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Partie III Le repas gastronomique, une expérience des sens Le repas gastronomique, une expérience des sens

COMPRÉHENSION DE LA PERCEPTION DU GOÛT.

COMPRÉHENSION DE LA PERCEPTION DU GOÛT.

/.La neurogastronomie : la compréhension du goût par /.La neurogastronomie : la compréhension du goût par les autres sens.

les autres sens.

Les origines de la neurogastronomie prennent racine dans les travaux menés par Jean Anthelme Brillat-Savarin, gastronome et auteur culinaire du début du XIXème siècle. Son livre «Physiologie du Goût» publié en 1825 constitue un ouvrage pionnier dans la mise en dialogue entre science et gastronomie. Brillat-Savarin y développe un recueil de mémoires sur un ton comique tout en y démontrant de manière empirique l’intellectualisation et la professionnalisation de la gastronomie. Dès lors, un langage spécifique à l’univers gastronomique commence à se mettre en place.

La neurogastronomie moderne est une discipline scientifique identifiée en 2006, lorsque le neurobiologiste Gordon M. Shepherd évoque ce terme pour la première fois

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dans un article de la revue scientifique Nature en décembre 2006, «Smell images and the flavour system in the human

brain». La neurogastronomie, selon Sebastian Dieguez dans

l’article «Qu’est-ce que la neurogastronomie?», paru le 25 février 2019, sur le site de l’Alimentarium, désigne l’étude «de l’ensemble des mécanismes neurobiologiques impliqués dans la détection et l’appréciation des flaveurs, tout en relevant ce que ceux-ci nous apprennent sur le comportement humain et comment ils peuvent s’appliquer pratiquement à la cuisine.» La Neurogastronomie est caractéirsée par deux principes fondamentaux que sont la flaveur et la multimodalité:

. Les flaveurs sont l’ensemble des sensations ressenties au niveau sensoriel, par le goût, l’odeur et le toucher lors que l’on déguste de la nourriture. Elles sont notamment influencées par l’état de l’organisme, l’humeur et les croyances. En ce sens, les flaveurs ne se situe pas dans l’aliment elle-même mais dans le cerveau. Ce terme est préféré à celui-ci du goût, jugé linguistiquement trop contraignant par les scientifiques.

. La multimodalité de la perception sensorielle est le fait que tous les sens soient sollicités lors de la dégustation. Ainsi la saveur est issue de l’action mécanique de manger et de la réaction de jugement qui s’amorce par le biais de cette action. Cette réaction de jugement prend appui sur un référencement historico-personnel qui permet de mobiliser, comme le déclare Shepherd, des «images d’odeurs» analogues aux «images mentales» générées par la vue.

Sebastian Dieguez nous expose ainsi le système par lequel se met en oeuvre la perception du goût. En effet, celle- ci relève d’une illusion psychologique en ne s’opérant pas réellement dans la bouche mais plus certainement au niveau de la voûte nasale, illustrant ainsi la relation complexe liant goût

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et odorat. Ainsi, lors de l’ingestion d’aliments, la mastication libèrent les sucs et les molécules odorantes contenus dans la bouchée. Ces molécules vont migrer au niveau de la voûte nasale par l’arrière de la bouche au cours de l’expiration grâce à un mécanisme inconscient appelé olfaction rétronasale. La voûte nasale est coiffée d’une muqueuse appelée épithélium olfactive qui a la caractéristique d’être très sensible à la présence des molécules olfactives remontant vers la voûte nasale grâce à sa constitution en neurones directement connectés au bulbe olfactif situé dans le cerveau, près des yeux. Ce bulbe à la fonction de récolter les signaux envoyés par les neurones olfactosensible de la voûte nasale, pour les synthétiser en signal sous la forme d’une «image olfactive» envoyée à différentes régions du cerveau à l’origine de l’identité propre d’un individu :

. l’amygdale, responsable pour partie de nos émotions.

. le cortexe orbitofrontal, aire de rencontre de différents signaux sensoriels tels que la vue, le toucher dont le toucher buccale, et le goût, les sensations provenant des viscères, et les processus homéostatiques à l’origine des sensation de faim et de soif.

. des régions contrôlant les mécanismes de la mémoire, des émotions ainsi que de l’inhibition et de prise de décision.

Véritable mécanisme de sécurité et de survie pour l’homme, ce phénomène permet ainsi de contrôler la nature des éléments extérieurs ingérés et démontre le fait que la perception du goût d’un aliment soit influencé d’une part, par l’identité du convive, mais aussi par le contexte de dégustation stimulant l’ensemble des sens.

