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Les concepts spontanés et les concepts scientifiques Abordant la question des rapports entre concepts spontanés et concepts Abordant la question des rapports entre concepts spontanés et concepts

REFERENTS THEORIQUES INITIAUX

3. PLACE DE L ’ ADULTE ET EVOLUTION DES REPRESENTATIONS DE L ’ENFANCE A L’ADOLESCENCEL’ENFANCE A L’ADOLESCENCE

3.1. Objet primaire et détachement selon la psychanalyse

3.2.2. Les concepts spontanés et les concepts scientifiques Abordant la question des rapports entre concepts spontanés et concepts Abordant la question des rapports entre concepts spontanés et concepts

scienti-fiques, Vygotski établit les trois thèses suivantes :

§ Loin d’être définitivement acquis au moment de leur apprentissage, les concepts scientifiques se développent.

§ Leur développement diffère du développement des concepts spontanés. § Néanmoins le développement des concepts spontanés et le

développe-ment des concepts scientifiques fordéveloppe-ment un seul et même développedéveloppe-ment dont il s’agit de saisir l’unité.

Afin de démontrer ces thèses, il va établir une analogie entre concepts spontanés et concepts scientifiques : l’apprentissage d’une langue maternelle et l’apprentissage d’une langue étrangère. La langue maternelle s’acquiert au cours des échanges langa-giers quotidiens spontanés que l’enfant développe avec ses proches. Elle se construit comme un savoir-faire inconscient des outils linguistiques mis en œuvre. A l’inverse,

l’apprentissage d’une langue étrangère débute sous la forme d’un apprentissage conscient et réfléchi des structures phonétiques, lexicales et syntaxique de cette langue. On voit que ces deux apprentissages sont orientés différemment : l’un commence là où l’autre s’achève. La connaissance d’une autre langue amène l’enfant à réfléchir sur les formes de sa langue maternelle, elle transforme donc les rapports que le sujet entretient avec sa langue maternelle.

Trois aspects des rapports entre concepts spontanés et concepts scientifiques peuvent être distingués :

§ les concepts spontanés permettent de s’approprier les concepts scienti-fiques,

§ le réseau sémantique des conceptions quotidiennes, support des appren-tissages, constitue en même temps le terreau dans lequel les concepts scientifiques développeront leurs racines.

§ Mais, en même temps, les structures de généralisation que constituent les concepts scientifiques ouvrent des voies de développement aux concep-tions spontanées leur permettant ainsi de se transformer : le sujet pourra désormais appréhender sa situation personnelle comme une forme parti-culière que prennent les rapports sociaux à une période historique déter-minée. Son rapport à son expérience personnelle s’en trouve transformée en ce qu’il en saisit les déterminations plus profondes et qu’il peut de ce fait devenir un acteur plus lucide.

A toutes les périodes, l’enfant se trouve confronté à des contenus culturels nou-veaux mais ceux-ci se trouvent à des distances différentes de ses intérêts spontanés. Si lors des dialogues adulte-enfant, l’adulte propose à l’enfant des significations qui ne sont pas trop éloignées des significations actuellement maîtrisées par l’enfant, en revanche, avec les connaissances scientifiques transmises en situation scolaire,

l’enseignant met à la disposition de l’enfant des connaissances qui sont loin d’avoir une relation immédiate avec les connaissances propres de l’enfant : ce faisant en instaurant une tension maximale entre les conceptions spontanées et les formes éla-borées de la culture adulte et donc en exploitant au maximum la possibilité de réo-rienter le développement, l’école instaure dans l’enfant un espace de développement sans précédent.

La redécouverte de l’œuvre de Vygotsky a conduit de nombreux auteurs (Brous-seau, 1986 ; Gilly, 1995 ; Rivière, 1990 ; Schneuwly, 1987) à soutenir que l’acquisition des connaissances passe par un processus qui va du social (connais-sances interpersonnelles) à l’individuel (connais(connais-sances intrapersonnelles) et qu’une nouvelle connaissance peut être soit subjective (propre à un individu), soit objective (commune à un groupe). Certains modèles envisagent ces deux formes de connais-sance dans un cycle où chacune contribue au renouveau de l'autre (Gilly, 1999). Ce cycle va d'une connaissance " subjective " (création personnelle du sujet) vers une connaissance " objective " (acceptée socialement). Cette connaissance objective est, par la suite, intériorisée et reconstruite par les sujets durant leur apprentissage pour laisser place à une nouvelle connaissance subjective.

