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En ce qui concerne les sociétés Alloin Holding, Dachser et Gefco

A. Sur la sanction du grief n° 1

2. En ce qui concerne les sociétés Alloin Holding, Dachser et Gefco

696.L’Autorité a fixé les sanctions encourues par les sociétés Alloin Holding, successeur juridique de Transports Alloin, Dachser, anciennement Graveleau, et Gefco, avant individualisation, à la somme de 100 000 euros chacune (décision attaquée, § 1192).

697.Les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International font valoir qu’en fixant les sanctions au titre du grief n° 1, l’Autorité a méconnu, à l’égard de la société Alloin Holding, les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

698.En effet, selon les requérantes, il ressort du rapprochement des tableaux figurant aux paragraphes 1184 et 1192 de la décision attaquée que, à l’exception de la société Alloin Holding, toutes les entreprises dont la part de marché en 2008 était inférieure ou égale à 2,9 % se sont vu infliger une sanction de 50 000 euros. Quant aux entreprises ayant été sanctionnées par une amende forfaitaire de 100 000 ou 200 000 euros, leur part de marché était supérieure à 3,4 %.

699.Dès lors, le principe d’égalité de traitement aurait dû conduire l’Autorité à infliger à la société Alloin Holding, dont la part de marché n’était que de 2,9 % – identique à celle de la société Ziegler –, une sanction de 50 000 euros, et non de 100 000 euros.

700.Les sociétés Gefco et Peugeot font valoir que le principe fondamental d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, et soutiennent que c’est en violation de ces principes que l’Autorité a imposé à la société Gefco une sanction forfaitaire deux fois plus élevée que celle qu’elle a infligée aux sociétés Lambert et Valette, Normatrans, Transports Henri Ducros et Ziegler, alors même qu’elle se trouvait dans une sanction foncièrement similaire à celle de ces quatre entreprises.

701.En effet, en premier lieu, la participation de la société Gefco au grief n° 1 aurait été moins longue et d’une intensité moindre que celle desdites quatre entreprises. En second lieu, l’Autorité n’expliquerait pas, dans la décision attaquée, pourquoi la prise en compte des parts de marché respectives des entreprises en cause serait un facteur pertinent d’individualisation des sanctions.

702.Les sociétés Gefco et Peugeot ajoutent qu’en tout état de cause, en 2008, la société Gefco occupait sur le marché de la messagerie une position comparable à celle de la société Ziegler, puisqu’elle détenait 3,7 % de parts de marché, et la société Ziegler 2,9 %.

703.Elles demandent donc à la cour de réduire le montant de la sanction qui leur a été infligée, y compris la réduction de 19 % accordée au titre de la non-contestation des griefs, à la somme de 40 500 euros.

704.Les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. font valoir, d’une part, que, tout en constatant que les pratiques objet du grief n° 1 s’inscrivaient dans un contexte très particulier (décision attaquée, § 1169 à 1171), l’Autorité n’en a pas tiré les conséquences en refusant de suivre les recommandations du ministre chargé de l’Économie l’invitant à prononcer une sanction purement symbolique, et considèrent que, dans ces conditions, la sanction prononcée à leur encontre est disproportionnée.

705.D’autre part, les requérantes soulignent que la décision attaquée n’apporte aucune précision quant à la méthodologie retenue par l’Autorité pour aboutir aux différentes catégories d’entreprises.

706.Elles invitent en conséquence la cour à réformer la décision attaquée afin que ne leur soit infligée qu’une sanction symbolique.

707.Le ministre chargé de l’Économie relève, d’une part, les sociétés Ziegler et Alloin Holding ont participé aux deux campagnes « surcharge gazole » et avaient en 2008 une part de marché identique, de 2,9 %. De même, il constate que la société Gefco n’a participé qu’à la seconde campagne « surcharge gazole », tandis que la société Ziegler a participé aux deux campagnes, et que ces deux sociétés disposaient d’une part de marché similaire. Considérant que l’analyse de l’Autorité ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles les sanctions infligées aux sociétés Alloin Holding et Gefco sont plus élevées que celle appliquée à la société Ziegler, le ministre s’en remet à la sagesse de la cour.

708.D’autre part, le ministre considère que, même si les sanctions prononcées au titre du grief n° 1 ne sont pas « symboliques », les montants finaux, réduits pour de nombreuses sociétés après la prise en considération de circonstances atténuantes et des ajustements finaux, demeurent proportionnés eu égard à la gravité des pratiques. Il conclut donc au rejet de la demande des sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co.

