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UNE AFFAIRE D’HOMMES ?

Dans le document Quand la Suisse s’expose (Page 42-56)

Considérant Expo.02 et ses directrices successives, femmes bien présentes dans l’esprit du public, la question peut paraître étonnante. Mais est-elle vraiment si curieuse au regard de l’histoire ? Que trouve-t-on en se penchant sur les femmes et les hommes concernés par les expositions nationales entre 1883 et 1964 – des événements qui, tous, ont eu lieu avant l’introduction du suffrage féminin ?

Du point de vue de l’histoire des genres, on peut examiner les expositions nationales à différents niveaux. Au niveau des acteurs pre-mièrement, on peut en identifier quatre groupes : les organisateurs et organisatrices, les exposants et exposantes, les employés et employées et les visiteurs et visiteuses. Au niveau du contenu ensuite, on doit distinguer entre la production du contenu d’un côté – soit la négociation des sujets globaux, des projets et des messages d’exposition et leur réalisation technique et graphique – et de l’autre la réception par le public (les médias et les visiteurs) des contenus réalisés. Tous ces aspects sont liés de manière complexe. Le but de cet article ne peut être d’illustrer toutes les facettes et les interdépendances entre différents types d’acteurs et niveaux de contenu. Conformément à notre question initiale, l’article se concentre sur les acteurs et les actrices qui ont pris part à l’organisation et à la création du contenu général des expositions nationales.

La prédominance des hommes dans l’organisation des expositions nationales

Dans les guides officiels, les catalogues ou les rapports administratifs des expositions nationales, les directeurs d’exposition publient habituelle-ment des listes présentant les associations et les personnes engagées dans l’organisation de ces événements. Ces listes contiennent les initiateurs, les membres de la commission centrale, des groupes d’exposition et des commissions de récompense, tous les exposants et parfois aussi les employés du directoire1. Ces énumérations montrent que les expositions nationales n’ont pas été l’œuvre d’un petit groupe exclusif. Au contraire,

1 Voir par exemple : Exposition nationale suisse, Guide officiel, Genève 1ermai-15 octobre 1896, Genève, 1896, pp. 67-73 ; E. LOCHER, H. HORBER, Schweizerische Landesausstellung in Bern 1914.

Administrativer Bericht, Berne, 1917, annexes pp. 21-82 ; Schweizerische Landesausstellung 1939 in Zürich, Administrativer Bericht, Zurich, 1942, pp. 635-681.

pour la réalisation d’un tel événement, il a fallu des douzaines sinon des centaines de comités avec l’engagement d’un grand nombre de personnes.

Sur ces listes d’organisateurs, on ne trouve – à quelques rares exceptions près – que des hommes. Ils sont recrutés surtout parmi les couches de la bourgeoisie, car ce sont les représentants de l’industrie, des entreprises, du commerce, des groupements économiques, de l’administration publique, de la politique, des universités et des beaux-arts. De cette manière, les expositions nationales mobilisent une bonne part de l’élite bourgeoise. Par contre, la classe ouvrière et les organisations ouvrières2, comme les femmes et les associations féminines, restent très marginales. En regardant de plus près les rares femmes figurant sur ces listes, on peut distinguer deux formes de participation féminine à l’organisation des expositions. Dans les commissions générales il arrive qu’une seule femme se range au milieu d’une douzaine d’hommes ou plus. Par contre on trouve des groupes d’exposition qui sont entièrement composés par des femmes lorsqu’ils traitent des aspects de la vie considérés comme typiquement féminins. Très rares sont les groupes dans lesquels la participation des hommes et des femmes est équilibrée3. On peut en trouver la raison dans la mentalité de différenciation de genre, qui attribue aux femmes la sphère privée et réserve aux hommes les activités publiques4.

Sur un plan plus concret, la source immédiate de cette exclusion se situe dans la structure de l’organisation des expositions – comme l’exemple de la Landi 1939 peut bien l’illustrer. Les comités organisant les parties thématiques de cette exposition ont été composés premièrement en demandant aux industriels et aux associations d’intérêts généraux d’une branche s’ils étaient intéressés à y participer5. De ce fait il s’exerce une orientation vers les producteurs et les hommes influents, et ceux-ci s’engagent ou gardent pour eux les secteurs intéressants. Cet intérêt est encouragé pour certains secteurs par la possibilité offerte aux producteurs engagés d’avoir un monopole de livraison pour l’exposition6. Il est très rare qu’une femme se soit trouvée dans cette première série des invités7. De ce

2 Voir Claudio JÖRG, « Die Schweizerische Landesausstellung 1914 in Bern : zwischen Fortschritts-glaube und Kulturkritik », dans Expos.ch. Idées, intérêts, irritations, Archives fédérales suisses, Berne, 2000, pp. 131-149, ici pp. 138-140 ; et Peter GILG, Die Arbeiterschaft. Zusammenschluss mit Vorbehalten, dans Die Landi. Vor 50 Jahren in Zürich, Erinnerungen – Dokumente – Betrachtungen, Stäfa, 1989, pp. 136-140.

