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Composition et signatures spectroscopiques

Dans le document Coreshine, un phénomène et un outil (Page 41-45)

comme sonde du milieu interstellaire

2.1 Physique des grains interstellaires .1Cycle de vie des poussières

2.1.3 Composition et signatures spectroscopiques

Les propriétés optiques des grains gouvernent leur capacité à diffuser, absorber et émettre de la lumière. La poussière et le gaz étant très liés, il est possible de déduire la composition des poussières de la déplétion des

éléments de la phase gazeuse. En supposant une abondance totale basée sur l’abondance solaire SX, on peut déterminer quelle proportion des atomes se trouve respectivement dans le gaz et sur les grains5. Le degré de déplétion se définit alors comme DX = log(NX/NH)gaz - log(NX/NH)§. Il existe des études des abondances en phase gazeuse des différents atomes du MIS dans la Galaxie6 (Jenkins 2009). Par exemple, la faible abondance de carbone dans le gaz témoigne que beaucoup de cet élément doit nécessairement se trouver dans les grains (Parvathi et al. 2012). Ainsi, les grains de pous-sière sont majoritairement constituées d’hydrogène (H), de carbone (C), de silicium (Si), d’oxygène (O), de magnésium (Mg) et de fer (Fe). On peut également trouver, en plus faible quantité (Table 2.1), du sodium (Na), de l’aluminium (Al), du calcium (Ca), du nickel (Ni) et, à l’état de trace, du potassium (K), du titane (Ti), du chrome (Cr), du manganèse (Mn). Le taux de déplétion du soufre reste inconnu malgré son rôle de régulateur de l’abondance des électrons et donc son importance sur la chimie en phase gazeuse.

C Si O Mg Fe Na Al Ca Ni

SX 8.5 7.6 8.8 7.6 7.5 6.3 6.4 6.4 6.3

DX -0.7 -1.6 -0.6 -1.5 -2.0 -0.9 -3.3 -3.7 -2.7

Table 2.1 – Abondances solaires SX = 12+ log(NX/NH)§ et degrés de dépletion DX pour les principaux atomes constitutifs des grains de poussière.

La complexité des grains évolue ainsi du milieu diffus au milieu dense par l’accrétion des atomes et la formation de certaines molécules sur les grains. La composition classique des grains du milieu diffus pour expliquer l’extinction se compose d’environ 70% de silicates pour 30% de grains de type carboné. Les signatures spectroscopiques propres à certaines compo-santes des poussières et visibles dans la courbe d’extinction ont permis de déterminer leur composition. Elles correspondent également au mode de formation des grains dans les enveloppes des étoiles évoluées riches en carbones (amorphes, graphite et carbure de silicium), ou riches en oxygène (silicates et oxides).

Le graphite a été proposé comme constituant des poussières interstellaires, dans les modèles de grains de Mathis et al. (1977, MRN) et de Wein-gartner et Draine (2001, WD01) par exemple, à cause de ses propriétés optiques naturellement anisotropes et capables d’expliquer la polarisation de la lumière. La bosse dans la courbe d’extinction observée à 0.2175 µm (≥ 4.6 µm≠1 voir Figure 2.4) correspond à une énergie de transition com-patible avec la transition d’un électron du graphite d’une orbitale liante à une orbitale anti–liante (fi æ fiú, Stecher et Donn 1965). Cet écart en énergie renseigne sur la structure du carbone et notamment le fait qu’il contienne des cycles aromatiques, cependant le graphite n’est pas le 5. Ceci est vrai pour le milieu interstellaire local (< 1kpc), pour des régions plus loin-taines, ou a fortiori pour d’autres galaxies, ce diagnostic est affecté par l’évolution chi-mique.

6. A titre informatif, ces atomes peuvent eux–mêmes être étudiés en phase gazeuse. Ainsi la spectroscopie dans l’UV permet d’étudier l’abondance du fer dans le gaz.