709.L’Autorité fournit les mêmes explications que celles données aux sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, résumées au paragraphe 678 du présent arrêt.

710.En réponse aux observations de l’Autorité, les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International font valoir que le tableau figurant au paragraphe 207 desdites observations n’avait pas été porté à la connaissance des requérantes dans le cadre de la procédure administrative, que les explications de l’Autorité constituent donc une motivation nouvelle, à ce titre irrecevable.

711.Elles font subsidiairement valoir que lesdites explications sont incohérentes avec la motivation figurant aux paragraphes 1182 à 1184 de la décision attaquée, dans lesquels, pour décrire l’ampleur de la pratique objet du grief n° 1, l’Autorité s’est référée aux parts de marché détenues en 2008 par les entreprises ayant participé à ce grief.

712.En réponse aux observations de l’Autorité, les sociétés Dachser et Dachser Group SE &

Co. font valoir que les explications fournies par l’Autorité sur la méthode de calcul des sanctions infligées au titre du grief n° 1, quoique bienvenues, sont tardives. En outre, l’Autorité n’expliquerait toujours pas à partir de quel montant de la valeur des ventes une entreprise bascule dans telle ou telle catégorie.

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713.En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co., l’Autorité a tenu compte du contexte particulier dans lequel se sont inscrites les pratiques objet du grief n° 1, en décidant, au paragraphe 1173 de la décision attaquée, de s’écarter de la méthode décrite dans le communiqué sanction pour lui préférer un mode de fixation forfaitaire, dont les requérantes ne contestent pas le caractère avantageux pour les entreprises sanctionnées. L’Autorité n’était, par ailleurs, pas tenue de suivre l’invitation du ministre chargé de l’Économie de n’infliger que des sanctions symboliques.

714.En deuxième lieu, ainsi que le font justement valoir les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, l’explication fournie par l’Autorité dans ses observations devant la cour concernant la répartition des entreprises ayant participé au grief n° 1 en trois catégories, opérée au paragraphe 1192 de la décision attaquée, ne figure pas dans cette décision. La cour constate toutefois que les requérantes ne demandent pas l’annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation.

715.En troisième lieu, aux paragraphes 1182 à 1184 de la décision attaquée, l’Autorité s’est certes appuyée sur les parts de marché détenues en 2008 par les entreprises ayant participé au grief n° 1 pour apprécier l’ampleur de ce grief, mais ces paragraphes n’avaient pas vocation à déterminer le mode de calcul de la sanction encourue et rien, dans la motivation du paragraphe 1192 de la décision attaquée, n’est de nature à laisser penser que l’Autorité y a pris en compte le poids économique respectif desdites entreprises en 2008.

716.Les pratiques objet du grief n° 1 se sont déroulées entre le 26 mai 2004 et le 5 janvier 2006.

L’Autorité ayant indiqué, au paragraphe 1192 de la décision attaquée, qu’aux fins du calcul des sanctions infligées au titre de ce grief, elle regrouperait les entreprises participantes « en plusieurs catégories pour refléter le poids respectif de chacune d’entre elles », il lui appartenait de se référer au poids respectif de chacune des entreprises à l’époque des pratiques. Dès lors, le choix de retenir comme année de référence l’année 2005 apparaît parfaitement logique, dans la mesure où il s’agit de l’unique année complète de participation au grief n° 1.

717.À l’inverse, si l’Autorité avait fondé le calcul des sanctions sur le poids respectif des entreprises à une période postérieure de plusieurs années aux pratiques, sans aucune explication, les entreprises sanctionnées auraient été en droit de demander la réformation de ce calcul comme étant contraire au principe de proportionnalité des sanctions, rien ne justifiant qu’en cas d’évolution des parts de marché respectives des entreprises au cours des années, une entreprise voie, sans raison dûment motivée, sa sanction calculée sur la base d’une part du marché supérieure à ce qu’elle était à l’époque des pratiques.

718.Il se déduit des considérations qui précèdent que les explications fournies par l’Autorité dans ses observations ne relèvent pas d’une construction a posteriori destinée à justifier un classement incohérent, mais explicitent le raisonnement effectivement suivi par l’Autorité au paragraphe 1192 de la décision attaquée. Au demeurant, ni les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. ni les sociétés Gefco et Peugeot ne le contestent.

