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CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

CONCLUSION

La dévaluation du FCF A en janvier 1994 est intervenue lorsque les pays concernés étaient confrontés à de graves difficultés économiques et financières structurelles profondes.

Elle était considérée comme un complément nécessaire voire même indispensable des mesures d'ajustement interne en cours. Son objectif est de favoriser le rétablissement des équilibres macro-économiques et financiers, d'une part et la relance des économies des pays concernés par une amélioration de leur compétitivité internationale, d'autre part.

En raison de la disparité entre les pays, la réussite ne s'est pas opérée en même temps et de la même importance. Si un pays comme la Côte d'Ivoire avec un taux de change effectif réel relativement bas par rapport aux autres membres de l'UEMOA a pu réalisé des résultats appréciables, il n'en est pas de même pour le Niger qui ne remplissait pas toutes les conditions générales nécessaires à la réussite de la dévaluation. Par ailleurs il est important de souligner que le taux uniforme de 50% ne tient pas compte des écarts de dépréciation du FCF A entre les pays. Dans le cas du Niger, l'application de ce taux peut être considérée comme une sous évaluation de la monnaie par rapport aux pays à fort taux de dépréciation, d'où l'opportunité .de favoriser davantage la compétitivité prix.

Cependant, si les objectifs anti-inflationnistes sont presque atteints, il n'en est pas de -même en ce qui concerne la relance économique compte tenu des faiblesses structurelles de l'économie en l'occurrence la non diversification des biens échangeables, de l'insuffisance quantitative et l'inefficacité dans la mise en œuvre des investissements.

La baisse des investissements résulte essentiellement de celle des recettes d'exportation d'uranium due à la baisse de la demande et du prix. Elle a non seulement provoqué une

réduction des recettes budgétaires propres de l'Etat, mais a aussi limité ses capacités d'accès aux ressources financières extérieures du fait de difficultés de remboursement de la dette. Ce produit connaît de plus en plus une mévente qui se traduit en même temps par une baisse de prix. ll contribuait pour une part importante aux ressources budgétaires de 1 'Etat, jusqu'à 21%

au début des années 80. Ainsi le déficit des Finances Publiques a été particulièrement aggravé par le retournement du marché d'uranium. Ce déficit est devenu cumulatif avec la constitution d'arriérés intérieurs et extérieurs.

Par ailleurs, les conditionalités des programmes successifs d'ajustement structurel et les exigences du paiement de la dette échue se sont aussi traduites par une réduction de la capacité d'investissement de l'Etat, d'où l'abandon du système de planification macro-économique et multisectorielle à moyen terme. Ainsi, le Plan de Développement Economique et Sociall987-1991 n'a pu être exécuté jusqu'à son terme. Plusieurs programmes de réformes économiques ont été successivement appliqués, entre autres le Programme Significatif de Relance (PSR) et la Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé (F ASR).

Les plans nationaux · de développement économique et social à moyen terme ont toujours été accompagnés par un programme d'investissements publics financés en partie par des emprunts et des dons extérieurs. L'Etat y consacrait aussi d'importantes ressources internes, mais ils ne se sont pas traduits pour autant par le <;léveloppement attendu des secteurs ou branches d'activités, soit à cause des insuffisances du cadre macro-économique, d'erreurs de conception et/ou d'exécution.

A la veille de la dévaluation l'Economie Nigérienne était dans un état de grande récession conjuguée avec d'importants déficits intérieurs et extérieurs telle que le redressement semblait impossible sans apport de fonds extérieurs, même en cas de remise totale des dettes.

En plus du déficit des Finances Publiques handicapant l'investissement public, le secteur privé avait, pour sa part, beaucoup d'aversion d'investissement compte tenu de la situation socio-politique caractérisé par une instabilité politique et des tensions sociales. Somme toute, le risque pays était suffisamment élevé pour décourager les investisseurs.

Tous ces facteurs expliquent l'absence de capacité d'accroissement de la production des biens échangeables alors que la position compétitive du pays s'est améliorée même vis à vis du Nigeria en dépit l'emprise du marché parallèle du Naira.

Aussi, après la dévaluation, il a été paradoxalement constaté au Niger une baisse significative du taux de change effectif réel, jadis bas dans l'UMOA (cf tableau n°4) et une faible réaction positive du secteur d'exportation. La balance commerciale s'est effectivement dégradée d'abord avant de tendre vers un niveau d'équilibre confirmant le phénomène de la courbe en J. L'hypothèse selon laquelle la dévaluation améliore la compétitivité par la baisse du taux de change effectif réel d'un pays est aussi vérifiée dans le cas du Niger. Mais, cette situation n'a pas pour autant favorisé à moyen terme l'équilibre budgétaire. Le pays doit poursuivre les mesures d'ajustement interne en vue de la relance de l'économie. En diversifiant ses exportations, il peut atténuer ou même surmonter la détérioration des termes de l'échange.

