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Émission des grains .1Contexte

Dans le document Coreshine, un phénomène et un outil (Page 157-162)

incluant l’émission

5.1 Émission des grains .1Contexte

Les grains suffisamment gros (ad&10–15 nm1) sont à l’équilibre ther-mique. Cela signifie qu’ils n’ont pas le temps de se refroidir avant d’absorber un nouveau photon et qu’ils se maintiennent à une température d’équilibre Td. L’énergie absorbée par le grain est alors strictement égale à l’énergie réémise. Si l’on considère que le grain émet comme un corps noir de tempé-rature Td on a : ŸabsJνd‹ = ŸabsBν(Td)d‹, (5.1) avec Bν = 2h‹3 c2 1 exp3 h‹ kBTd 4 ≠ 1 (5.2)

En repartant de l’équation de transfert de rayonnement 3.1 et en consi-dérant Ÿsca ≥ 0 dans l’infrarouge lointain on obtient :

Iν(·ν) =Iν(·min)eτν+

τν

τmin

Sν(·ν)eτνν (5.3) avec Sνν)=Bν(Td). Cette dernière expression suppose que la température des poussières soit constante dans le nuage ou au moins soit constante par tranche d’opacité. On peut par exemple considérer que la fonction Bν(Td) ne décrit pas une seule loi de Planck mais une somme de lois de Planck à diffé-rentes températures soit Bν(Td)=qBν(Td,i). En considérant Iν(·min)=0, où

·mincorrespond à l’opacité sur les lignes de visée du milieu diffus, l’équation 5.3 peut être réécrite sous la forme :

Iν =ÿBν(Td, i)·ν0,i 3 0 4βi =ÿBν(Td, i)Ÿν0,iµmHNH2 3 0 4βi , (5.4) avec Ÿν0,ien cm2g≠1de gaz. À titre d’exemple, nous comparerons l’opacité2

des différents types de grains entre eux à 250 µm. Cette opacité varie suivant le type de poussière (Table 5.1, Annexe D) et dépend également du rapport entre la masse de gaz et la masse de poussière. Ce rapport varie suivant les auteurs de 1/100 à 1/133 (Compiègne et al. 2011). L’expression 5.4 suppose que l’émission est optiquement mince (1–eτν) ≥ ·ν et Ÿν Ã ‹β avec — l’indice spectral, ce qui est généralement vrai3 dans le domaine infrarouge lointain à sub–millimétrique.

Le modèle d’Ossenkopf et Henning (1994) est très souvent utilisé comme référence pour modéliser la poussière en émission4 dans les nuages denses. 1. Cette limite inférieure en taille est vraie pour un champ de rayonnement standard (G0∼1), elle augmente si le champ de rayonnement est plus important.

2. Ce paramètre est communément appellé opacité de la poussière dans la littérature, alors qu’il s’agit d’une opacité massique Ÿ vu qu’elle s’exprime en cm2g−1.

3. L’émissivité d’analogue de grains mesurée en laboratoire n’est pas correctement décrite par cette loi, il est donc préférable de connaître l’émissivité associée à chaque fréquence.

4. Il n’a pas été fait mention du modèle d’Ossenkopf et Henning (1994) dans la modé-lisation de la diffusion pour la simple raison que ces modèles ne sont pas fournis avec une fonction de phase associée.

WD01 3.1 WD01 5.5B OH94 OI3 MIN_0.4 MIN_4.0

Ÿ250µm 2.6 2.96 10.1 12.7 24.1 34.2

Table 5.1 – Table de référence pour Ÿν0en cm2g≠1 de poussière. Le nom des mo-dèles se réfère au Chapitre 3. OH94 désigne le modèle de Ossenkopf et Henning (1994) possédant un fin manteau de glace et calculé pour une densité initiale de 106cm≠3.

Cependant, on constate que les agrégats sont deux à trois fois plus émissifs (Table 5.1, Min et al. 2016). Les agrégats couverts de glaces de Köhler et al. (2015) vont également dans ce sens (voir leur Figure 9).

5.1.2 Observations et analyse de la SED

Les longueurs d’onde du satellite Herschel échantillonnent le pic d’émis-sion des poussières et semblent donc parfaitement adaptées à leur étude (voir Figure 5.1). Le télescope est équipé de deux caméras : PACS qui observe à 70, 100 et 160 µm, avec un champ de vue de 3.5’◊1.8’ et SPIRE qui observe à 250, 350 et 500 µm, avec un champ de vue de 4’◊8’. Je vais me concentrer sur les longueurs d’onde SPIRE qui permettent d’étudier les poussières les plus froides et donc les plus enfouies. Ainsi, nous tentons d’avoir accès à la contrepartie en émission des poussières que j’ai étudiées à l’aide de l’extinc-tion. Le télescope est limité par la diffraction avec un diamètre de 3.5 m et la résolution est respectivement de 18.2, 24.9 et 36.3" pour les trois longueurs d’onde SPIRE.