719.C’est en vain que les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. soutiennent que l’Autorité n’explique toujours pas à partir de quel montant de la valeur des ventes une entreprise bascule dans telle ou telle catégorie, alors qu’il ressort du tableau reproduit au point 207 des observations de l’Autorité, dont l’exactitude des données n’est pas contestée par les requérantes, que la valeur des ventes des entreprises classées dans la première catégorie était inférieure à 20 millions d’euros, la valeur des ventes des entreprises classées dans la deuxième catégorie, dont la société Dachser, était comprise entre 70 et 170 millions d’euros et la valeur des entreprises classées dans la troisième catégorie était comprise entre 200 et 450 millions d’euros.

720.En quatrième lieu, la cour constate qu’ayant fait le choix, non contesté par les requérantes, d’appliquer une sanction forfaitaire, l’Autorité a respecté le principe d’égalité en appliquant

la même méthode de calcul pour l’ensemble des entreprises, fondée sur la valeur des ventes sur le marché de la messagerie en 2005, qui est l’unique année complète de participation à l’infraction.

721.À cet égard, ainsi que la cour l’a rappelé au paragraphe 688 du présent arrêt, il est constant que la part du chiffre d’affaires de l’entreprise qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci, ce qui en fait un critère légitime d’individualisation des sanctions. Le choix, fait par l’Autorité, de se référer à la valeur des ventes sur le marché de la messagerie en 2005 pour la détermination du montant forfaitaire des sanctions infligées au titre du grief n° 1, n’est donc pas critiquable.

722.En cinquième lieu, l’écart relevé entre les valeurs des ventes des entreprises appartenant à la catégorie inférieure et celles des entreprises appartenant à la catégorie intermédiaire suffit à justifier le choix de l’Autorité d’appliquer à la deuxième catégorie une sanction forfaitaire égale au double de celle infligée aux entreprises de la première catégorie. La cour souligne en particulier que la prétention de la société Alloin Holding à bénéficier de la même sanction que la société Ziegler, dont la valeur des ventes était, à l’époque des pratiques, trente-neuf fois moins élevée que celle de la société Transports Alloin, est manifestement dénuée de sérieux. De même, la société Gefco n’est pas fondée à comparer sa situation à celle de la société Ziegler, dont la valeur des ventes était, à l’époque des pratiques, trente-cinq fois moins élevée que la sienne.

723.En sixième lieu, il est exact que les entreprises appartenant à une même catégorie se voient appliquer la même sanction, alors même que les unes ont participé à l’entente pendant les deux campagnes tarifaires concernées par le grief, tandis que les autres, telle la société Gefco, n’ont participé qu’à une seule campagne.

724.La cour souligne toutefois que le choix d’appliquer une sanction forfaitaire, favorable aux entreprises en cause et d’ailleurs non contesté par elles, implique, par définition, une approche plus globale que la méthode définie dans le communiqué sanctions.

725.Dans ce contexte, et au regard des spécificités de la présente espèce, notamment caractérisée par la relative brièveté des pratiques objet du grief n° 1, le choix de retenir le chiffre d’affaires comme unique critère d’individualisation, à l’exclusion de la durée de participation à l’entente, ne constitue pas une violation du principe d’individualisation.

726.La cour ajoute, surabondamment, qu’une réduction de moitié de la sanction de la société Gefco, au motif que cette société n’a participé qu’à une unique campagne tandis que les sociétés Dachser et Transports Alloin ont participé aux deux campagnes, égalerait sa sanction à celles des sociétés Ziegler France, Normatrans, Transports Henri Ducros et Lambert et Valette, alors que son chiffre d’affaires représente, respectivement, 3 600 %, 1 730 %, 910 % et 845 % de celui de ces sociétés, de sorte que la participation de la société Gefco à l’entente pendant une unique campagne a causé un dommage plus important à l’économie que la participation des quatre autres pendant deux campagnes.

727.En dernier lieu, les sanctions de 50 000, 100 000 et 200 000 euros infligées – avant éventuelle réduction au titre de la clémence et/ou de la non-contestation des griefs – aux entreprises mises en cause ne sont pas seulement proportionnées aux situations individuelles de chacune d’elles, mais également à la gravité des faits et au dommage causé à l’économie, tels qu’appréciés par l’Autorité – appréciation dont la cour a déjà souligné qu’elle ne fait pas l’objet de contestations.

728.En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de réduction de la sanction présentée, respectivement, par les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co., et la société Gefco.