3 Pour 1914, voir C. JÖRG, « Die Schweizerische Landesausstellung 1914 in Bern... », p. 140.

4 Ute FREVERT, « Mann und Weib, und Weib und Mann ». Geschlechter-Differenzen in der Moderne, Munich, 1995, pp. 150 ss.

5 Schweizerische Landesausstellung 1939 in Zürich, Administrativer Bericht, p. 36.

6 Par exemple pour le mobilier, les restaurants et les produits alimentaires ; voir Schweizerische Landesausstellung 1939 in Zürich, Administrativer Bericht, pp. 369 ss.

7 Voir Marthe GOSTELI(éd.), Histoire oubliée. Chronique illustrée du mouvement féministe 1914-1963, Berne, 2000, vol. 2, p. 702.

fait aussi, certains thèmes, bien que normalement considérés comme typiquement féminins, sont annexés par des hommes. Dans les douze comités spécialisés de la section « Préparer et manger » (Zubereiten und Essen) par exemple, on trouve 106 représentants des industries alimen-taires – boulangerie, chocolat, conserves, bière, tabac, etc. – et seulement six femmes, toutes dans le comité spécialisé « Cuisiner dans le ménage »8. La question théorique – qui s’est aussi posée aux femmes engagées de ce temps – de savoir si les femmes devaient s’investir partout dans les comités et dans la création de contenus ou au contraire si elles devaient plutôt viser à créer leurs propres sections d’exposition dans lesquelles elles seraient entre elles, semble vaste. En réalité le champ d’action pour les femmes intéressées était trop restreint pour qu’elles puissent choisir librement leur manière de s’engager. Par contre, on trouve différentes possibilités et des stratégies multiples pour parvenir à ce que des idées de femmes soient prises en compte et incluses dans le programme d’exposition – comme le montre l’exemple de la Landi de Zurich. On peut constater que des femmes y réalisent leurs propres projets exclusivement féminins, à l’instar du pavillon des femmes qui rencontre beaucoup de résistance de la part du directoire9 et dont on parlera plus en détail ci-dessous. Une autre possibilité, pour une femme, d’obtenir une place dans un comité de décision est d’être recrutée par la commission féminine qui a la tâche de seconder le directeur d’exposition Armin Meili dans les questions de femmes10. Cette commission a pu proposer des femmes pour les comités spécialisés, dans lesquels elles siègent souvent seules parmi les hommes11. D’autres femmes obtiennent des places de secrétaires d’un secteur et peuvent y réaliser partiellement leurs idées. Emma Steiger, socialiste, docteur en droit et représentante de la Schweizerischen Konferenz für sozialistische Wohlfahrtspflege (aujourd’hui Œuvre suisse d’entraide ouvrière), par exemple, a une position forte dans la section du « travail social » dont elle est la secrétaire12. Et Hermione Fässler, secrétaire du

8 Schweizerische Landesausstellung 1939 in Zürich, Administrativer Bericht, pp. 659-661.

9 Regula STÄMPFLI, Mit der Schürze in die Landesverteidigung 1914-1945. Staat, Wehrpflicht und Geschlecht, Dissertation, Université de Berne, 1999, pp. 169 ss.

10 Cette commission n’a pas de pouvoir décisionnel et le directeur ne s’est pas toujours préoccupé de son avis. Voir Isabelle MEIER, « Das Bild der Frau : bescheiden, helfend, verständnisvoll », dans Die Landi. Vor 50 Jahren in Zürich..., pp. 132-137, ici p. 134.

11 MmeE. Henrici, par exemple, est la « représentante des femmes exposantes » au Comité des expo-sants. Elle y figure parmi les dix-huit industriels et représentants des différentes associations profession-nelles ou de l’Université ; Schweizerische Landesausstellung 1939 in Zürich, Administrativer Bericht, p. 646.