Figure 5.1 – Émission des poussières en fonction de leur température. Les

rentes courbes sont obtenues pour les même paramètres (voir Equation 5.4) et diffé-rentes températures : 6 K (violet), 10 K (ocre), 17 K (bleu). Les longueurs d’onde de l’instrument PACS sont représentées par les tirets rouges, et celles de l’instrument SPIRE par les tirets noirs.

La Figure 5.1 montre que la carte établie à 500 µm est la plus adaptée pour voir la poussière très froide (≥ 6 K). C’est donc la longueur d’onde la plus utile pour étudier le PSC de L183. Cependant, même en connaissant le profil du nuage (c’est à dire la densité et la densité de colonne, NH2, équation 5.4), il reste un certain nombre de paramètres libres que sont la température de la poussière Td, l’opacité Ÿν0 à la longueur d’onde choisie comme référence et l’indice d’émissivité spectral —. Pour caractériser cor-rectement ces 3 paramètres, il faut au minimum utiliser 3 longueurs d’onde,

soit l’ensemble des longueurs d’onde SPIRE, pour lever la dégénérescence. On cherche alors à optimiser les paramètres par ajustement de la distribu-tion spectrale d’énergie5 (SED). Les méthodes d’ajustement tout comme le comportement des différents paramètres les uns en comparaison des autres sont sujets à de nombreuses controverses.

A l’échelle galactique, Bianchi (2013) a par exemple pu démontrer que l’essentiel de la masse de la Galaxie située dans le bulbe peut aussi bien être estimée à partir d’une distribution complète de grains accompagnée d’une modélisation du champ de rayonnement, qu’à partir d’un ajustement des données Herschel à partir d’un corps noir modifié avec une seule tem-pérature (voir Équation 5.4). Pour les nuages moléculaires, en revanche, l’essentiel de la masse ne se trouve pas dans les cœurs préstellaires qui ne contiennent qu’une fraction de masse solaire contre plusieurs dizaines de masses solaires pour le nuage complet. Or, les cœurs préstellaires sont à la fois plus froids que leur environnement mais contiennent également des poussières plus évoluées et donc plus émissives (voir Chapitre 4). Un modèle qui utiliserait une seule température pour ajuster la SED n’est donc ni représentatif de la masse, ni de la température et ni des poussières contenues dans le cœur du nuage. Il est également important de noter que la température unique dérivée par ajustement de la SED6 ne correspond pas à la moyenne le long de la ligne de visée mais est biaisée vers les plus hautes températures (Shetty et al. 2009b).

En effet, la température varie très probablement de façon progressive de 17 K à l’extérieur du nuage jusqu’à 6 K au cœur du nuage (Evans et al. 2001, Zucconi et al. 2001). Malinen et al. (2011) ont cherché à explorer les effets de la variation de la température le long de la ligne de visée à l’aide d’une modélisation du transfert de rayonnement. Ils en déduisent que de manière générale, la masse des cœurs est sous–estimée à cause de la variation de la température sur la ligne de visée7. L’incertitude sur les propriétés des cœurs est gouvernée par celle sur l’émissivité des poussières. Cette incertitude repose avant tout sur l’opacité Ÿ qui peut facilement varier d’un ordre de magnitude avec la croissance des grains (voir Table 5.1 et Annexe D) et dépend dans une moindre mesure de l’incertitude sur l’indice d’émission spectral —. En l’absence de source, ils trouvent que l’indice spec-tral — est corrélé avec la température, ce qui diffère de la relation déduite de l’observation des nuages interstellaires (voir Figure 5.2).

La détermination des propriétés du nuage et des poussières à partir des données Herschel n’est donc pas directe et plusieurs méthodes ont été propo-sées. La méthode la plus classique consiste à minimiser l’écart entre les don-nées et la fonction que l’on adopte comme solution8. Néanmoins, l’utilisation 5. La distribution spectrale d’énergie correspond à la brillance observée en fonction de la longueur d’onde.

