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Cette partie a tenté d’établir une preuve empirique de la relation entre le rationnement du crédit au secteur privé et la croissance économique en utilisant un panel de 19 pays au cours de la période allant de 1990 à 2002. Notre mesure de rationnement de crédit est construite à partir du modèle de Greenwald et Stiglitz (1990) qui constitue une technique de déséquilibre.

Plutôt que de considérer un échantillon de 19 pays estimés en série transversale, nous construisons un échantillon beaucoup plus grand en utilisant aussi bien la dimension trans- versale que celle temporelle. Cette taille du panel permet l’utilisation de nouvelles tech- niques de panel non stationnaires, en l’occurrence les estimateurs de moyenne groupée (Pesaran and Smith (1995)) et de moyenne groupée agrégée (Pesaran, Shin and Smith (1999)).

Les résultats font ressortir que la relation de long terme entre le rationnement de crédit au secteur privé et la croissance économique est négative et significative et que cet effet est plus faible pour les pays à niveau de développement plus élevé. Ils montrent également qu’il existe une forte dynamique de court terme qui tend à ramener cette relation vers un niveau d’équilibre.

Azam, Biais, Dia et Maurel (2001) étudient, à partir d’une base de données de firmes ma- nufacturières, les rôles respectifs des marchés de crédit formel et informel en Côte d’Ivoire. Dans leur analyse, ils établissent d’abord un modèle simple d’aléa moral et à partir d’une approche économétrique structurale, ils tentent de voir si l’amplitude de l’aléa moral et

du coût du crédit peuvent différer dans les marchés de crédits formel et informel, compte tenu du contexte socio-culturel. Les données recueillies établissent que le problème de ra- tionnement de crédit est particulièrement sévère pour les petites firmes du secteur informel dirigées par des africains, qui ont un accès très limité au financement du secteur formel. Leurs résulats soulignent que les marchés de crédit informels peuvent jouer un rôle impor- tant dans la diminution du rationnement de crédit. En effet, Azam, Biais, Dia et Maurel (2001) font d’abord remarquer que les taux de rendement exigés dans les marchés de crédit informels sont plus faibles que ceux du marché formel et que cet argument pourrait être repris par ces derniers pour subventionner le crédit et baisser le coût du financement. En outre, cet effet peut passer par la réduction de l’aléa moral dans le marché informel qui dénote une meilleure performance de contrôle des prêteurs informels que des banques du fait de l’importance des réseaux sociaux. Enfin, ils suggèrent, plutôt que de canaliser les fi- nancements aux institutions de microfinance, d’encourager des politiques visant à octroyer ceux-ci aux réseaux sociaux ou aux institutions locales.

Adams (1999), partant du constat que les marchés d’actifs dans les pays d’Afrique subsaha- rienne ont été sujets à des contrôles sur les prix (à travers des contrôles de taux d’intérêt) et sur les quantités (par le rationnement de crédit), se demande comment ces contrôles affectent le niveau, la composition et l’évolution de la richesse du secteur privé. En parti- culier, il s’interroge sur la manière dont le portefeuille de richesse répond aux changements du niveau de rationnement de crédit et cherche à expliquer comment les contrôles sur les taux d’intérêts nominaux déterminent la réponse du secteur privé à l’inflation ? A partir d’un modèle dynamique et de données agrégées de série temporelle pour le Kenya, il tente de caractériser les choix de portefeuille d’actifs d’un agent représentatif du secteur privé faisant face à un problème budgétaire à deux niveaux. Dans la première étape, l’agent représentatif choisit son offre de travail et de consommation, et par conséquent sa situation nette de richesse, et dans la deuxième étape, les nouveaux stocks de richesse sont alloués à travers différents actifs, qui dans ce cas se composent d’argent, de dépôts bancaires, de prêts, d’actifs réels et de titres gouvernementaux. Adams (1999) montre que la composi- tion du portefeuille d’actifs est significativement influencée par la politique financière, et en particulier par les changements dans le niveau du rationnement de crédit. En effet, le rationnement de crédit contraint le portefeuille agrégé, force l’économie vers l’autofinance-

ment par l’accumulation de dépôts et distord l’accumulation de capital physique vers les actifs non échangeables.

Nos résultats, établis sur un échantillon de taille plus élevée corroborent ceux de Adams (1999) et sont dans le même esprit que Azam, Biais, Dia et Maurel (2001). Ils montrent également que même si le rationnement du crédit au secteur privé demeure élevé en Afrique Subsaharienne et affecte négativement et significativement la croissance économique, les ré- formes structurelles entreprises ces dernières années semblent avoir un effet positif sur la rigidité des marchés de crédit. En effet, beaucoup de réformes ont été entreprises dans ces pays ces dernières années, réformes dont l’objectif est de créer un cadre macroéconomique plus sain, un contexte politique plus démocratique et stable, une amélioration du climat de l’investissement mais surtout une plus grande efficacité des systèmes légaux, une meilleure gouvernance et l’adoption de normes internationales en matière de comptabilité pour les petites et moyennes entreprises ainsi que pour les entreprises évoluant dans le secteur infor- mel. Quand ces réformes seront mieux diffusées, cela permettra certainement aux banques d’être moins réticentes dans leur politique de crédit et de soutenir l’investissement dans ces pays. Cependant, la limite principale de notre étude demeure dans le fait qu’elle ne prend pas en compte le secteur privé informel qui occupe une part importante de l’économie de certains pays. Ce qui laisse à penser que dans les pays où le secteur privé informel est plus développé que celui formel, les niveaux de rationnement de crédit seront plus élevés et l’impact sur la croissance économique sera également plus important. Une autre limite de cette approche, liée au caractère des données, est qu’elle ne permet pas de distinguer la nature des firmes du secteur privé qui sont les plus rationnées, leur secteur d’activité, leur potentiel en termes de création d’emploi et le niveau de consommation de leurs produits par les pauvres. Il serait donc intéressant en termes de recherches futures d’étudier les caractéristiques de ces firmes et de voir l’impact de ce rationnement sur le bien-être des pauvres.

