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Conclusion générale

Mes travaux de thèse se sont inscrits dans la démarche de l’équipe qui mène conjointement un programme de recherche fondamentale et appliquée. La mise en évidence des mécanismes impliqués dans la tolérance au froid de l’Eucalyptus a pour objectif d’augmenter les connaissances dans ce domaine mais aussi de désigner des gènes candidats pour une démarche de sélection assistée par marqueurs. Dans ce cadre, l’Eucalyptus est une espèce cible de choix de par son intérêt économique (pâte à papier) et de par sa forte exposition au froid (absence de dormance et feuillage persistant). Ce dernier point est particulièrement intéressant pour l’étude des mécanismes de tolérance au froid car l’Eucalyptus pourrait mettre en œuvre des processus particuliers afin de parvenir à subsister durant l’hiver.

L’étude de la plante modèle A. thaliana a permis de démontrer l’importance de la voie CBF dans la tolérance au froid. Les travaux sur cette voie se sont étendus à d’autres espèces, plus ou moins tolérantes, ce qui a permis de montrer une bonne conservation de la voie CBF entre les espèces mais aussi l’importance de la régulation des gènes CBFs et des gènes appartenant au régulon CBF dans le niveau de tolérance au froid. L’objectif de ma thèse était d’étudier cette voie chez l’Eucalyptus, pour la comparer aux données décrites chez les plantes annuelles, ou pérennes entrant en dormance. Une première approche a consisté à étudier la régulation de quatre gènes CBFs d’Eucalyptus gunnii, isolés dans notre équipe (Marque, 2008), en réponse au froid et à différents stress. L’étude fonctionnelle a été poursuivie par la génération de lignées d’Eucalyptus surexprimant un gène EguCBF1 afin de mettre en évidence des mécanismes caractéristiques de la voie CBF chez l’Eucalyptus, d’une part pour vérifier l’implication des CBFs dans la tolérance au froid de cette espèce et d’autre part pour évaluer le lien entre les CBFs et le développement. Nous nous sommes en effet basés sur l’hypothèse selon laquelle l’Eucalyptus développerait des stratégies particulières (régulation des gènes CBFs, régulon CBF) en raison de sa nécessité à survivre pendant l’hiver avec son feuillage persistant et l’absence de dormance.

Une des originalités de notre étude d’expression est d’avoir appliqué différents stress froid : le choc 4°C (communément utilisé), l’acclimatation, et une descente progressive vers des températures gélives. Ces traitements de froid variés, que nous avons essayés de rappprocher des conditions naturelles, nous ont permis de montrer que les gènes EguCBF1s sont régulés différentiellement et de façon complémentaire par l’intensité du froid ainsi que par la vitesse de refroidissement. De plus, l’utilisation de la RTqPCR couplée à une interprétation des résultats en termes d’induction et de nombre de copies du transcrit par ng a

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donné l’opportunité d’évaluer la quantité absolue de transcrits EguCBF1 et ainsi, de mettre en évidence un niveau d’expression de base spécifique à chacun des gènes EguCBF1s. Ces données d’expression nous ont également amenés à proposer un modèle dans lequel chacun des gènes EguCBF1s répond préférentiellement à un type de froid. C’est une des données originales par rapport aux données de la littérature. L’EguCBF1c en particulier, présente à la fois un niveau élevé en conditions standard et une réponse à des stress multiples. C’est donc un profil qui n’a jamais été décrit et qui pourrait être un élément spécifique de l’adaptation nécessaire de l’Eucalyptus à une exposition permanente au froid. C’est un candidat qui peut donc être intéressant pour les études d’amélioration génétique de la tolérance de l’espèce aux stress abiotiques.

A cette étape, plusieurs questions se sont posées, la principale étant : les EguCBF1s sont-ils fonctionnels? Pour répondre à cette interrogation et aussi dans le but de compléter nos connaissances sur la voie CBF, des Eucalyptus transgéniques surexprimant le gène EguCBF1a ou 1b ont été générés. Après avoir mis au point un test de tolérance au froid adapté à des microboutures en culture in vitro, nous avons constaté une augmentation de la tolérance au gel lorsqu’un gène EguCBF1 est surexprimé. Ce résultat majeur a confirmé les prédictions de fonctionnalité d’EguCBF1A et 1B avancées par les analyses des domaines fonctionnels et en particulier par la modélisation en trois dimensions.