12 Patrick ZOBRIST, Die Darstellung der « sozialen Arbeit » an der Schweizerischen Landesausstellung 1939 in Zürich. Eine Annäherung an die Geschichte der sozialen Arbeit in der zweiten Hälfte des dreissiger Jahre in der Schweiz, mémoire de diplôme non publié, Hochschule für Soziale Arbeit, Zurich, 1999, p. 28.

secteur « Patrie et Peuple » – le Chemin de la Hauteur – joue un rôle important en réalisant cette partie centrale de la Landi 3913. Mais ces femmes sont à peine mentionnées dans les publications officielles. En 1939, la seule participation officielle considérable de femmes se trouve dans les neuf comités spécialisés de l’éducation, où 36 femmes siègent auprès de 152 hommes (19 %)14.

Presque toutes ces possibilités de participation indiquent, en effet, que les femmes ont dû s’introduire par la petite porte. De façon générale, on peut donc en conclure que la participation de femmes est une chose exceptionnelle : elles sont le « deuxième sexe » – pour reprendre le terme de Simone de Beauvoir15.

L’orientation du contenu vers les valeurs et les acteurs masculins Le caractère général du travail et de la patrie16. Toutes ces valeurs dérivent de conceptions masculines et sont un produit de la bour-geoisie du XIXesiècle17. Mais, alors même qu’on célèbre le travail et la production indus-trielle, on mentionne à peine

13I. MEIER, « Das Bild der Frau... », p. 134.

14Schweizerische Landesausstellung 1939 in Zürich, Administrativer Bericht, pp. 670-672.

15Simone de BEAUVOIR, Le Deuxième Sexe, Paris, 1949.

16Bernard CRETTAZ, « Production et Patrie », dans Olivier PAVILLON, Pierre PAUCHARD(éds), La Suisse dans le miroir. Les expositions nationales suisses, Lausanne, 1991, pp. 42-49 ; Madeleine HERREN,

« Gaslicht im Kerzenständer – schweizerische Landesausstellungen im 19. Jahrhundert », dans Expos.ch.

Idées, intérêts, irritations..., pp. 95-109.

17U. FREVERT, « Mann und Weib... »

Fig. 1. Médaille de récompense. E. LOCHERet H. HORBER, Administrativer Bericht. Schweizerische Landesausstellung in Bern 1914, Berne, 1917, Bericht, p. 321.

les ouvriers et encore plus rarement les ouvrières. Par contre le travail est présent par les produits – des produits qui sont liés aux patrons des usines qui figurent comme exposants. Dans ce domaine de la production, les femmes peuvent s’investir seulement dans les sections de la confection et de la mode18. Généralement les expositions sont aussi une expression de l’esprit de concurrence entre les différents produits – ce qui se manifeste clairement par les médailles de récompense. L’illustration ci-dessus présente la médaille qui distingue les exposants méritants à l’Exposition nationale de Berne de 1914. A l’arrière-plan, on voit des artisans : ils représentent les industriels et manufacturiers récompensés et glorifient le travail. La mère avec son enfant au premier plan figure l’avenir de la nation qui repose sur la reproduction. La médaille illustre bien une pensée centrée sur les rôles de genre, une conception qui est présente dans toutes les expositions nationales. Tandis que le rôle des hommes est la production, celui de la femme est la reproduction. Cette conception duale du genre n’a pas été fondamentalement contestée par les femmes engagées dans les expositions, comme on va le voir plus tard. Mais les femmes ne veulent cependant pas réduire leur rôle à la maternité et elles ne veulent pas seulement illustrer des allégories, mais aussi présenter des femmes réelles, au travail.

On pourrait argumenter que ces constats ne sont valables que pour les trois expositions d’avant la Première Guerre mondiale, qui ont plus le caractère de foires et de comptoirs pour quelques exposants privés. C’est vrai dans la mesure où les développements postérieurs ont permis de plus en plus l’inclusion, dans les expositions, de thèmes importants pour les femmes engagées. Mais en général, la prédominance masculine concernant le contenu s’est perpétuée en 1939 et 1964, bien que ces expositions soient constituées d’une structure plus thématique que les précédentes. Vu la structure d’organisation de 1939 décrite plus haut, cela n’est pas surprenant19. Silke Redolfi, auteure de l’histoire de l’Alliance des sociétés féminines suisses, écrit que l’Expo 64 fut la dernière où l’Etat masculin s’est cabré avant l’introduction du suffrage féminin en 197120. La prédominance masculine aux expositions nationales est en réalité plus accentuée que dans la vie quotidienne – mais elle reflète correctement

18 Pour 1914, voir C. JÖRG, « Die Schweizerische Landesausstellung 1914 in Bern... », p. 140 ; et pour 1939 Marthe GOSTELI(éd.), Histoire oubliée..., vol. 2, p. 705.