6. Certains auteurs l’appellent la température de couleur.

7. Cet effet est atténué en présence d’une source interne et donc de poussière plus chaude.

8. Il s’agit d’une minimisation de ‰2 où ‰2=q i

5

I(i)−f(i)

‡i 62

Figure 5.2 – Anti–corrélation entre la température et l’indice d’émissivité spectral

à partir du catalogue Planck pour les nuages du programme Hunting Coreshine. Les deux lignes pointillées correspondent à l’ajustement de deux autres séries de don-nées : une série incluant les nuages locaux jusqu’aux régions de formation d’étoiles extra–galactiques (Dupac et al. 2003) et l’autre n’incluant que les nuages très froids du plan Galactique (Désert et al. 2008).

de cette méthode, avec les données infrarouge lointain et sub–millimétrique, conduit artificiellement à une anti–corrélation entre T et — (Shetty et al. 2009a). D’autres méthodes ont été proposées pour retrouver correctement les paramètres physiques compatibles avec les points de la SED obtenus par l’observation. Il est notamment possible d’utiliser des a priori sur la densité ou sur la température pour mieux contraindre l’espace des paramètres à explorer et réduire l’incertitude sur la détermination de T et — (Marsh et al. 2014). De même, les méthodes bayésiennes peuvent conduire à une estima-tion des paramètres plus proche de la réalité et permettent de s’affranchir de l’anti–corrélation produite par la minimisation du ‰2 dans certains cas (voir le cas de CB244 et les tests réalisés par Kelly et al. 2012).

5.1.3 Résultats

Résumé des principaux résultats en français

Compte–tenu des inconvénients des différentes méthodes basées sur la paramétrisation de la SED, nous souhaitions tester notre capacité à correc-tement caractériser la masse des cœurs denses et les propriétés physiques du nuage à partir de l’émission seule. En effet, la plupart des températures déduites à partir de la SED, quelle que soit la méthode, sans a priori sur la température ou la densité du cœur préstellaire conduit à des tempé-ratures relativement plus élevées que celles attendues. A titre d’exemple, la méthode bayésienne de Kelly et al. (2012) conduit à des températures d’environ 11 à 17 K pour CB 244 alors que les observations moléculaires de Lippok et al. (2013) suggèrent des températures beaucoup plus basses entre 8 et 12 K. De la même façon, Roy et al. (2014) attribuent à L1689B une température centrale de 9.8 K là où les données de N2H+ (Bacmann et al., en préparation) révèlent de la poussière bien plus froide ≥ 6–8 K. La provenant des observations, f(i) la fonction à minimiser dépendante des paramètres et ‡i

présence de cette poussière froide conduit à une estimation de la densité de colonne moyennée dans le beam d’Herschel à 500 µm de 7 à 11◊1022 cm2

contre une valeur de 3.5◊1022 cm2, trouvée par Roy et al. (2014).

Ces résultats laissent donc penser que bien que la poussière froide contri-bue à l’émission vue dans les observations Herschel, on ne puisse pas déduire sa présence par un simple ajustement de la SED. Nous avons alors souhaité tester la possibilité de retrouver la composante très froide (<10 K) dans le cas du PSC de L183 à partir des observations Herschel mais également des observations submillimétriques encore plus sensibles à la poussière très froide (voir Figure 5.1). Le profil et la densité de colonne étant à la fois validés par l’extinction dans le NIR et la modélisation de la diffusion entre 3 et 8 µm (Chapitre 4 ; Figure 4.6), nous disposons d’une référence solide pour examiner les résultats obtenus par ajustement de la SED. Nous avons choisi d’illustrer cette comparaison par minimisation du ‰2.

Figure 5.3 – Ajustement de la SED à la position du PSC de L183 avec deux

composantes (à gauche) et trois composantes (à droite).

Nous avons alors testé l’ajustement de la SED à l’aide de deux com-posantes, une dont la température a été fixée à 17 K avec — = 1.8 pour reproduire l’émission observée à 100 µm et une dont la température et — sont restés libres. La valeur choisie pour Ÿν0 est de 0.111 cm2g≠1 à 300 µm , cette valeur correspond au modèle de poussière d’Ossenkopf et Henning (1994) souvent utilisé comme référence dans la littérature. La minimisation du ‰2conduit à une composante à 9.6 K avec une opacité à 300 µm de 0.0195 (Figure 5.3 à gauche). Si l’on impose la présence d’une troisième composante à 6 K, telle que déduite de la modélisation des raies de N2H+et N2D+ (Pa-gani et al. 2007, Lique et al. 2015), la quantité totale de poussière varie d’un facteur 3 (Figure 5.3 à droite). On remarque également que le ‰2 est à tout prendre plus favorable dans le cas du fit à deux composantes que dans celui à trois composantes bien que la situation réelle soit plus proche d’une tran-sition moins abrupte en température. Cela révèle clairement l’impossibilité de contraindre la température du cœur ou sa masse à partir de l’émission seule et sans a priori. Le détail du traitement et des considérations sont consignés dans l’Article III.

Article III

Est-il possible de tracer les

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