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Chapitre 6 : Discussion et retour sur les résultats

6.4 Conclusion

Comme l’évoque Putnam (1999), les relations sociales agissent en tant que filet de sécurité procurant un bien-être à la fois physique et mental. Ainsi, selon ce dernier, les individus ont l’occasion d’être plus productifs quand ils ont la chance de vivre ou de travailler dans une

14 Apiculture, forêt nourricière, ruelles vertes, serres locales de production, jardins individuels, élevage de poules et de petits

131 collectivité ou dans un organisme qui présente des caractéristiques élevées de participation, de confiance et de réciprocité. À ce titre, les initiatives de jardins collectifs participent à la dynamique locale communautaire et permettent d’accroître le capital social préexistant des individus. Toutefois, pour ce faire les coordonnateurs-animateurs doivent absolument tenir compte des champs d'intérêt des participants qui sont le moteur de leur initiative, ce qui rejoint la position de Bourdieu (1980) sur le capital social. Cette tâche est parfois moins aisée avec certains types de jardiniers, d’où l’intérêt de se questionner sur les méthodes de participation, afin de favoriser la prise de parole des individus aux habiletés sociales plus restreintes. Ces projets caméléons ont l’avantage de pouvoir prendre plusieurs formes, de façon à satisfaire les intérêts d’une multitude de participants, mais ne possèdent pas toutes les vertus. Le jardinage sert de prétexte pour rassembler des individus autour d’une passion commune dans le but de faire du développement social. Pendant l’instant d’un moment, les jardiniers, qu’ils soient pauvres ou plus aisés, sont sur le même pied d’égalité et ont la possibilité d’acquérir des connaissances. Le jardin collectif agit alors en tant que canal de communication et facilite les rapprochements entre les individus. Il n’y a pas de doute que ce type de projet peut avoir des retombées sur les habitudes alimentaires des participants et possède un grand potentiel de conscientisation, mais ce ne sont pas tous les individus qui développement du capital culinaire. La contribution des jardins collectifs à la sécurité alimentaire se joue d’ailleurs sur ce point. D’une certaine manière, ils permettent à des individus d’avoir accès à des aliments de qualité, mais ce n’est pas sans effort, ni leur compétence première. Ils donnent davantage accès à un divertissement peu coûteux, à des informations qui permettent aux individus de valoriser leurs connaissances sur les plans horticole et alimentaire, de poser de meilleurs choix, ainsi qu’une occasion pour ceux-ci de se sentir utiles, d’acquérir de l’estime de soi et de la dignité. Ainsi, à travers un processus d’empowerment individuel, les jardiniers ont l’opportunité de développer de l’autonomie alimentaire et des habiletés à briser l’isolement leur permettant ainsi de participer à la société. Toutefois, l’initiative ne semble pas correspondre à des individus aliénés dépourvus de capital social et financier pris dans l’urgence. En effet, pour se sortir d’une de la pauvreté, il faut posséder un investissement de base pour accéder aux opportunités d’emploi. La situation actuelle au Québec contraint les individus à rester en situation de pauvreté et rend encore plus difficile leur retour au travail. Nous pensons qu’il serait important de se pencher sur le phénomène de la pauvreté davantage en regardant la relation d’assistance que la société entretient avec les moins bien nantis pour

reprendre la terminologie de Simmel ([1903] 1998). Par exemple, la mise en place d’un revenu intégré de soutien au revenu (RISR) tel que proposé en 2009 par le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale15 serait selon certains chercheurs, une bonne façon de rétablir une certaine forme de justice sociale et de redonner de la dignité aux personnes stigmatisées (Couturier 2013). Pour leur part, les jardins collectifs restent encore peu connus comme outil de développement social et sont souvent confondus avec les jardins communautaires de la Ville. Les jardins collectifs s’ajoutent à une variété d’interventions qui souhaitent apporter des solutions aux individus désireux de s’émanciper socialement et qui peuvent avoir un impact important sur la conscience alimentaire des individus. Pour assurer la pérennité de leurs initiatives, les organismes communautaires ont avantage à mieux définir leurs projets et leurs limites, à les évaluer davantage, à diversifier leurs approches de réseautage et à continuer à établir des partenariats tant au niveau local qu’au niveau de la communauté métropolitaine de Montréal. De plus, il y aurait certainement matière à s’inspirer et à collaborer davantage avec les cuisines collectives qui possèdent une structure commune plus établie de manière à s’assurer d’avoir un plus grand impact sur le capital culinaire des individus. Les jardins collectifs devraient s’assurer d’avoir une bonne visibilité et tenter de s’insérer de façon plus importante dans les politiques publiques sociales à venir afin d’obtenir un meilleur financement. Il serait d’ailleurs intéressant de conduire une recherche sur les relations de proximité, les formes de collaboration, les lieux de rencontres et de réseautages des organismes qui travaillent actuellement en lien avec l’agriculture urbaine en général à Montréal, afin de mieux comprendre les situations problématiques et conflictuelles, les alliances ainsi que les jeux d’acteurs. Cette étude pourrait s’accompagner d’une analyse sur l’évolution de la participation dans les jardins collectifs depuis les années 90 à l’échelle montréalaise afin de mieux comprendre son évolution et sa popularité. D’un autre côté, il serait aussi très enrichissant dans le cadre d’une autre recherche ou mémoire, de faire une étude de cas sur une municipalité comparable à Montréal et reconnue comme pionnière en agriculture urbaine communautaire, afin de s’en inspirer et d’apporter des éléments nouveaux et originaux sur la question.

15 La proposition cherche à répondre à deux problèmes principaux : d’abord s’assurer que l’ensemble de la population ait accès à

un revenu qui lui permet de subvenir à ses besoins de base; ensuite éliminer la trappe à la pauvreté en s’assurant que chaque heure rémunérée ait un impact à la hausse sur les revenus. Parallèlement le comité souhaite réduire la stigmatisation qui accompagne les périodes de plus grande adversité financière, qui nécessite une aide de l’État. Pour y arriver, le RISR utiliserait d’abord les crédits d’impôt remboursables (qui s’ajouteraient aux prestations de l’aide sociale, le cas échéant) afin d’atteindre un revenu équivalent 80 % de la mesure du panier de consommation (MPC). À mesure que les revenus de chaque personne atteindraient la parité avec la MPC, les crédits d’impôt seraient modulés jusqu’à disparaître complètement (Couturier 2013).

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