19 Voir aussi Regula ZÜRCHER, « Das Unbehagen im Staat : Die schweizerische Frauenbewegung, die Landesausstellung 1939 und das Bundesstaatsjubiläum 1948. Ein Nachtrag zum Jubiläumsjahr 1998 », Revue suisse d’histoire 48 (1998), pp. 444-470.

20 « Als letztes Aufbäumen des Männerstaates » : Silke REDOLFI, Frauen bauen Staat. 100 Jahre Bund Schweizerischer Frauenorganisationen, Zurich, 2000, p. 243.

l’exclusion des femmes des instances décisionnelles aux niveaux politique, économique et social. Cela semble logique si on considère les expositions nationales comme des mises en scène qui représentent plus un idéal que la réalité – un idéal conforme aux conceptions bourgeoises de l’homme comme citoyen et producteur et de la femme comme représentante de la vie privée.

Les possibilités et limites de la participation des femmes aux expositions nationales

Mais on l’a vu, il y a des exceptions : des femmes participent au processus de création des expositions nationales. Dès 1896, il y a toujours eu des groupes de femmes qui développent en commun leurs propres stratégies pour présenter leurs activités et leurs idées au niveau national.

Dans les paragraphes suivants, je vais mettre en lumière trois champs d’activité des femmes dans les expositions nationales et montrer quelques caractéristiques centrales de leur engagement.

L’initiative des femmes aboutit à la mise en réseau des associations féminines Un des premiers grands projets des femmes suisses est le 1er Congrès des intérêts féminins qui a lieu dans le cadre de l’Exposition nationale de Genève en 189621. Ce congrès trouve ses origines dans les expositions universelles américaines. C’est à l’Exposition universelle de Philadelphie déjà, en 1876, qu’il y a, pour la première fois, un pavillon de femmes. Ce projet est repris à plus grande échelle à l’Exposition universelle de Chicago en 1893. Tandis que c’est un architecte masculin qui construit le pavillon des femmes en 1876, les organisatrices américaines du pavillon de 1893 le mettent au concours parmi des constructeurs femmes et présentent les prestations et réalisations de femmes conscientes de leur valeur22. Pour cette exposition, des féministes suisses de Genève sont contactées afin qu’elles fournissent des informations sur les activités des femmes suisses.

Mais on n’est pas du tout préparé à une telle tâche : on ne sait alors presque rien sur les différents projets et associations de femmes dans le

21Exposition nationale suisse, Guide officiel..., p. 84.

22John HUTTON, « Picking Fruit. Mary Cassatt’s Modern Woman and the Woman’s Building of 1893 », Feminist Studies, 20 (1994), pp. 319-348, ici pp. 323 s. Pour une réaction suisse au pavillon des femmes de Philadelphie, voir aussi Franz BÄCHTIGER, « Konturen schweizerischer Selbstdarstellung im Ausstellungswesen des 19. Jahrhunderts », dans François CAPITANIet al. (éd.), Auf dem Weg zu einer Schweizerischen Identität 1848-1914, Fribourg, 1987, pp. 207-243, ici p. 230.

pays. Le temps manque pour collecter ce matériel23, ce qui rend impossible une participation suisse au pavillon des femmes de Chicago. Par la suite un groupe de femmes bourgeoises, de Genève et de Berne surtout, initie une enquête officielle sur l’activité des femmes suisses dans le domaine de l’utilité publique. L’enquête est même subventionnée par l’administration fédérale. Les résultats – concernant 5695 associations féminines – sont présentés à l’Exposition nationale de Genève24. Les nouveaux contacts entre les différents groupes du mouvement féministe aboutissent en même temps à une coopération plus intense et à l’idée d’un grand congrès, qui est finalement réalisé en septembre 1896. Ce Congrès des intérêts féminins rassemble, pour la première fois, des femmes et des hommes de toute la Suisse intéressés à l’avancement de la cause féminine. Pendant cinq jours, on écoute des exposés présentés par treize hommes et huit femmes sur la thématique de l’utilité publique, de l’éducation, de la formation professionnelle féminine et des questions juridiques25. Les organisatrices et organisateurs, comme les participantes, sont enthousiastes. Le grand succès du congrès est suivi par un projet de mise en réseau d’où résulte finalement la fondation de l’Alliance des sociétés féminines suisses (ASF) en 1900, association faîtière de différentes sociétés de femmes26. L’Alliance devient la voix principale du mouvement féministe bourgeois27 et aussi une des institutions importantes concernant la participation féminine aux futures expositions nationales. L’exemple du Congrès des intérêts féminins illustre bien le fait que des femmes aient saisi la dynamique créée autour les expositions nationales, pour réaliser des idéaux de coopération et créer des projets qui contribuent à atteindre leurs buts28.