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/. La gastrophysique : l'influence de la signature /. La gastrophysique : l'influence de la signature scénographique d'un restaurant.

scénographique d'un restaurant.

Toujours selon ce même article, Sebastian Dieguez se réfère au britannique Charles Spence, professeur de psychologie et directeur du Crossmodal Research Laboratory à l’université d’Oxford et qui définit la gastrophysique comme «l’étude des variables qui contribuent au plaisir éprouvé lors de l’alimentation, et ce sous toutes les facettes envisageables. Une « nouvelle science de la table », donc, qui s’efforce de mesurer quantitativement, en les dissociant et les faisant varier expérimentalement, les facteurs qui d’ordinaire forment un tout dans notre expérience des flaveurs.»

En effet, Charles Spence reproche à cette discipline de la neurogastronomie sa vision trop restrictive au niveau des observations et de ses applications potentielles, et le fait de se limitant seulement à l’aspect cognitif de l’expérience de la dégustation. Ainsi Charles Spence voit en le développement de la gastrophysique un certain nombre d’applications possibles dans différents domaines, de la restauration à la médecine, en passant par l’industrie agroalimentaire. Celui-ci détermine deux objectifs dans le développement de ce nouveau domaine de recherche :

. l’élaboration d’une démarche analytique visant à comprendre le dialogue complexe existant entre les flaveurs et le cerveau, et à déterminer les caractéristiques propres de chacun des sens, les interactions qui les lient et les facteurs contextuels qui les influencent.

. L’utilisation du résultat de ces recherches afin de mettre en place de nouveaux rapports entre le mangeur et la nourriture. En appliquant ses recherches à différents domaines de l’alimentation, Spence pense que cela permettrait d’innover

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et de repenser l’élaboration des recettes de cuisine, des concepts gastronomiques, et de faire évoluer les techniques marketing et l’industrie agroalimentaire.

Dans l’article de Mélissa Guillemette de Quebec Science, À la recherche du goût, paru le 15 avril 2018 sur le site du journal leSoleil, celle-ci cite Charles Spence :

« Tout ce qui est en dehors de l’assiette a été négligé pendant longtemps. Partout dans le monde, des études apparaissent sur des sujets qui vont de l’impact de l’emballage sur la texture d’une tablette de chocolat à l’effet de la forme d’un récipient sur la perception du sucré. »

Ainsi Charles Spence démontre la légitimité des différents éléments du dispositif scénographique d’un restaurant dans la perception du goût. Celui-ci collabore notamment avec des chefs cuisiniers tels que Heston Blumenthal, chef et propriétaire du Fat Duck, un restaurant gastronomique triplement étoilé installé dans le village de Bray, à l’ouest de Londres. Leur travail commun autour de cette discipline de la gastrophysique appliquée à la haute gastronomie, met en évidence le rôle du design sensoriel et de l’importance du dispositif scénographique au sein du restaurant gastronomique. Ainsi leur partenariat intellectuel a permit de mettre en lumière l’incidence de la couleur des aliments, de la musique ambiante, de la forme, du poids ou de la couleur de la vaisselle utilisée, des intitulés et du prix du menu, du choix du dressage et de nombreux autres facteurs encore sur l’expérience holistique du convive et le fait que ces facteurs puissent avoir un grand pouvoir d’influence sur le jugement des flaveurs et donc sur l’intensité du plaisir retiré cette expérience. Ainsi, ces recherches s’orientent aujourd’hui sur les attentes des convives et sur l’intensification de l’effet de surprise produit par des dispositifs culinaires et scénographiques toujours plus recherchés.

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Au Fat Duck a été mené une expérience nommée scientifiquement «interaction super-additive» : les convives peuvent consommer le plat signature du restaurant «Sound of the Sea» composé de maquereau et de sériole marinés tout en écoutant le son des vagues par le biais d’écouteurs dissimulés dans un coquillage.

Ainsi le design sensoriel doit mettre en oeuvre un dispositif scénographique réglé de manière à prédéterminer le déroulement de l’expérience du convive et anticiper ses attentes, ses sensations, ses réactions, son jugement au niveau du cortex orbitofrontal.

Ainsi, dans son livre «The Perfect Meal» co-écrit avec Betina Piqueras–Fiszman et paru en octobre 2014 aux éditions Wiley Blackwell, Charles Spence tente d’établir une réponse à la problématique majeure qui est posée lorsque l’on vient faire dialoguer gastrophysique et haute gastronomie : l’élaboration du repas parfait est-il possible ?

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