L’obtention de lignées surexprimant le gène EguCBF1a ou 1b au même niveau de transcrits nous a donné l’opportunité de comparer l’effet de ces deux gènes. Nos données indiquent clairement une différence entre l’effet de la surexpression du gène EguCBF1a et celui de la surexpression du gène EguCBF1b : globalement, les phénotypes sont significativement modifiés dans le premier cas et peu différents ou comparables au sauvage dans le second. L’analyse de l’induction de cinq gènes connus pour appartenir au régulon CBF et induits chez l’Eucalyptus lors d’une acclimatation, a appuyé ce constat en mettant en évidence une induction généralement plus forte lors de la surexpression du gène EguCBF1a. La différence d’impact phénotypique peut avoir une explication quantitative liée à l’efficacité de la protéine EguCBF1A ou 1B. Cependant, l’induction de la Thioredoxine équivalente pour les deux types de lignées peut aussi suggérer que tous les gènes cibles ne sont pas activés selon les mêmes modalités par les différents EguCBF1s. La régulation fine des gènes EguCBF1s que nous avons décrite en fonction du type de froid perçu ainsi qu’un régulon probablement préférentiel de chacun des EguCBF1s pourraient permettre à cet arbre très

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exposé au froid, de mettre en place des mécanismes efficaces en réponse à des conditions de froid très variables.

Cette hypothèse devra être étayée par des expériences d’expression transitoire en cotransformation afin d’évaluer les capacités de liaison et/ou de trans-activation de chacun des CBFs. De plus, des banques soustractives ont été construites à partir des lignées transgéniques et sauvages (acclimatée ou non). Leur analyse (en cours) permettra d’évaluer la taille et la composition du régulon CBF chez l’Eucalyptus en comparaison du transcriptome froid. En effet, l’analyse de la banque « A1 vs sauvage » mettra en évidence des gènes induits par les EguCBF1s, et l’analyse de la banque « sauvage vs sauvage acclimatée » révèlera des gènes régulés par le froid. La comparaison des deux pools de gènes devrait fournir des informations sur l’importance de la voie CBF dans la réponse au froid et sur les gènes du régulon. Les collections d’EST générées pourront aussi être utiles pour comparer l’impact de la surexpression d’EguCBF1a et 1b sur les gènes cibles et donc sur les mécanismes de tolérance. Il est en effet envisagé de déposer ces collections sur des filtres pour entreprendre plusieurs hybridations qui pourront apporter des éléments de réponse sur les régulons des EguCBF1s :

(1) Deux hybridations avec les ARNs des surexprimant EguCBF1a et 1b pourront révéler des différences d’ordre quantitatif sur l’induction des gènes cibles et étendre les résultats que nous avons obtenus sur les 6 gènes cibles présentés dans l’article.

(2) La comparaison des résultats issus d’une hybridation avec les ARNs d’une plante sauvage ayant subi un choc froid et ceux d’une plante sauvage acclimatée devrait mettre en évidence des différences quantitatives mais peut-être aussi qualitatives entre le régulon d’EguCBF1A et B. En effet, nous avons montré une expression différentielle et complémentaire des EguCBF1s en réponse à des applications de froid variées : lors d’un choc froid l’EguCBF1a est plus représenté que l’EguCBF1b, et inversement au cours d’une acclimatation.

Ces différents projets pourront permettre d’approcher les différents régulons EguCBF1s, cependant il sera difficile d’affirmer qu’un gène appartient à un régulon spécifiquement. En effet, dans le cas de la surexpression l’ensemble des gènes régulés par les CBFs est certainement représenté, et dans le cas d’une induction « naturelle » en réponse au froid, selon nos résultats, jamais un CBF n’est induit seul. L’obtention et l’analyse du transcriptome de lignées RNAi pour un gène EguCBF pourrait aussi apporter des éléments de réponse mais la compensation possible entre les EguCBFs pourrait être un biais.