Travail, éducation et charité / travail social : l’attitude de la bourgeoisie Ce qu’il est important de relever pour les organisatrices du Congrès des intérêts féminins est valable également pour presque toutes les femmes qui s’engagent dans les expositions nationales : elles sont – comme les hommes

23 S. REDOLFI, Frauen bauen Staat..., pp. 27-29.

24 Voir Beatrix MESMER, Ausgeklammert – Eingeklammert. Frauen und Frauenorganisationen in der Schweiz des 19. Jahrhunderts, Bâle, 1988, p. 224 ; S. REDOLFI, Frauen bauen Staat..., pp. 27 ss.

25 Susanna WOODTLI, Gleichberechtigung. Der Kampf um die politischen Rechte der Frau in der Schweiz, Frauenfeld, 1975, p. 112.

26 S. REDOLFI, Frauen bauen Staat..., pp. 29-32.

27 Alors que des organisations socialistes s’associèrent au début comme membres de l’ASF, elles quittèrent l’ASF en 1912 déjà, bien avant la Première Guerre mondiale. Voir S. REDOLFI, Frauen bauen Staat..., pp. 58 ss.

28 Regula Zürcher mentionne une autre coopération de ce type – entre des femmes protestantes et catholiques – à l’occasion de l’Exposition de 1939 : voir R. ZÜRCHER, « Das Unbehagen im Staat... », p. 451.

responsables – surtout d’origine bourgeoise. Bien qu’elles se trouvent dans une position discriminée face aux organisateurs masculins, ces femmes partagent certaines valeurs de leur classe sociale. Une valeur centrale est celle des prestations des individus pour la société et la nation. D’un côté, elles soulignent les prestations des femmes comme mères et épouses à travers l’idéal de la maternité29. La célébration de la maternité développée au sens d’un amour maternel pour toute la société trouve son point culminant à la Landi 3930. D’un autre côté, elles mettent aussi en valeur le travail professionnel des femmes. En 1914 par exemple, l’ASF présente une enquête sur les conditions de travail et les salaires des femmes31. Comparée aux mises en scène du travail des organisateurs masculins, la représentation du travail féminin de l’ASF a un autre caractère : ces exposantes expriment aussi une position d’opposition en montrant que le travail de la femme est une prestation sous-estimée.

Un champ d’action important pour les femmes engagées est le domaine de l’utilité publique – un secteur qui correspond aux caractéris-tiques maternelles qu’on considère comme féminines. Dès 1883, des associations de charité féminines sont présentes comme exposantes dans les sections de bienfaisance ou d’éducation où elles montrent quelles sont leurs activités32. Mais l’expérience des associations de femmes dans le secteur social ne se montre pas seulement par l’exhibition de leurs activités comme objets d’exposition, les philanthropes féminines la mettent en pratique au sein des expositions mêmes. A plusieurs reprises, un « Comité de Dames » s’occupe des employées des expositions nationales avec l’intention d’améliorer leurs conditions de travail. Ces comités essaient par exemple d’obtenir que les logements pour le personnel féminin ne puissent pas être accessibles au public – pour protéger les femmes du harcèlement sexuel33. En 1896, tout le personnel féminin de l’exposition loge par conséquent sous la surveillance d’un comité spécial de dames34. En 1914 à Berne, le projet des femmes charitables de créer de

29Pour une description des concepts des deux protagonistes, voir Anne-Marie KÄPPELI,

« Mütterlichkeit als Beruf. Emma/Marguerite : eine feministische Erbschaft mit Hypotheken », dans Marie-Louise BARBEN, Elisabeth RYTER, Verflixt und zugenäht ! Frauenberufsbildung – Frauenerwerbsarbeit 1888-1988, Zurich, 1988, pp. 111-119.

30Voir I. MEIER, « Das Bild der Frau... »

31S. REDOLFI, Frauen bauen Staat..., p. 65.

32Pour 1883, voir B. MESMER, Ausgeklammert – Eingeklammert..., p. 223.

32Pour 1883, voir B. MESMER, Ausgeklammert – Eingeklammert..., p. 223.

Dans le document Quand la Suisse s’expose (Page 42-56)