seul à pouvoir expliquer ce phénomène (Draine 1989). Censés produire une bande caractéristique à 11.52 µm, les graphites n’ont jamais été dé-tectés directement ni dans le MIS ni dans les enveloppes des étoiles évoluées. Pour cette raison, mais plus particulièrement pour expliquer la chimie du carbone en phase gazeuse dans les régions de choc (Welty et al. 2002), les carbones amorphes sont souvent préférés aux graphites. La nature amorphe des grains carbonés est elle aussi compatible avec le profil d’extinction des poussières (Lutz et al. 1996). Les carbones amorphes peuvent également se trouver sous forme hydrogénée (HAC) en se formant à partir de la phase dense par photoévaporation UV des manteaux de glaces (Greenberg et al. 1995, Dartois et al. 2005) ou par l’accrétion directe des atomes de carbone et d’hydrogène. En effet, ils sont détectés dans le milieu interstellaire diffus par leur absorption à 3.4 µm (Allamandola et al. 1992, Dartois et al. 2007). Cependant les liaisons C–H de ces HAC pourraient être détruites dans les cœurs denses où l’absorption à 3.4 µm n’est pas détectée (Shenoy et al. 2003). D’une part les glaces qui apparaissent dès le bord des nuages denses auraient tendance à empêcher toute hydrogénation des carbones, d’autre part le temps nécessaire pour atteindre une déshydrogénation de 70% est de 500 000 ans pour les grains situés à la limite d’apparition des glaces (AV = 3.3 mag, Whittet et al. 2001). Ainsi il est possible que les grains perdent leurs liaisons C–H avant même d’être recouverts de glace (Muñoz Caro et al. 2000). D’autres mesures en laboratoire tendent à confirmer la destruction de ces HAC et leur importance dans le relâchement de molécules carbonées comme le méthane (CH4, Alata et al. 2014). Bien qu’ayant une importance évidente pour le milieu diffus (Ysard et al. 2015) ou les régions de photo-dissociation (PDR), ils ne semblent pas être des acteurs majeurs dans les cœurs denses et je me contenterai de considérer les carbones sous forme amorphe ou de graphite sans prendre en compte leur hydrogénation dans la suite du manuscrit.

La présence des hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH) est néces-saire pour expliquer les observations infrarouges dans notre Galaxie, comme dans les autres galaxies à formation d’étoiles (Léger et Puget 1984, Smith et al. 2007). Les PAH sont une famille de molécules carbonées d’une taille de quelques Å, de structure plane et constituées de carbones, organisés en hexagones, auxquels sont rattachés des hydrogènes. Environ 10% du car-bone est stocké dans les PAH (Tielens 2008) et, illuminées par un champ de rayonnement UV, ces molécules hors équilibre réémettent leur énergie dans des bandes infrarouges sans rapport avec leur température. Les liaisons C–C et C–H produisent alors un profil en émission bien caractéristique entre 3 et 19 µm. (Verstraete et al. 2001, Tielens 2008, Figure 2.6). Les fullerènes, proches cousins des PAH, produisent également des bandes infrarouges mais légèrement différentes de celles des PAH. En effet, tout comme les graphites, ce sont des carbones purs et seules les liaisons C–C interviennent.

La deuxième composante, qui est la composante majoritaire des grains interstellaires, est formée par les silicates. Les silicates peuvent être trouvés sous forme amorphe ou cristalline (olivine et pyroxène, Messenger et al. 2003, Davoisne et al. 2006) et sont uniquement amorphes dans le MIS. Le

magnésium, l’oxygène et le fer qui sont également des constituants essentiels des grains de poussière (Table 2.1) se trouvent donc intégrés à ces "astro-silicates". Cette fois ce sont les liaisons Si–O et O–Si–O qui produisent respectivement deux résonances en absorption à 9.7 µm et 18 µm (voir Figure 2.5). Ce sont également les petits silicates qui sont censés repro-duire la pente raide de l’extinction en UV (Mathis et al. 1977). Une bonne partie de la masse des poussières se trouve stockée dans les silicates tandis qu’ils représentent environ 60% du volume. Le fer et le magnésium, pié-gés dans ces silicates, changent l’aspect de l’absorption en infrarouge moyen.

Figure 2.5 – Inventaire des principales raies d’absorption produites par le manteau

de glace des grains et les silicates telles qu’observées par le spectrographe infrarouge IRS du satellite Spitzer au travers de deux protoétoiles : W33A et HH46 et d’une étoile située derrière le nuage dense L1014 IRS. Figure provenant de Öberg et al. (2011).

Les manteaux de glaces acquis aux cœurs des nuages ajoutent leurs propres raies caractéristiques. En effet, la glace apparaît très rapidement dans les nuages à une extinction dans le visible supérieure à 3.2 mag (Whit-tet et al. 2001). Elle permet de former des molécules plus complexes par diffusion des atomes sur le manteau et d’enrichir le profil des poussières mais aussi de rendre les grains plus propices à se coller les uns aux autres lors d’une collision (Ormel et al. 2009). D’autres raies observées en absorption dans le spectre des étoiles restent non identifiées : les bandes interstellaires diffuses (ou DIBS7) dans le visible (Hobbs et al. 2008) ou certaines bandes dans l’infrarouge moyen (Gillett et al. 1973). Les principales signatures spectroscopiques des poussières dépendent à la fois de leur composition, des manteaux de glaces et de leur environnement (Fig. 2.5).

7. Deux DIBS viennent d’être associées à la présence de la molécule C+60 (Campbell et al. 2015).

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