnes anciennes coutumes écrites & non écrites, de chacun des corps et communautés qui composent cet Etat (...). »

Le maintien des « coutumes non écrites », surtout, trahit l’ancrage médiéval du texte. C’est également à la conservation de l’ordre existant, mais sur un plan individuel, que sert le cinquième article. Il exige qu’à l’avenir les titulaires d’offices ne puissent être révoqués qu’« après avoir été pleinement convaincus de leur malversation ». Cette disposition est extra-ordinaire, en ce sens qu’elle restreint les compétences personnelles de

20 Cf. Maurice de TRIBOLET, « Modèle confédéré et monarchie absolue : la Ville de Neuchâtel en quête de souveraineté, 1406-1628 », dans Aegidius Tschudi und seine Zeit (éd. K. Koller-Weiss, Christian Sieber), Basel, 2002, pp. 337-346, 339, 343.

21 Rémy SCHEURER, « L’assise et l’exercice du pouvoir seigneurial », dans Histoire du pays de Neuchâtel, vol. 2, pp. 210-225, Hauterive, 1989, p. 220 ; Janine GUIBERT, L’affaire Jean Hory. Un aspect du règne de Henri II de Longueville, Cahiers de la Société d’histoire et d’archéologie du canton de Neuchâtel, 5, Neuchâtel, 1972, pp. 11 ss ; Georges-Auguste MATILE, Déclarations ou Points de Coutume rendus par le Petit-Conseil de la Ville de Neuchâtel, Neuchâtel, 1836 ; Frédéric de CHAMBRIER, Histoire de Neuchâtel et Valangin jusqu’à l’avènement de la maison de Prusse, Neuchâtel, 1840, pp. 426 ss.

22 Maurice de TRIBOLET, art. cit. note 20, pp. 344 ss.

l’administration centrale dans une mesure qui était totalement inconnue dans l’Etat princier absolutiste et qui procurait aux officiers neuchâtelois, dans leur irrévocabilité, un statut qui serait celui d’un employé de l’Etat dans un Etat de droit. En conséquence, cette disposition conduisit au cours du XVIIIe siècle à de nombreux conflits avec l’autorité, qui ne voulait pas admettre qu’il lui serait interdit de révoquer des officiers récalcitrants.

L’exigence, dans le deuxième article, de l’indigénat neuchâtelois pour tous les détenteurs d’un office ou d’une fonction publics, à l’exception du gouverneur, devait empêcher une influence personnelle trop considérable du gouvernement central sur l’administration locale et servait clairement le but de conserver les structures de pouvoir en place. Au contraire du cinquième article, cette disposition fut observée résolument au cours du XVIIIe siècle, en ce sens que seul le poste de gouverneur fut occupé par des non-Neuchâtelois, la plupart du temps par des huguenots émigrés dans le Brandebourg23.

Le troisième article, la « liberté du service mercenaire », évoque lui aussi plutôt un privilège municipal médiéval qu’une constitution moderne. La disposition « que (...) tous les sujets du Païs puissent librement sortir du Païs, pour aller voyager, ou autrement, même servir en guerre, moyennant que ce ne soit pas un Prince, ou Etat, avec qui le Prince, entant que Souverain de Neufchâtel, seroit en guerre (...) » servait avant tout les intérêts du patriciat de la Ville, qui pourrait continuer à recruter des soldats du pays pour le service étranger hollandais ou français.

Le reste des Articles sert à régler ponctuellement des circonstances ressenties comme insoutenables. Le quatrième article est d’une signification importante : en plus du postulat déjà mentionné visant à s’attaquer à la codification du droit coutumier, on y trouve notamment la demande générale que des consignes « claires, nettes et précises » soient données aux officiers de juridiction, afin que l’on puisse discerner « s’ils agissent civilement ou criminellement ».

L’acceptation des Articles par les prétendants

Immédiatement après l’assemblée du 11 août, les Articles généraux furent remis comme prévu à chacun des prétendants qui avaient présenté leur candidature par écrit au tribunal. Tous se déclarèrent prêts, sans

23Adrian BACHMANN, « Auf verlorenem Posten – Neuenburgs Gouverneure während des « ersten preussischen Régimes » (1707-1806) », in : Omnia mea mecum porto, Festschrift f. C. Schott, Zurich, 1996, pp. 13-26, 16.

hésitation, à accepter les privilèges demandés. Le prince de Conti réagit le plus vite, retournant le texte signé le 13 août déjà, complété par six articles supplémentaires, dans lesquels il assurait entre autre les Corps de l’inalié-nabilité de la principauté et de la conservation du mode de perception des redevances seigneuriales24. Comme preuve qu’il prenait cela au sérieux, il fit imprimer et distribuer dans tout le pays sa version complétée des Articles, « gleichsam als wann die Articul von Ihm her kämen. »25

Les confirmations des autres prétendants arrivèrent avant le 1er sep-tembre 1707, toutes complétées de la même manière par des promesses supplémentaires26. Le comte de Metternich, plénipotentiaire prussien, saisit l’occasion de faire parvenir à la Ville un mémoire étendu, dans lequel il énumérait une fois encore tous les arguments qui plaidaient en faveur de la candidature de Frédéric Ierou contre ses concurrents27. Malgré tout, les Neuchâtelois trouvèrent plus sûr de dépêcher eux-mêmes un plénipo-tentiaire à Berlin, pour « se renseigner de manière approfondie afin de savoir si les promesses du comte de Metternich seraient aussi fidèlement tenues »28. L’ambassadeur revint à Neuchâtel au début septembre déjà, avec l’assentiment cacheté du roi29.

La déclaration de Metternich du 31 octobre 1707 et les Articles particuliers

Peu avant la fin du « procès », les Articles généraux reçurent un complément important par une déclaration formelle du plénipotentiaire prussien sur l’indépendance, l’indivisibilité et l’inaliénabilité du pays. Cette déclaration était devenue nécessaire après que le bruit se fut propagé que Frédéric Ier, dans le cas de son investiture, avait l’intention de ne pas garder

Peu avant la fin du « procès », les Articles généraux reçurent un complément important par une déclaration formelle du plénipotentiaire prussien sur l’indépendance, l’indivisibilité et l’inaliénabilité du pays. Cette déclaration était devenue nécessaire après que le bruit se fut propagé que Frédéric Ier, dans le cas de son investiture, avait l’intention de ne pas garder

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