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En parallèle, une étude de la morphologie, et de la croissance a permis de mettre en évidence sur du matériel en culture in vitro des phénotypes liés à la tolérance au froid et aux CBFs déjà connus comme la croissance et le volume des cellules, mais aussi des phénotypes peu décrits comme la densité de stomates, la quantité d’anthocyanes, l’épaisseur des feuilles et le dépôt de cire. Ces premières observations qui semblent révéler des particularités de l’Eucalyptus, seront à confirmer et/ou compléter par un phénotypage approfondi des plantes transgéniques enracinées. En particulier, l’effet de la surexpression sur la croissance, difficile à évaluer sur des microboutures, pourra être précisé. Actuellement les protocoles d’enracinement et d’acclimatation en sol sont en cours de mise au point. La relation connue entre CBFs et la voie des gibbérellines pourra être testée par ajout de GA3 et observation de la réversibilité ou non des phénotypes. Il pourrait aussi être envisagé un dosage des gibbérellines actives dans les Eucalyptus transgéniques. De plus, par l’analyse de la banque SSH, nous pensons révéler des gènes régulés par les CBFs et liés au développement. Enfin, si aucun gène de GA2 oxydase n’est isolé à partir des banques, il sera possible d’engager une recherche ciblée de ces gènes.

Par ailleurs, les lignées transgéniques font actuellement l’objet d’une étude du métabolome dans l’équipe de Dirk Hincha (Max Planck Institut de Golm) dans le cadre du projet ANR ERANET FROSTY. Dans ce projet, l’analyse des sucres solubles et des acides aminés dans les lignées transgéniques et les lignées sauvages acclimatées pourra compléter les premiers travaux de l’équipe, centrés sur le rôle des sucres dans l’acclimatation. Cette démarche a été initiée, lors de mon séjour dans l’équipe de Dirk Hincha, séjour durant lequel j’ai préparé les échantillons destinés à des analyses en GC-MS et Dionex. Les premiers résultats ne sont pas encore analysés complètement mais il semblerait que le matériel en culture in vitro ne soit pas approprié à cause d’une concentration en sucre élevée dans le milieu. Néanmoins, les résultats préliminaires suggèrent que le raffinose et le stacchyose s’accumulent au cours de l’acclimatation chez E. urophylla x E. grandis. Ces analyses sont actuellement envisagées sur des plantes transgéniques enracinées.

De plus, la comparaison entre les résultats issus de l’analyse du métabolome (collaboration avec l’équipe de Dirk Hincha) et celle du transcriptome (banque SSH) pourrait être une démarche originale permettant de préciser la relation entre expression génique et synthèse de protéines dans le cadre de la tolérance au gel de l’Eucalyptus.

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113 Les résultats obtenus au cours de ces quatre années ont donc permis de proposer un modèle sur la complémentarité de la régulation des gènes EguCBF1s qui semble être dépendante du type de froid perçu. La fonctionnalité des EguCBF1A et 1B a été démontrée et l’hypothèse d’une efficacité différente de l’activation des gènes cibles et éventuellement d’un régulon préférentiel a été émise. En outre, nous avons apporté de premières informations sur une problématique récente : quel est le lien entre les gènes CBFs et le développement? Nous avons aussi généré des outils qui permettront une investigation plus poussée pour répondre à cette question essentielle.

En dehors de ces différents résultats ce travail a permis la mise au point d’une nouvelle manière d’exploiter les données de RTqPCR en calculant le nombre de copies de transcrits à partir de courbe étalon. Nous avons ainsi pu proposer une nouvelle vision de la régulation des gènes CBFs, plus précise et plus représentative que celle basée sur l’induction des gènes.

De plus, nous avons obtenu des lignées d’Eucalyptus surexprimant les gènes EguCBF1a ou 1b qui constituent un outil de choix pour approfondir nos connaissances sur la voie CBF chez l’Eucalyptus. Enfin, les lignées d’A. thaliana surexprimant les gènes EguCBF1a ou 1b permettront une comparaison avec les autres CBFs déjà étudiés.