Dans cette optique, les interactions sociales sont primordiales, et peuvent être notamment à l’origine d’une remise en question des représentations initiales (cité par Brossard, in Avec Vygotski, 2002).

Actuellement, les travaux centrés sur le rôle constructeur des interactions so-ciales portent soit sur les « interactions dissymétriques de guidage », soit sur les « in-teractions symétriques de résolution conjointe » (cf.3/3.3).

Le premier pôle, que nous venons d’analyser, concerne plus spécifiquement tout ce qui touche aux différents modes d’étayage ou de tutorat. Gilly (1999) définit ces

interactions de guidage par " les interactions dans lesquelles un sujet naïf est aidé par un sujet

expert (adulte ou enfant plus avancé que le naïf) dans l’acquisition d’un savoir ou d’un savoir-faire " (op. cit. p. 136). Cette orientation est à l’origine des pratiques pédagogiques

mettant en avant toute forme de régulation effectuée par un individu plus qualifié et donc apte à apporter une forme de soutien à l’apprenant.

En ce qui concerne l’appropriation d’Internet, l’école représente une source d’apprentissage pour les enfants dont les parents ne pratiquent pas Internet. Lorsque les parents sont des usagers du Net, ils initient eux-mêmes leurs enfants à cette technologie. L’enquête Fréquence Ecoles (cf. 1/1.2.) révèle également que les frères et soeurs jouent le rôle de professeurs auprès des plus jeunes. Ils leur permettent de découvrir de nouvelles applications et de nouveaux sites internet. Mais cette étude souligne un phénomène nouveau où le sens de la transmission se trouve inversé « les

jeunes générations instruisant les anciennes ». Les enfants, dont les parents ont équipé leur

foyer par nécessité pour ces derniers, jouent le rôle de professeur ; ce que Laurence Le Douarin (2004) nomme, entre autres, la « socialisation à l’envers ».

3.3. Adolescence et représentations

L'adolescence est l'âge du changement comme l'étymologie du mot l'implique : adolescere signifie en latin « grandir ». Entre l'enfance et l'âge adulte, l'adolescence est un passage. La métamorphose dont l'adolescent va être l'objet lui est imposée. Il est l'objet de multiples transformations, physiques, psychologiques, affectives et so-ciales.

Les transformations physiologiques sont des transformations ontologiques mais ce sont aussi des faits individuels pour chaque sujet. On note en effet une variabilité dans le déroulement de ce processus de transformation chez chaque adolescent. Le début de la poussée de croissance se situe approximativement à la onzième année de

la fille, à la treizième année du garçon. Sa vitesse est maximale un an plus tard en moyenne mais cela est très variable d'un individu à un autre. Cette croissance phy-sique manifeste à l'adolescence peut provoquer des réactions et parfois même des perturbations psychologiques. Elle conduit l'adolescent à un état de fatigue, dû tant aux changements physiques qu'à leurs retentissements psychologiques lors de la pé-riode pubertaire.

Il y a des variations chronologiques individuelles qui sont influencées par des données génétiques mais aussi environnementales telles que l'alimentation, le niveau socio-économique et des variations collectives liées au développement des civilisa-tions. Les adolescents deviennent adultes dans une niche culturelle spécifique qui affecte chaque aspect de leur vie en définissant les opportunités économiques, édu-catives, de loisirs et de santé. Bruner (1991) développe ce concept de culture qui alimente le débat sur l'inscription des facteurs sociaux dans le développement cogni-tif individuel. Hamon (2006) rappelle que Mead (1979) a mis en avant l’émergence d’une culture adolescente dès l’après-guerre 1939/1945, favorisée par les évolutions socio-économiques où un marché s’est créé autour des adolescents qui sont entrés dans la société de consommation avec l’habitude d’avoir « tout tout de suite ».

