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Partie I Le rituel du repas au service de l'apparat social Le rituel du repas au service de l'apparat social

D'AUGUSTE ESCOFFIER.

D'AUGUSTE ESCOFFIER.

/.La «Nouvelle Cuisine», l'essor d'un raffinement culinaire /.La «Nouvelle Cuisine», l'essor d'un raffinement culinaire contemporaine influencé par les nouvelles générations de contemporaine influencé par les nouvelles générations de chefs cuisiniers et une certaine globalisation culturelle

chefs cuisiniers et une certaine globalisation culturelle

La «Nouvelle Cuisine» est ce mouvement instigué par Henri Gault et Christian Millau, les journalistes et critiques gastronomiques ayant décapé la gastronomie française de ses traditions pompeuses dans les années 70. Le duo d’intellectuels avait pour objectif de désacraliser la Haute Gastronomie et de discréditer le Guide Michelin, qui pour eux qui ne représentait pas fidèlement le paysage gastronomique français mais une scène gastronomique officielle, bourgeoise et prisonnière des conventions. Après avoir travaillé au sein de la rédaction de Paris-Presse dans les années 60, ceux-ci épandirent leur regard critique de la scène gastronomique de l’époque d’un style cinglant au sein d’un guide gastronomique, le guide Gault&Millau qu’ils lancèrent en 1972. Leur volonté de désacraliser les institutions gastronomiques parisiennes en place leur permit de médiatiser de nouvelles adresses gourmandes et de faire émerger une nouvelle génération de chefs talentueux qui vont entreprendre de concrétiser leurs aspirations pour une cuisine moins riche et plus raffinée. Ceux-ci établissent leur vision de cette «Nouvelle Cuisine» en dix commandements qu’ils publient dans l’article «Vive

la nouvelle cuisine française» d’octobre 1973 de la manière

suivante :

1. « Tu ne cuiras pas trop. »

2. « Tu utiliseras des produits frais et de qualité. » 3. « Tu allégeras ta carte. »

4. « Tu ne seras pas systématiquement moderniste. »

5. « Tu rechercheras cependant ce que t’apportent les nouvelles techniques. »

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6. « Tu éviteras marinades, faisandages, fermentations, etc. » 7. « Tu élimineras les sauces riches. »

8. « Tu n’ignoreras pas la diététique. » 9. « Tu ne truqueras pas tes présentations. » 10. « Tu seras inventif. »

Parmi ces figures de la restauration, Michel Guérard joua un rôle prépondérant dans l’émergence de ce mouvement en prônant le credo d’une cuisine minceur et en publiant en 1976 un livre BestSeller vendu à près de 1.000.000 d’exemplaires, «La Grande Cuisine Minceur». Aux côtés des chefs Paul Bocuse, les frères Troisgros, ou encore Alain Chapel et bien d’autres, celui-ci ouvrit la voie à la génération suivante constituée de personnalités telles que comme Alain Senderens, Joël Robuchon, Guy Savoy, Marc Veyrat, Pierre Gagnaire ou encore Michel Rostang, et découverte par les deux comparses en parcourant la France. Ces chefs cuisiniers vont ainsi accompagner en actes le mouvement de la Nouvelle Cuisine en modernisant un répertoire culinaire désuet et en rompant avec l’héritage d’Auguste Escoffier. La médiatisation de ce mouvement va entrainer sa diffusion à l’international, et les chefs vont ainsi découvrir en cette période de globalisation les cultures américaine et notamment japonaise. La gastronomie japonaise influença grandement la gastronomie française, et notamment les différentes techniques de cuisson préservant l’aliment et ses propriétés nutritives. De plus, elle permit aux chefs d’élaborer une nouvelle esthétique culinaire dans le dressage des plats avec le développement du service à l’assiette, dit à l’américaine. Thierry Marx, chef étoilé passionné d’art martiaux et de la culture nippone aborde cette influence de la cuisine japonaise et qui régit encore les conventions de dressage contemporain, dans un documentaire de 2011 réalisé par Julie Andrieu et Boris Carreté, «Thierry Marx, un chef sans

frontières»:

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(34’30) « Cette cuisine minimaliste à l’assiette à influencé grandement la cuisine française ; d’ailleurs elle lui a fait franchir un pas ! N’oublions pas 62, 65, On voit une arrivée assez massive des chefs, on citera des grands noms de la cuisine française, du patrimoine culinaire français, Paul Bocuse, la famille Trois Gros, tous ces gens, Monsieur Chapel, tous ces gens arrivent au Japon et sont surpris de cette cuisine minimaliste mais séquencé ! Eh bien ils vont nous influencer de cette cuisine pour créer les menus dégustation, le travail à l’assiette, et puis le côté graphique ! Donc l’assiette n’est plus dressée en salle, il n’y a plus ce travail au guéridon, elle sera dressée en cuisine, et on donnera au chef cette possibilité de s’exprimer sur chaque assiette. »

(51’10) “ La cuisine a toujours été au delà de l’aspect nutritionnel, elle a été une forme d’élaboration d’un langage.”