L'ajustement monétaire est considéré comme une mesure complémentaire 1' ajustement interne. Au Niger, cette politique n'a pas produit tous les effets attendus. Les difficultés sont inhérentes aux faiblesses structurelles de l'économie conjuguées avec les insuffisances des politiques mises en œuvre. L'étude a identifié une réaction faible de la production à l'amélioration de la compétitivité-prix exprimée par l'évolution favorable du taux de change effectif reél l'absence de cohérence macro-économique, notamment entre l'investissement, le

'

Pffi et les crédits à l'économie. Cependant, elle confirme le risque d'aggravement du déficit

extérieur en cas de politique bugétaire expansionniste lorsque les recettes ne suivent pas le rythme des dépenses.

Les facteurs géographiques tels que la continentalité du pays ayant pour conséquence un renchérissement des frais d'approvisionnement et d'exportation16, et la faible productivité du secteur primaire (agriculture et élevage fortement tributaires de la pluviométrie et occupant plus de 80% de la population active avec une système d'exploitation quasi-rudimentaire; la part du secteur primaire dans le Pffi étant 38% en moyenne, depuis 1984) expliquent aussi les faibles performances de l'Economie Nigérienne.

L'agriculture et l'élevage n'ont pas subi les transformations nécessaires à leur développement. Elles demeurent embryonnaires jusqu'à présent, avec des méthodes de production quasi-rudimentaires, et de plus en plus soumises aux caprices des facteurs climatiques, notamment la pluviométrie.

Même si le Niger reste un exportateur net de produits du bétail et de la viande, il n'arrive pas cependant à assurer régulièrement son autosuffisance en produits céréaliers. Le bilan de la campagne agricole se caractérise par une tendance à un déficit permanent faisant appel à l'intervention des pouvoirs publics.

Le secteur industriel orienté vers l'import-substitution a bénéficié de l'appui financier et mstitutionnel de l'Etat à travers des régimes d'agrément (fiscalité intérieure légère et exonération partielle ou totale des droits de douane à l'importation des biens d'investissement -et de certaines matières premières).

16 Le Niger est un pays entièrement enclavé et situé à près de 1500 kms de la côte la plus proche. TI ne dispose pas non plus de voie férée. Celles qu'il utilise s'arrêtent au Bénin et au Burkina-Faso. Mais, le transport par véhicule est relativement plus onéreux.

Dans la plupart des cas la protection tarifaire a été complétée par une protection quantitative voire une prohibition totale d'importation des produits étrangers similaires ou substituables aux produits domestiques.

Ainsi la politique industrielle mise en œuvre était fondée sur le protectionnisme avec l'implantation d'unités non compétitives même à l'échelle régionale. Elle n'a pas été conçue dans une optique de compétitivité internationale parce que la vision des acteurs était focalisée sur l'import-substitution sans envisager les possibilibités d'exportation. Ces derniers considéraient les industries locales comme des entreprises incapables de placer leurs produits sur les marchés extérieurs à cause des coûts de revient relativement élevés des produits. Pire encore, le Niger a été considéré dès après son accession à l'indépendance comme un pays incapable de dépasser le stade de la petite industrie. Les capacités de production installées étaient généralement fonction de la taille du marché intérieur.

D'une manière générale, cette situation n'a pas permis aux unités industrielles de profiter de la dévaluation; elles se sont trouvées à nouveau incapables de s'orienter vers l'exportation. Pire encore, la faiblesse de la capacité de production s'est traduite pour l'une d'entre elles, en l'occurrence la Société Nationale de Cimenterie (SNC) par une incapacité de satisfaire toute la demande intérieure. La dimension de l'usine et la qualité des équipements ne permettent de livrer les commandes dans les délais souhaités par la clientèle.

Les effets positifs attendus de la dévaluation étaient a priori difficiles à obtenir au Niger

·car les conditions macro-économiques et financières n'étaient pas suffisamment remplies ·pour favoriser une réaction significative de l'offre à l'élasticité prix de la demande d'exportation; la condition d'élasticité de Marshall-Lemer n'est donc pas totalement remplie. Avec l'abandon progressive du protectionnisme, la plupart des entreprises du secteur secondaire s'étaient

trouvées incapables de supporter la concurrence des produits étrangers, et sont tombées par conséquent en faillite.

Au niveau du secteur minier le marché de l'uranium caractérisé par une inélasticité (demande quasi-stationnaire et fixation des prix en FCF A), la dévaluation a entraîné immédiatement une perte nette en terme de devises étrangères.

Face au manque à gagner en devises, le poids de la dette extérieure libellée en monnaies étrangères s'est traduite par un effet de massue sur les Finances publiques. De plus, le tarissement des ressources ordinaires a contribué à alimenter 1' effet de serre sur les Finances Publiques entraînant directement une réduction sensible de la capacité d'investissement public.