De plus, à l’adolescence, le jugement des pairs prend de plus en plus d’importance (cf. 3/3.3.3). L’environnement social élargi à cette période du déve-loppement est composé de références nouvelles pour la valorisation de soi. L'image de soi pour l'adolescent est une image du corps chargée d'affects. Elle est en relation avec l'estime de soi, c'est-à-dire avec le caractère positif ou négatif que le sujet per-çoit de lui-même. Elle est aussi construite à partir de l'image renvoyée par autrui. L'acceptation sociale par les pairs est un facteur très important dans l'estime de soi. Cette préoccupation de l'image qu'il donne à autrui naît de la question identitaire : Qui suis-je ? C'est la manifestation de sa propre recherche d'identité. Pasquier (2008) insiste sur le poids du conformisme des groupes de jeunes et de la pression qu'ils exercent sur les choix individuels faisant écho aux propos déjà énoncés par Arendt

(1972) «Affranchi de l'autorité des adultes, l'enfant n'a donc pas été libéré, mais soumis à une

autorité bien plus effrayante et vraiment tyrannique : la tyrannie de la majorité».que souligne

aujourd’hui le harcèlement à l’école. Aujourd'hui, la transmission verticale des pa-rents aux enfants est confrontée à une « culture des pairs », qui circule horizonta-lement et qui se caractérise par une accélération des innovations technologiques.

L'adolescent réclame avec vigueur son autonomie et individualité tout en restant encore profondément dépendant du cadre familial de son enfance. Les parents sont brusquement confrontés à toute une série de tâches. Ils doivent progressivement passer d'une relation enfant-parent à une relation adulte-adulte, même si celle-ci reste toujours marquée d'un lien de filiation. Un remaniement relationnel considé-rable doit donc être effectué. Les parents doivent pouvoir accepter le désir d'auto-nomisation de leur adolescent, qu'ils vivent comme une perte, et dans le même temps l'accompagner dans ce processus de séparation-individuation. Les représenta-tions des relareprésenta-tions d’attachement qui ont été intériorisées au cours de l’enfance vont peser sur le processus d’autonomisation. Selon Wallon (1956a, p. 97) cette conquête d’autonomie peut être décrite « comme un processus conflictuel d’individuation du sujet visant

un déplacement des relations de dépendance où il se trouve placé ». Cette conflictualité fait

par-tie du mouvement psychoaffectif de l'adolescent. La rapidité avec laquelle les règles ont évolué au cours de ces dernières années semble occulter la nécessité de ces der-nières. Benasayag et del Rey (2007) soulignent qu’en refoulant les conflits, nous nous laissons envahir par l’idéal de la transparence : toute opacité dans les relations devrait être éradiquée, car elle impliquerait l’altérité et, donc, l’ennemi potentiel. Analysant les différentes dimensions du conflit - entre nations, dans la société ou au sein même de l’individu -, ces auteurs mettent à jour, dans le résumé de leur ou-vrage, les ressorts profonds de la dérive conservatrice des sociétés postmo-dernes : « nier les conflits nés de la multiplicité, ceux dont la reconnaissance fait société, c’est

mettre en danger la vie. Le refoulement du conflit ne peut conduire qu’à la violence généralisée, et l’enjeu auquel nous sommes tous confrontés est bien celui de l’assomption du conflit, « père de toutes choses » selon Héraclite ». Le conflit qui est normal à l'adolescence se voit refusé à

l'ado-lescent. Tout se passe comme si, pour ancrer la limite, il ne peut plus compter sur l'interdit qui lui vient d'ailleurs. Parce qu'il ne peut plus compter sur l'autre pour mettre la limite, le sujet d'aujourd'hui ne peut plus compter que sur lui-même et c'est extrêmement lourd à porter parce que s'imposer soi-même une limite est une tâche toujours à recommencer. Les limites ne peuvent relever du seul choix de l’adolescent. Jeammet (2008, p. 131) précise que « poser un interdit ou une limite, c’est

toujours aller à la rencontre d’un adolescent en quête de sens ; c’est lui exprimer l’intérêt qu’on porte à son avenir, c’est reconnaître sa valeur et ses ressources ».

Le refus de l'adulte de toute situation conflictuelle (de peur de ne plus être aimé) laisse l'adolescent face à l'angoisse d'abandon (être ignoré) ou à l'angoisse de fusion (être trop dépendant des autres).

A l’adolescence, les conflits, l’engagement dans des relations extra-familiales (phénomènes de comparaison avec autrui, d’identifications multiples), les réflexions sur soi et le détachement vis-à-vis de l’influence parentale (autonomie émotionnelle, comportementale) modifient la représentation de soi de l’adolescent et lui permet-tent d’affirmer sa singularité. Sur le plan cognitif, l’adolescence se caractérise par l’émergence de ce que Piaget (1962) appelle les opérations formelles : la pensée se libère du concret, l’adolescent devient capable de raisonner de façon formellement correcte sur des données abstraites et des hypothèses. Ces nouvelles capacités lui permettent de réfléchir différemment sur ses propres processus de pensée, sur ses représentations.