En attendant, il sera utile pour décrisper l’investissement dans ces pays, d’encourager le dé- veloppement des marchés financiers. Malheureusement, ceux-ci tardent à décoller et restent souvent tributaires de la situation politique, économique et sociale en vigueur dans ces pays.

Troisième partie

MARCHES FINANCIERS ET

INCERTITUDE : LE CAS DES

PAYS DE L’AFRIQUE

SUBSAHARIENNE

"Les Bourses ne traduisent pas l’état des économies, mais la psychologie des investisseurs".

Françoise Giroud, (La rumeur du monde).

0.17

Introduction

A l’indépendance, la plupart des pays d’Afrique Subsaharienne et du Nord avaient des systèmes financiers relativement simples, tout juste adaptés au financement du commerce extérieur. Le financement des autres activités de production était limité et la politique monétaire reposait sur des règles de nature dirigiste.

En effet, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne et du Nord croyaient qu’il était possible d’accélérer la croissance économique en identifiant des secteurs prioritaires et en utilisant des contrôles sélectifs de crédit pour promouvoir ceux-ci. Les taux d’intérêt étaient maintenus à des niveaux réels négatifs, et des lois bancaires furent promulguées pour forcer les banques à fournir du crédit aux secteurs prioritaires à des taux subventionnés. Le résultat était souvent une mauvaise allocation des ressources. Les secteurs prioritaires ont rarement montré une performance qui a justifié les mesures prises, et les taux de croissance au début des années 1980 étaient généralement insuffisants pour élever le revenu par tête. C’est cette politique que Mc Kinnon (1973) et Shaw (1973) ont qualifié de politique de répression financière. Celle-ci a constitué la référence théorique autour de laquelle s’est développée l’approche néo-libérale en matière d’organisation du système financier dans les pays en développement et dont se sont inspirées des institutions internationales comme la Banque Mondiale et le FMI pour justifier la libéralisation financière.

En effet, dans leur théorie sur la répression financière, ces auteurs partent du constat selon lequel dans les pays en développement, l’inflation est élevée et instable. La politique de taux d’intérêt bas rend alors les taux d’intérêt réels négatifs et pousse les épargnants à préférer les biens refuge à la monnaie. Dans ces conditions Mc Kinnon (1973) et Shaw (1973) préconisent l’abandon du plafonnement des taux d’intérêt en faveur de leur libéralisation, l’abaissement des réserves obligatoires, l’abandon du dirigisme dans l’allocation du crédit, la stimulation de l’offre globale et l’établissement d’un marché des capitaux.

La disparition des politiques interventionnistes au milieu des années 1980 incita beaucoup de pays à s’embarquer dans un agenda de réformes qui comprenait, outre les mesures

préconisées par Mc Kinnon (1973) et Shaw (1973), la restructuration et la privatisation des banques commerciales et le développement des marchés financiers.

Si pour certains d’entre eux, la création d’un marché financier a coïncidé avec un certain degré de maturité de leur système financier, la plupart de celles qui ont eu lieu à la fin des années 1980 et au début des années 1990, procèdent d’une volonté de compléter l’ar- chitecture financière de ces pays et au besoin d’accompagner les nombreuses privatisations initiées dans le cadre des programmes d’ajustement structurel. Force est de reconnaître que l’introduction en bourse de nombreuses entreprises jadis publiques a permis à certains mar- chés de démarrer, mais le dynamisme attendu n’a pas été au rendez-vous dans la plupart des cas du fait, a-t-on souvent dit, de la faiblesse des taux de croissance, des niveaux bas de l’épargne intérieure et du niveau élevé de la fuite des capitaux en omettant le contexte dans lequel évoluent ces pays. En effet, il serait impossible de comprendre complètement le mauvais fonctionnement des marchés financiers en Afrique Subsaharienne sans prendre en compte le contexte politique, économique et social. Dans beaucoup de pays, les images provenant de la presse internationale et faisant état de situations de conflits armés, de famine, de corruption généralisée, de mauvaise gouvernance et de violations flagrantes des droits de l’homme sont autant de facteurs qui sont perçus par les investisseurs étrangers comme pouvant affecter la capacité de ces économies à créer de la richesse et à sécuriser des investissements. Par conséquent, ces facteurs affectent le développement des marchés financiers dans cette région en ce sens qu’ils engendrent une perception généralement néga- tive que de potentiels investisseurs se font sur cette partie du monde et éclaboussent même les pays dans lesquels des efforts notables ont été accomplis.

A ce jour, aucune étude n’est venue poser le problème de la nature et de l’impact de l’incer- titude sur le développement des marchés financiers dans les pays d’Afrique Subsaharienne. Cette partie vient donc combler un vide, en détectant et en hiérarchisant les différentes sources d’incertitude qui s’exercent sur les marchés financiers. Dans les deux premières sec- tions, nous effectuons une présentation des marchés financiers et de leurs déterminants en Afrique et dans la troisième, nous présentons la revue de littérature. La partie empirique est abordée par les trois dernières parties qui comprennent respectivement la modélisation de l’incertitude, la méthode des moments généralisés et l’estimation de notre modèle de marché financier.