/.Les évolutions d'un décorum gastronomique grandement /.Les évolutions d'un décorum gastronomique grandement influencées par l'essor de la «Nouvelle Vague».

influencées par l'essor de la «Nouvelle Vague».

Ce mouvement a accompagné l’émergence de nouvelles générations de chefs apparues sur la scène gastronomique française dans les années 60. Ceux-ci vinrent établir une certaine relation d’analogie entre art contemporain et cuisine sous sa dimensions artistique. En effet l’émergence du service à l’assiette dit service «à l’américaine» se développa au sein des restaurants gastronomique. La relation entre chef et convive se fit plus proche et intime au détriment des acteurs de la salle tels que le Maître D’Hôtel ou les serveurs. Cette technique de service impliquait cette injonction au chef d’opérer une certaine recherche esthétique afin de présenter sa proposition culinaire de la manière la plus séduisante. L’abstraction mise en oeuvre dans le travail des artistes contemporain leur permirent de porter leur inspiration sur une démarche de dressage orientant la composition sur les contrastes de formes, de couleurs et de texture et de produire de véritables oeuvres graphiques. C’est dans un souci de mise en cohérence entre leur travail culinaire et du décorum mis

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en oeuvre dans sein de l’espace de dégustation que les chefs cuisiniers instiguèrent cette mise en relation entre l’univers gastronomique et l’univers artistique et architectural en aspirant à devenir propriétaires de leur propre restaurant.

Ce mouvement de la «Nouvelle Cuisine» est précédé par un certain engouement des français pour les cuisines régionales. Avec le développement de la voiture dans la période d’entre deux guerre et sa démocratisation dans les années 50, celle-ci permit aux français d’appréhender les voyages routiers armés de leur guide rouge, le guide Michelin, les aiguillant sur les adresses à visiter pour se restaurer sur la route des vacances. C’est à cette période que se développent les néo-auberges à Paris et en bordure des routes nationales. Ces établissements arborent un décorum «early mérovigien» comme le qualifie Pierre Rival dans «Le Paris des Gourmets». Ces restaurants persistent en effet à faire vivre cette image d’une France rurale et d’une gastronomie de terroirs. Ceux- ci arborent un dispositif scénographique suranné contant une France mythifiée avec des tables de chêne massif, accompagnés de chaises de style Louis XIII tapissées de velours de Gênes, des lustres en bois et fer forgé, des batteries de cuisine en cuivre et des trophées de chasse ornant les murs. Ce décorum est souvent mis en place dans des salles aux poutres apparentes d’un bois assombri par une couche de vernis. Celle-ci s’anime d’un ballet de maître d’hôtels et de serveurs oeuvrant dans le respect des protocoles du service à la russe. Ceux-ci déambulaient dans la salle en poussant des guéridons de dressage, de fromages et de dessert tout en assurant aux convives un spectacle au charme désuet. La technique du flambage était notamment utilisée afin de réaliser ce que le chef André Guillot appela des «spectacle- sur-table». Celui-ci parle d’une «cuisine lance-flammes» où le flambage n’est plus utilisé afin de parachever le plat et n’a plus d’intérêt que sa dimension spectaculaire. Aujourd’hui,

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certains restaurants se meuvent encore dans ce type de dispositif tel que le restaurant de la Tour D’Argent, à Paris.

Les années 60 vont instaurer une véritable fracture avec ce mouvement des cuisines régionales. Le restaurant Le Vivarois installé sur l’avenue Victor Hugo dans le 16 ème arrondissement de Paris, illustre cette volonté d’une nouvelle génération de cuisiniers cherchant à insuffler un certain renouveau et à rompre avec l’héritage d’Escoffier et des lourdeurs scénographiques. Ouvert en 1966 par Claude Peyrot, celui-ci y faisait évoluer une cuisine d’avant-garde avec ses huîtres chaudes au curry ou encore sa persillade d’escargot aux poireaux, dans un décor marqué par le style Knoll International. La salle était ornée de soie beige installée sur les murs, et habillée de lithographies. Elle était aménagée d’un mobilier très futuriste pour l’époque avec notamment les chaises Saarinen.