En l'absence d'un cadre macro-économique favorable et d'un secteur privé dynamique, l'Economie Nigérienne a été durement éprouvée dans son ensemble par les chocs extérieurs.

Les programmes de réformes économiques mis en œuvre en relation avec les institutions de Bretton Woods n'ont pas produit tous effets attendus, essentiellement à cause de leur inadaptation à la situation économique.

Dans le cas du FMI par exemple, ils sont fondés sur les théories du mécanisme d'ajustement de la balance des paiements et semblent être limités à une simple politique de gestion de la demande, faisant ainsi l'impasse sur les transformations profondes des structures .économiques nécessaires à l'amélioration de la production et l'accroissement de l'offre dans

une perspective de long terme, "au nom du sacro-saint respect des grands équilibres financiers

·(budget et balance des paiements ) '', selon Armand Gilbert NOULA.

Au niveau des établissements financiers, la restructuration a permis d'assainir le secteur, mais ils sont plutôt confrontés à un problème de distribution du crédit et de surliquidité à cause de leur frilosité et le fait que leurs ressources ne correspondent pas réellement aux besoins de

financement à long terme des investisseurs. A cela, les banquiers invoquent surtout l'insuffisance de dossiers bancables.

En dépit de la redéfinition du rôle économique de l'Etat, notamment l'abandon de l'interventionnisme au profit du libéralisme dans le cadre des réformes économiques et financières17, l'Etat se présente comme l'agent déterminant et catalyseur de la croissance et du développement économique et social dans la transition en cours vers l'économie de marché.

Au plan régionàl, la dévaluation a néanmoins incité l'accroissement des échanges entre le Niger et certains de ses partenaires de l'UEMOA en l'occurrence la Côte d'Ivoire dans le domaine du bétail et la viande, et les produits manufacturiers de consommation.

Au plan des échanges avec les pays voisins, notons que la dévaluation s'est effectivement traduite par une amélioration de la compétitivité du Niger vis à vis du Nigeria mais de manière limitée en ce qui concerne les produits similaires de sorte que 1' on ne peut pas de parler d'une compétitivité stricto-sensus. Néanmoins, elle a permis de stimuler les exportations de produits agro-pastoraux du Niger vers le Nigeria tout en limitant à court terme le volume des importations en provenance de ce dernier.

Mais, comme il fallait s'y attendre le cours parallèle du Naira par lequel s'effectuent les transactions du commerce trans:frontalier s'est déprécié par effet de réajustement automatique . à la dévaluation du FCF A, réduisant par conséquent les avantages en terme de prix réels.

Par ailleurs, les importations de produits nigérians similaires à ceux du Niger ont été -poursuivies sans réduction quantitative importante.

17 Les réformes s'inscrivent dans le cadre des programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre en relation avec le FMI et

la Banque Mondiale. lls sont fondés sur les mécanismes de l'economie de marché; mais leur exécution à la lettre, notamment en matière de gestion des ressources humaines s'est confronté à une opposition des organisations des travailleurs ; celles-ci étant contre la déflation des effectifs sans pour autant proposer une solution alternative pour la rentablité du facteur travail. Les licenciements sont plutôt conditionnés au paiement de primes non prévues par la législation du travail.

Ainsi, nous pouvons affirmer que la dévaluation du FCF A ne s'est pas traduite par une amélioration significative de la compétitivité du Niger vis à vis du Nigeria à cause de l'emprise du marché parallèle de change du Naira, favorisé par le cadre informel des échanges.

Le graphique n°5 montre l'écart entre le taux de change de la Chambre de Compensation de l'Afrique de l'Ouest et celui du marché parallèle, et la tendance à la baisse de ce dernier. Au regard du marché parallèle la compétitivité du Niger vis à vis du Nigeria n'a été que de très courte durée. Les prix des produits nigérians sont restés plus bas par rapport à ceux du Niger.

A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas des boissons gazeuses, des pagnes et des produits cosmétiques.

Au plan de la gestion de la dévaluation, notons que le contexte socio-politique peu favorable dans lequel les mesures d'accompagnement ont été mises en œuvre et surtout avec la crise financière de l'Etat. Le succès a été également compromis par un retard quant au choix et l'application effectifs de certaines mesures d'accompagnement telles que la réévaluation des actifs immobilisés des entreprises et la politique de prix post-dévaluation.

Enfin, les difficultés financières de l'Etat, ne permettant à ce dernier d'honorer régulièrement ses dépenses de fonctionnement sont un signe évident de l'insuccès de la . dévaluation au Niger qui ne saurait être imputée spécifiquement au contexte socio-politique.

RECOMMANDATIONS

:PROPOSITIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES ET FINANCJERES