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Conclusion et perspectives de recherche : structure de l’événement, structure

4. ASPECT ET STRUCTURE ARGUMENTALE DANS LES NOMINALISATIONS

4.4. Conclusion et perspectives de recherche : structure de l’événement, structure

L’aperçu proposé dans ce chapitre vise mes contributions dans le domaine de la structure de l’événement (aspect) et la projection des arguments au sein des nominalisations. Le rôle du patron de nominalisation (avec ou sans affixe nominalisateur), traité au chapitre précédant, est ainsi corroboré par les propriétés aspectuelles de la nominalisation : seules les nominalisations « par D » semblent avoir des popriétés d’aspect grammatical, à la différence des nominalisations affixales, qui par hypothèse héritent juste le niveau d’aspect lexical et la structure argumentale. La réalisation de l’argument externe semble conditionnée de la même façon : les mêmes nominalisations semblent projeter l’argument externe et garder la lecture événementielle. Par nature, les D-nominalisations ne sont pas ambiguës, à la différence des nominalisations affixales.

Cette ligne de recherche semble viable à la fois dans le domaine des nominalisations dénotant un procès (cf. le projet IS-AIS sur les nominalisations comportant un aspect grammatical), qu’au sein des nominalisations dénotant un participant (cf. l’étude sur les –eur et les –ant), où l’on retrouve des comportements différencies entre les nominalisations affixales, et des nominalisations basées sur D+PredP, qui sont également des participes nominalisés.

L’un des problèmes posés à une analyse syntaxique (comme celle proposée dans le projet IS-AIS) des nominalisations en français et en polonais, était de concilier la combinaison de nP et de AspP, avec la généralisation selon laquelle n devrait en principe bloquer la projection de catégories fonctionnelles nominales. En investigant plusieurs pistes possibles, j’ai suggéré ici qu’un système de classification différente distingue les deux langues, la nominalisation à travers D étant inaccessible, mais pour des raisons et menant à des stratégies différentes. Les langues slaves font recours à Class/n pour toute nominalisation. Par conséquent, même la nominalisation syntaxique incluant un niveau AspP doit introduire un niveau Class, comme le supposent AIS. Il y a par conséquent une cohésion entre le niveau Class et le niveau D, dans le patron de nominalisation par défaut dans les langues slaves. Une hypothèse pourrait être que la nominalisation par défaut comporte un D nul, ou que le Class serait attiré à D, produisant une nominalisation par D, projeté par-dessus AspP. Ce serait dans ce cas, logiquement, la nominalisation imperfective qui choisirait ce type de patron, car seul l’imperfectif secondaire serait marqué morphologiquement pour l’aspect externe.

Tout comme les langues slaves, le français n’a pas un patron de nominalisation par D actif (exception faite d’une série de constructions assez marginales comme le boire, le manger, le bien vivre). En revanche, le français ne semble pas comporter systématiquement une opposition d’aspect grammatical, qui ne fait pas l’objet d’une grammaticalisation. On peut considérer de ce pas qu’il n’est simplement pas présent, mais que la présence d’un trait [-borné] au niveau de vP induit la valeur [-comptable] au niveau du Class nominal. Les directions d’analyse

que je propose pour l’élaboration d’un système de classification verbale et nominale sont encore en chantier et font l’objet d’un projet en cours (Annexe, Partie IV - Projets).

Une question tangente est celle des classifieurs verbaux/ préfixes superlexicaux dans les langues slaves. Les préfixes slaves ont été analysés en effet comme des classifieurs verbaux par Janda (et collaborateurs, à paraître) ; on a aussi parlé de préfixes superlexicaux (Ramchand & Svenonius 2002; Svenonius 2004). Ce serait en effet une catégorie qui pourrait accueillir le trait #Div au niveau verbal (voir sur ce point Borer 2005 qui semble assumer l’absence de caractérisation de ce type au niveau du verbe, mais sa présence au niveau de l’événement). Par défaut [-borné], le stem imperfectif peut devenir [+borné] par l’apport d’un préfixe ‘perfectivisant’ ; par la suite, l’imperfectif secondaire peut sélectionner le résultat et le rendre à nouveau [-borné]. L’idée des classifieurs verbaux me semble pouvoir donner une place à ce niveau qui n’est ni aspect télique ni aspect imperfectif, et qui serait sélectionné par les nominalisateurs comme –ing, -anie, ou -age.

D’autres pistes de recherche peuvent être indiquées. Telle est la question de la réalisation de ClassP, et la corrélation des traits [+comptable] avec la présence du genre [Féminin] – voir l’infinitif nominalisé et les noms en –ée, et on peut s’intérroger sur la coïncidence entre ces valeurs à travers les langues. Cependant, on peut noter que, suite sans doute à un ‘accident’ diachronique, le stem préféré par les nominalisations bornées n’est pas le même (participe vs. infinitif) à chaque fois (question intéressante si on la met en relation avec l’évolution de l’infinitif en roumain).

Un autre défi est représenté par le patron de nominalisation en D à travers les langues, et ses effets. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, un projet en cours sur le roumain (Iordachioaia & Soare 2013), inclut la formalisation de l’effet pluriactionnel à travers les propriétés du déterminant défini. La question de la définitude et du rôle de D dans le patron de nominalisation brasse d’ailleurs plus de données, puisqu’elle se pose également dans les nominalisations de participants en –ant (qui sont selon Roy & Soare 2011 des nominalisations de PredP directement par D, l’effet étant une interprétation stative).

Un autre problème est soulevé, en rapport avec la contribution de D, par les nominalisations en hébreu. (Engelhardt 2000) soutient, en opposition apparente à tout ce que j’ai construit ci-dessus, que dans cette langue les nominalisations perfectives sont celles qui se combinent avec un défini, et les nominalisations imperfectives celles qui ne le font pas. Plus particulièrement, il est question de nominalisations ‘définies’ et ‘non-définies’. D’autres propriétés associées aux nominalisations définies étant la présence de sujets, l’accord et la perfectivité. En réalité, on peut montrer dans les termes de (Soare 2013a), que la définitude dans ce cas ne veut pas dire le patron de nominalisation par défaut ; ce qui fait la différence entre les deux patrons, c’est le statut nominal contribué par un niveau lexical. On peut en revanche montrer que c’est justement le niveau qui fait défaut dans les nominalisations qu’Engelhardt appelle « non-définies » et imperfectives, qui selon

moi représentent plutôt des nominalisations incomplètes et qui incluent un niveau d’aspect prospectif (ou des participes prospectifs).

Toutes ces questions représentent autant de pistes de recherches pour l’avenir, certaines déjà entammées, d’autres seulement esquissées, et qui se retrouvent dans les documents réunis sous « Projets » dans le document d’Annexes.

5. PROPRIETES DES FORMES VERBALES NON FINIES :