Les années 70 vont entériner cette rupture et vont être marquées par le travail du décorateur d’origine estonienne Slavik. Notamment connu pour avoir aménagé des drugstores publics sur les Champs-Elysées, à Saint-Germain-des-Prés, ou encore sur l’avenue Matignon, le designer star réalise au cours de sa carrière près de 400 projets de cafés, de magasins, d’hôtels ou encore de restaurants. Celui-ci établit un style éclectique et kitsch alliant des références de l’Art Nouveau et de l’Art Déco aux décors des pubs anglais faits de boiseries, de miroirs et de l’emploi de matières précieuses comme l’écaille ou l’ivoire. Il va notamment repenser les intérieurs de brasseries et de restaurants parisiens prestigieux comme le restaurant L’Européen installé face à la gare de Lyon, le Zeyer, situé sur la place d’Alésia, ou encore le restaurant de la Tour Eiffel, le Jules Verne.

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Dans la lignée de Slavik, un certain nombre d’architectes, de designers et de décorateurs vont s’emparer du décorum des restaurants dans les années 80 et 90, accompagnant les nouvelles générations de chefs oeuvrant pour l’instauration des règles de cette «Nouvelle Cuisine». Ceux-ci vont suivre deux voies stylistiques différentes en privilégiant une réinterprétation des styles architecturaux et décoratifs du passé ou en imaginant les lignes contemporaines d’espaces épurés de toute référence historique. Ces artistes font notamment leurs classes dans les cafés et les établissements des Costes, des frères aveyronnais issus de l’industrie de la Limonade et qui se lancèrent sur la scène de la restauration parisienne par le biais de la création de cafés aux adresses prestigieuses.

Ainsi Philippe Starck réalise le Café Coste en 1983 en y réalisant un décor caractérisé par cette grande horloge murale. Le décorum est inspiré de références industriels avec ses verrières zénithales, ses gardes corps métalliques et ses profilés apparents. Stark va notamment en concevoir l’ameublement et le mythique fauteuil en bois et acier du café Costes, véritable signature du designer.

En 1986, c’est Christian de Portzamparc qui réalise le Café Beaubourg pour le compte de Gilbert Costes. Il va concevoir sur près de 530 m2 un décorum aux lignes contemporaines et massives avec cette colonnade de béton affirmant la présence d’une verrière zénithale qui illumine le centre de la salle sur une double hauteur. Les murs sont eux recouvert de parois en bétons sur lesquelles se dessinent les empreintes carrées de banchage et des jeux d’arcs et de lignes venant les animer et tracer l’emplacement de miroirs. Cette salle est meublée de petites tables de bistrots rehaussées de bordures chromées et accompagnées de banquettes et de chaises tapissées de cuir rouge bordeaux. Ces chaises sont dotées d’accoudoirs métalliques constitués de feuilles d’acier percées des même motifs carrés que l’on trouve sur les murs.

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Ayant oeuvré en 1996 à la réalisation du décorum de l’Hôtel Costes installé rue Saint Honoré, près de la Place Vendôme, le décorateur Jacques Garcia caractérise son travail par la mise en oeuvre d’un style néo-rococo. Celui- ci opère notamment le renouvellement du décorum du restaurant Le Restaurant situé rue des Beaux-Arts dans le 6ème arrondissement de Paris. Son travail consiste en la mise en oeuvre d’un dispositif scénographique théâtralisant l’espace en se référençant aux différents styles ornant les intérieurs aristocratiques français. Celui-ci s’emploie ainsi à insuffler un certain charme patrimonial illusoire au sein de la salle de ce restaurant constitué d’un espace intérieur et d’un espace extérieure protégé d’une véranda. Jacques Garcia y a imaginé un intérieur inspiré du style Empire : les murs de la salle sont ornés de draperies et de tissus muraux et rehaussés de colonnes de marbres. La salle est éclairée d’appliques à chandelles et de lustres en cuivre et est meublée dans des tonalités or et vert avec des tapis à rinceaux recouvrant le sol, des fauteuils droites et des méridiennes accompagnant des tables rondes couvertes de nappes blanches.